Barbour et l’iconique veste en toile cirée. Workwear anglais, royauté et streetwear contemporain

Le Levi’s 501, la trucker jacket, le trench-coat Burberry, le mac de Mackintosh, le perfecto Schott… Avec sa « waxed jacket », ou veste en coton ciré, Barbour fait incontestablement partie d’un petit club très sélectif. Celui des grands noms qui ont introduit ou popularisé les vêtements les plus emblématiques du vestiaire masculin contemporain. Ou ce qu’on appelle communément les « classiques ». Ce corpus de formes originelles qui, malgré les modes cycliques et les microtendances passagères, restent toujours pertinentes.

Tout Barbour en une image !

Ce qui nous intéresse aujourd’hui est donc bien cette idée paradoxale « d’intemporalité ». Tout ce qui fait qu’un design ancré dans un contexte parvient à traverser les époques. Et pour allier l’utile à l’agréable, revenir sur l’histoire des vestes en coton ciré Barbour était une évidence. Pièces de mi-saison par excellence, elles trônent fièrement aux premières positions de nos sélections de manteaux de pluie et de vestes et blousons pour l’automne. Des places de choix sur un média qui se veut assez peu conservateur et qui en disent long sur tout ce que peut représenter la waxed jacket encore aujourd’hui.

Barbour, du vêtement de travail à l’imprimé léopard Supreme

Peu nombreuses sont les marques qui peuvent prétendre à une histoire aussi riche que celle de Barbour, même au sein de la galaxie des labels heritage. Et il est rare de voir l’essence d’une marque historique survivre aux lois du marché. Ou même à ses propres mutations. Du vêtement de pluie pour les marins à l’uniforme casual de la famille royale britannique jusqu’au streetwear le plus contemporain, Barbour n’a jamais perdu de vue ce qui fait sa singularité.

La naissance de Barbour

Le propre des marques workwear peut se résumer en quelques mots. Elles répondent à un besoin, apportent une solution, améliorent les conditions de travail. Et dans ce sens, l’histoire de Barbour commence peu ou prou de la même manière que celle de Levi’s. Par une volonté de se différencier de ses concurrents sur un marché aux produits imparfaits ou perfectibles.

John Barbour
John Barbour
drapersonline.com

La toile cirée, une technique avant-gardiste à la fin du XIXème siècle

Créée en 1894 à South Shields, ville et port de pêche anglais au sud de la frontière écossaise, J. Barbour and Sons n’est alors qu’une entreprise familiale d’importation de tissus huilé (oilcloth). Des toiles de coton imbibées d’huile de lin. Une solution de fortune qui permettait d’imperméabiliser, en sacrifiant confort et respirabilité au passage, les manteaux de pluie des marins et des dockers. Entrepreneur au nez fin, John Barbour se décide plutôt à tout miser sur la toile cirée. Une technique d’imperméabilisation à base de paraffine encore peu connue à l’époque.

veste Barbour toile cirée
wornandwound.com

Il vise juste et le succès est immédiat auprès des marins. Plus résistantes et confortables que les vestes en oilcloth (car plus aérées), les premières Barbour waxed jackets vont voyager aux quatre coins du globe. L’avantage indéniable d’avoir une clientèle nomade et acquise à la cause. La petite entreprise passe encore à la vitesse supérieure quand le fils de John, Malcolm Barbour, a la bonne idée de proposer de la vente via catalogue dès 1908.

barbour marque catalogue 1908
Le premier catalogue Barbour
barbour.com

Barbour, uniforme des bikers et de la Royal Navy

Ayant conquis le marché des travailleurs de la mer avec des clients dans le monde entier, la marque britannique ne compte pas s’arrêter là pour autant. La nouvelle ligne Barbour International, introduite en 1934 par Duncan Barbour fils de Malcolm, signe la première incursion dans un univers éloigné du workwear. Une gamme de vêtements qui se destine aux motards, dont la fameuse riding suit.

riding suit 1930
« International Riding Suit », combinaison une pièce des années 30. barbour.com

Comme les marins trente ans plus tôt, les bikers adoptent ainsi massivement l’ensemble Barbour à une époque ou le marché britannique de la moto connait une croissance exponentielle. La seconde-guerre mondiale marque une énième diversification des activités de l’entreprise avec la conception de l’ « Ursula Suit ». Une tenue deux-pièces imperméable qui a équipé le personnel à bord des sous-marins de la Royal Navy à partir de 1941.

