Il est attendu de disserter sur de l’artisanal. De baver sur un close-up matière, d’écrire autant de paragraphes sur la manière dont elle a été préparée, tissée, teinte. Il est moins naturel de faire les louanges d’une sape de fast fashion sans histoire ni avenir. D’un vêtement à peine pensé qu’il se voit déjà condamné à l’oubli. C’est d’autant plus vrai sur un média de niche où le texte est prédominant. Nous avons ici le loisir de nous attarder sur les choses. Et elles n’en valent pas toutes la peine.
Mais il arrive parfois qu’un vêtement nous tombe dessus. En dépit du lieu, de l’étiquette, de la raison initiale de notre présence. Avec ce petit coup de pouce du destin qui vient rapidement cautionner l’achat impulsif typique. Une réduction inespérée, gracieusement octroyée par la vendeuse sympa qui te fait te désinscrire de la newsletter de la marque pour te réinscrire, cette fois devant ses yeux, dans la foulée. Jusque là, le récit reste exemplaire de banalité. Une fringue accessible, mais pas trop non plus. Un appât. Des poches plus légères. Et toujours moins de place dans une armoire qui appelait déjà à l’aide.
Coup de foudre hivernal
Mais voilà, j’ai malgré moi trouvé mon manteau d’hiver « idéal » chez COS. Et j’aime assez bien l’idée de consacrer un peu de temps au produit d’une industrie qui n’en a plus. De lui autoriser une histoire, aussi personnelle soit-elle. Bien sûr COS n’est pas tout à fait H&M. Et on est très loin de Shein et consorts. Il y a un coté « fast fashion raisonnable ». Ou premium, pour les plus sceptiques. Les prix sont plus élevés qu’ailleurs. Ça ne part pas dans tous les sens à la Zara. Les vêtements ne rentrent pas la catégorie « à porter une fois pour la photo et à foutre au feu ».
Dire que c’est une marque que j’aurais instinctivement surveillé pour un manteau, la pièce maitresse de la saison, serait toutefois mentir. Moins de trois cent euros. C’est rien du tout quand on lorgne sur des marques japonaises quotidiennement. Mais quand même beaucoup pour de la mode assimilée jetable. Un tarif un peu batard qui invite plutôt à viser plus haut, à privilégier la seconde-main. Ou simplement a attendre les soldes. C’est néanmoins un segment qui semble se développer de plus en plus, les marques du secteur ne pouvant lutter face aux tarifs absurdes pratiqués par les acteurs les moins regardants du marché.
Ne plus ignorer le rayon femme
Mon problème avec COS est moins l’étiquette fast fashion que l’offre masculine. Toujours une majorité de coupes slim (et un peu trop courtes pour moi, parfois). Beaucoup de matières lisses ambiance minimalisme des années 2010. Du très sobre. Bref, il faut fouiller un peu (notamment sur le site) pour ne pas tomber dans l’ennui. Le client type est probablement responsable de cet état de fait. Diriger son regard en direction des rayons femme, qui occupent pratiquement tout l’espace de la boutique lyonnaise, appuie l’hypothèse. Ce sont les contours d’une autre marque qui se dessinent. L’oeil peut enfin s’accrocher à quelque chose. Un beau point de tricot. Une coupe intéressante. Un bleu électrique. Une parka ample qui intègre une chemise superposée.
Et, ce soir là, un balmacaan qui n’a de visu rien à envier à ce que l’on pourrait trouver chez Lownn. Je prends sans me poser de question la taille la plus grande. Le manteau est lourd, imposant, visiblement très long. Les manches ne me sont pas trop courtes, c’est rare et prometteur. Et un regard suffit à me convaincre. Les détails font le reste. Un col qui remonte très haut et son imposante patte de boutonnage. Une martingale qui pend lassivement dans l’interminable dos, cassant l’horizontalité. La matière, une laine melton italienne, est douce et épaisse. Le manteau est entièrement doublé en viscose. Et il y a même la place pour une poche intérieure boutonnée d’une taille respectable. Dans le jargon : c’est un gros win.
Ode au manteau noir
Mon « manteau parfait » doit savoir s’effacer, ne pas prendre toute la place. Il doit pouvoir mettre en avant les autres pièces de la tenue, sans pour autant prendre le parti de la fadeur. C’est une pièce qui sera portée quasiment tous les jours, ressortie chaque hiver. Je ne dois pas m’en lasser. Et pour cela le noir est une très bonne base. Il est déjà assez inhabituel de croiser un manteau oversize qui toise les 1m30 de longueur. Il ne faudrait pas trop en rajouter.
C’est cet équilibre subtil entre pièce très forte et polyvalence absolue (si tu as le vestiaire qui va avec, forcément) qui me plait beaucoup. S’il y a bien des choses à dire sur le manteau en lui-même, il n’en devient pas à coup sûr le centre de l’attention. La matière, sans aspérités, laisse la silhouette s’exprimer et invite à expérimenter ailleurs.
Et c’est encore une fois du coté féminin que je me tourne. Mon pull en cachemire brossé President’s, marque italienne sous cotée, ressemble à s’y méprendre à une maille en mohair. Une laine à l’apparence fluffy autrefois réservée au womenswear qui s’est imposée dans le vestiaire masculin ces dernières années, à l’instar du crochet et des matières transparentes.
Extra-wide
Cette texture peu commune amène un peu de piquant à l’inoffensive laine melton (au sens propre comme au figuré. C’est assez étonnant du cachemire qui grattouille, mais je lui pardonne). Le gris chiné contraste doucement avec le noir profond. Le réflexe fainéant serait de sortir un pantalon noir ou gris charbon à pinces pour finir efficacement. C’est très bien pour se saper rapidement le matin, mais je ne sors pas faire des photos tous les jours. Je préfère ici mon pantalon à carreaux Stein extra-wide, pièce qui porte très bien son nom et achat récent certainement cent fois moins raisonnable que l’objet de cet article.
J’ai un petit faible pour le combo chaussures fines et pantalon ample. Une paire de mocassins « Canal Loafers » The Row, ou Lemaire dans un autre registre, aurait poussé le délire jusqu’au bout. Ma paire de Dries Van Noten en cuir grainé noir est un bon compromis moins clivant, apportant une touche de rondeur, de rugosité et d’élégance informelle. La silhouette est ainsi ancrée, étagée. Les volumes bien qu’inhabituels se répondent, à mon sens, harmonieusement. Le drapé du manteau COS suit exactement les lignes exagérées d’un pantalon pas facile à maitriser, mais coupé au scalpel.
Voilà pour cette tenue. Et pour ma première incursion sur ces terres borassiennes de l’analyse de look. Comme une lettre d’amour à un manteau tombé du ciel qui devrait, je le souhaite, accompagner mon évolution stylistique pour les années à venir.