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Veste Barbour « Ursula » vintage. Directement inspirée des combinaisons vendues par Barbour International à la fin des années 30.
barbourinternational.com

Le renouveau des années 70

À la manière du denim au États-Unis, le retour des soldats à la société civile va populariser la toile cirée et tous ces vêtements militaires qui rapidement débordent des surplus. Ceux-là même qui n’avaient pourtant que leur fonctionnalité comme seule et unique raison d’être.

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legendstory.fr

La révolution by Margaret Barbour

Mais c’est à la mort inattendue de John Malcom Barbour en 1968, fils de Duncan Barbour lui-même petit-fils du premier John Barbour (c’est le moment de sortir l’arbre généalogique), que les choses vont vraiment prendre une tournure décisive pour la marque. Quand sa veuve Margaret Barbour, alors âgée de 25 ans, se retrouve au conseil d’administration de l’entreprise. Une dame arrivée par hasard aux commandes et qui détient contre toute attente les clés du succès à venir.

dame margaret barbour
Margaret Barbour
nettimesmagazine.co.uk

C’est en effet sous sa présidence, à partir du milieu des années 70, que la toile cirée ne va plus être uniquement associée au monde du workwear. Avec notamment l’introduction de la « Bedale » puis de la « Beaufort » dans les années 80. Des nouveautés accompagnées d’un changement de stratégie marketing radical. L’imaginaire du travailleur laisse place à la mise en scène d’un mode de vie bourgeois à la campagne. Barbour séduit les chasseurs comme les cavaliers et devient un symbole de savoir-faire, de richesse et de raffinement à l’anglaise.

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Publicité courant années 80
ivy-style.com

Le chic à la campagne

De même, 1974 est l’année qui marque l’obtention d’un premier mandat royal (Royal warrant) délivré par le Duc d’Edinbourg. Concrètement, cette distinction prestigieuse permet à Barbour de communiquer sur ses produits en tant que fournisseur privilégié de la famille royale. Ce qui participe évidemment grandement au prestige des nouveaux modèles de waxed jackets. Du simple marin à l’élite du pays, cette ascension relativement récente de Barbour jusqu’aux plus hautes sphères est paradoxalement l’image qui est restée dans les mémoires encore aujourd’hui.

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Les fameux mandats royaux
barbour.com

S’ajoutent au palmarès deux autres mandats royaux en 1982 et 1987 (Barbour est la seule marque anglaise à en cumuler trois), alors que les vestes en toile cirée s’inscrivent définitivement dans le canon du style sloane ranger (si tu ne connais pas encore ce terme, pense « Lady Diana »). Mais les années 80 vont également voir la marque renouer avec son passif d’équipementier moto. Notamment avec le grand retour de la veste international, dérivée de l’Ursula suit et introduite dans les années 50, maintenant ornée du logo Barbour International jaune sur fond noir.

barbour international marque logo
endclothing.com

Barbour aujourd’hui

Si au début des années 2000 Barbour est une institution centenaire respectée au Royaume-Uni, la marque reste néanmoins une affaire familiale d’une taille très modérée qui touche un public relativement restreint. Quant à la technologie de pointe de 1894, elle relève maintenant plus du folklore que d’une vraie solution technique.

De la perte de vitesse à la hype

Qu’on se le dise, réimperméabiliser sa Barbour, c’est un peu comme se lever pour changer la face de son vinyle à l’ère de Spotify. Ou laver ses vêtements au lieu de les jeter directement à la suite de sa vidéo TikTok à l’ère de Shein, si tu préfères une analogie plus contemporaine. Pourtant, la perte de vitesse des années 2000 n’a été qu’un passage à vide temporaire. L’image un peu ringarde de la marque s’estompe alors que l’on observe un regain d’intérêt pour les « valeurs sûres » de la garde robe masculine.

barbour wood wood collaboration
Barbour x Wood Wood
indie-mag.com

L’avénement du menswear, la recherche d’un produit de qualité, et le retour en force des styles workwear, preppy et ivy league dans la mouvance casual-chic sont autant de facteurs qui peuvent expliquer le retour en grâce d’une marque de pêcheurs, de chasseurs, et de bourgeois aux valeurs traditionnelles. Une première Fashion week à Londres en 2015 et des collaborations avec les grands noms du workwear et du streetwear achèvent de progressivement dépoussiérer l’image de Barbour.

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Veste Barbour x NOAH
hypebeast.com

Le charme de la patine à l’heure du vêtement durable

Oui, d’un point de vue purement pragmatique acheter une Beaufort pour se protéger de la pluie n’a pas vraiment de sens à l’heure des membranes synthétiques. Sans oublier qu’une veste en toile cirée c’est lourd, ça ne tient pas très chaud et ça n’est pas très confortable ni très respirant. Sans oublier l’odeur un peu particulière. Mais justement. La prétendue « intemporalité » ne serait-elle pas avant tout une histoire d’authenticité ? Ce charme du vêtement honnête, imparfait, rugueux.

Rewaxed cotton jacket
Le synthétique lisse des vêtements techniques modernes peu difficilement rivaliser avec les belles aspérités d’une toile usée
barbour.com

Aujourd’hui, Barbour semble bien avoir trouvé son équilibre entre tradition et mode. Entre modèles classiques inchangés depuis près de cinquante ans et collections capsules orchestrées par Supreme ou Noah. Il faut aussi mentionner toutes les initiatives qui mettent en avant l’achat raisonné. Des programmes d’upcycling et de réparation qui sonnent juste à une époque où la question de la durabilité (comprendre sustainability) est importante chez les nouveaux consommateurs.

Présentation du programme Barbour « Re-loved »

Ou quand faire réparer ses vieilles fringues passerait presque pour de l’avant-gardisme ! Cet attrait de la belle patine et du vêtement qui dure est d’autant plus fort dans un paysage inondé par la fast fashion et les fringues jetables. Particulièrement prisées en friperie, et vendues à des prix parfois délirants dans certains select store, les vieilles vestes de la marque anglaise déjouent toutes les connotations pour se retrouver sur les épaules des plus jeunes.

Barbour et la recette de l’intemporalité

Outre les questions d’image et de tout ce qui relève du jeu des tendances, c’est finalement peu de choses qui ont changées chez Barbour depuis sa fondation. Et si la production de la petite entreprise familiale est majoritairement délocalisée en Europe, les modèles qui ont fait sa gloire restent fabriqués au Royaume-Uni, toujours à South Shields. Dans une usine un peu plus grande, certes.

barbour ancien tartan
Un court article ici si tu veux en apprendre plus sur les tartans Barbour

Respecter son héritage et faire comme à l’ancienne, mais réactualiser ses best-sellers en s’associant aux bonnes personnes. Voilà en quelques mots la recette de l’intemporalité telle qu’elle est appliquée chez Barbour ces dernières années. Des vestes les plus classiques aux collaborations les plus pointues, je te propose maintenant un petit tour des belles choses à connaître.

Les vestes Barbour incontournables

Avec une cinquantaine de modèles à son catalogue (homme, femme, enfant), la veste en toile cirée est bien le produit phare chez Barbour. Voici une sélection des classiques et incontournables qui devrait contenter tout le monde.

Bedale, Beaufort, Border et le reste…

Les modèles les plus « iconiques » de chez Barbour, c’est à dire les vestes introduites sous la direction de Margaret Barbour dans les années 80, sont très certainement ceux qui te viennent en tête à l’évocation de la marque britannique. « Bedale », « Beaufort », « Northumbria »… Toutes sont fabriquées dans une toile cirée imperméable 6 oz, possédent le fameux col en velours, les poches doublées en moleskine et le double zip signature. Et peu importe les questions de nomenclature, ces designs sont globalement très proches et les différences se jouent dans les détails.

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Les évents à boutons pression que l’on retrouve aux flancs assurent une meilleure mobilité lors de la pratique de l’équitation
orvis.com

La Bedale (1980) est très certainement la plus innovante du lot. Courte, elle s’adressait à l’origine aux cavaliers. Avec ses huit centimètres de plus, la Beaufort (1983) est quant à elle inspirée de la veste de chasse française. Reconnaissable à ses deux poches arrières (ou game pockets qui à l’origine servaient à stocker les petites proies), elle est pensée pour être portée au-dessus d’une veste.

veste barbour beaufort
Veste Barbour « Beaufort »
orvis.com
veste barbour border jacket
Barbour « Border »
barbour.com

Enfin, la Border est la plus longue et la plus « minimaliste » des trois. En plus des poches, elle perd au passage les manches raglan au profit d’une construction plus classique. Chacune peut être portée avec un liner et une capuche, à acheter en supplément. Il existe également des versions matelassées (quilted), pour ceux qui n’auraient pas si peur de la pluie.

La veste « International »

On l’a vu dans la partie culture G, mais Barbour c’est également la mythique veste « International ». Avec ses quatre poches frontales (dont une en biais) et sa ceinture, la veste du sous-label Barbour International est une icône du style biker et a équipé sportifs comme stars hollywoodiennes.

veste barbour international original wax jacket
cultizm.com

Plus chargée visuellement, elle a une vibe rétro qui fonctionne très bien avec un style soft-tailoring aux coupes un peu vintage. La récente collaboration avec la marque créative YMC, dont j’ai pu te parler en détail dans la Revue de mode, épure le design original et lui donne une polyvalence nouvelle.

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Barbour x YMC
barbour.com

La spey jacket

On termine ce rapide tour des vestes en toilé cirée Barbour avec ma préférée, la spey jacket. Bien moins connue que les modèles cités au-dessus, elle est pourtant un véritable grail en vintage. Créée au milieu des années 80, c’était une veste pensée pour la pratique de la pêche à la mouche. Son design très spécifique (cropped et boxy afin qu’elle ne soit pas submergée quand le porteur marche dans l’eau) a conduit à la fin de sa production à partir de 1997, alors que la marque cherchait à moderniser ses collections.

veste barbour spey jacket
champgrand.fr

Particulièrement appréciée sur le marché japonais pour son coté sporstwear (avec des marques comme Monitaly ou South2 West8 qui s’en inspirent grandement), elle se revend aujourd’hui à prix d’or entre connaisseurs et amateurs de taille haute. La marque française Brut Clothing a récemment pu proposer dans sa ligne « REWORK » des vestes Barbour modifiées qui reprennent les codes du design de la spey.

Comment bien porter une waxed jacket Barbour aujourd’hui ? Styles classiques et collaborations

Après l’histoire, voici la mise en pratique. Bon, le titre est un peu trompeur. Je ne vais pas terminer cet article en te donnant réellement des « conseils » dans le sens traditionnel du terme. Mais plutôt te montrer, notamment par le biais des différentes collaborations au sein de moodboards, tout ce qu’il est possible de faire quand une détourne une veste Barbour classique.

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Veste Barbour x Yoke « Connected Spey ». J’aurais pu également citer la collaboration avec Markaware
baycrews.jp

La veste Barbour et les styles ivy et preppy

Si Barbour n’a jamais fait partie du canon esthétique preppy ou ivy des années 60, on peut légitimement penser qu’il y a prescription aujourd’hui. Dans un style casual-chic ou même soft tailoring (par exemple par-dessus un complet ou un dépareillé qui tend vers l’informel à la Drake’s), une veste en toile cirée fonctionne à tous les coups. Pour ce genre de style, les modèles aux colorways les plus classiques sont des valeurs sûres. Inutile d’en faire trop, la cravate rayée jaune et noire ou le shaggy dog se chargeront d’amener un peu de couleur.

Workwear et toile cirée

Penser sa tenue en revenant aux origines workwear de la veste en toile cirée est évidemment quelque chose de très naturel. Il suffit de remplacer le pantalon en laine pour un work pant, les mocassins pour des chaussures un peu plus imposantes type Paraboot, et ajouter une veste en toile cirée en collaboration avec une marque (japonaise) pointue. Et hop, le tour est joué. Car là où il y a des poches, il y a du workwear. Et Engineered Garments, aussi.

Porter une veste Barbour dans un style gorpcore

S’il y a bien un domaine où l’on attend pas Barbour, c’est bien dans le monde de l’outerwear technique moderne et du sport de montagne. Je ne pense pas me tromper en affirmant que porter une veste en toile cirée en randonnée n’est très certainement pas une idée brillante. Les japonais de chez And Wander et White Moutaineering ne semblent pas du même avis. Au prix de quelques coutures soudées, de Cordura et de doublures en Polartec, évidemment.

Du streetwear pour décoincer les classiques

Drake’s et Aimé Leon Dore, Woolrich, Doc Martens et Engineered Garments… Les collections capsules qui voient se réunir des acteurs du vêtement classique avec des marques hype et pointues se sont multipliées ces dernières années. Une manière simple et peu couteuse de toucher un nouveau public. Ou accéder à un savoir-faire et à une légitimité qui fait parfois défaut au monde du streetwear . Barbour n’est pas étrangère à ces rencontres aussi ponctuelles qu’improbables entre tradition anglaise et mode urbaine.

Le mot de la fin

« Classless » est le peut-être le mot le plus juste quand il s’agit de définir une waxed jacket Barbour. Épurées et fonctionnelles, ces vestes habillent sans faire de distinction. Si simple à associer et à porter, elles ont ce caractère effortless qui souvent fait le sel d’une belle tenue. Charme de la désuétude, profond respect du produit et hype qui se mêle au savoir-faire sont les ingrédients de cette longévité exceptionnelle.

Par Nicolas

Fatigue pour les intimes.

Un style pointu et des conseils simples

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