Je te rassure, point d’erreur, tu es bien sur Borasification, ton site préféré lorsque l’on parle de mode homme. Il est vrai que ce titre et cette photo de couverture peuvent surprendre. Ciney Militaria, bourse d’objets militaires, mais qu’est ce que ça vient faire ici? Et bien, la mode ne s’arrête pas aux dernières collections et à chiner sur Vinted. Surtout quand on aime les styles workwear et military. Alors j’ai eu envie de te partager une expérience un peu particulière, où le temps d’un weekend, collectionneurs, passionnés et curieux se retrouvent à Ciney pour arpenter les dédales de la plus grande foire militaire d’Europe!
Disclaimer: en fin d’article, Nikko, rédacteur sur le site, te narre la journée avec sa prose bien à lui.
Ciney Militaria: qu’est-ce qu’une bourse d’objets militaires (anciens et vintage)?
L’être humain a ce truc de collectionner tout et n’importe quoi. Et dans le cas de notre sujet du jour, c’est une passion qui permet de garder intacts des fragments de notre histoire. Aussi dur soient-ils car, sans filtre, nous parlons tout de même de collectionneurs passionnés par tout ce qui ramène à la guerre.
Et Ciney Militaria est donc la plus grandes foire aux armes et bourse d’objets militaires d’Europe.
En gros, c’est dans ce petit village de Belgique que sont réunis plus de 600 exposants et 12 000 visiteurs venant de toutes part en Europe.
Et c’est ici que l’on peut trouver tout ce qui a trait, en grande majorité, aux guerres qui ont touché notre continent par-delà les siècles passés. Avec un très gros focus sur la Première et la Seconde Guerre Mondiale.
Avant tout une bourse aux armes
Alors Ciney Militaria, quand tu tapes le nom dans Google, c’est bourse aux armes qui revient le plus. Et il ne te faut pas longtemps pour comprendre où tu mets les pieds.
Si tu n’es ni chasseur ni bandit, tu auras déjà vu plus d’armes en quelques mètres que dans toute une vie.
Ça va de mille et une épées ou sabres à des tonnes de fusils, mitraillettes et autres pistolets. Avec des trucs badass comme des bazookas ou des mitrailleuses plus grandes que moi.
Il y avait même une bombe… désamorcée bien sûr. Comme toutes les armes à feu qui sont démilitarisées (la loi l’exige, c’était à se demander parfois sic!).
Entre-nous, bien que grand pacifiste devant l’éternel, paradoxalement, le film de guerre est un genre cinématographique qui me botte depuis l’adolescence. Voir toutes ces armes en vrai, ça reste assez incroyable.
D’ailleurs, c’est ce que je suis venu chercher à Ciney: plonger dans le passé. Ça me ramène aux longues heures passées avec mon grand-père, résistant pendant la WW2, qui me racontait un tas d’anecdotes.
(avec le recul, certaines étaient un peu sordides pour un gamin!)
J’ai déambulé entre les stands le plus souvent avec les yeux d’un enfant curieux. Sans oublier néanmoins que le styliste que je suis devenu est venu aussi nourrir son oeil et sa créativité.
Est-ce le bon plan pour trouver des vêtements militaires vintage ?
Si je n’ai pas employé le mot « acheter » avant, c’est parce que Ciney n’est pas forcément ce que tu peux appeler un bon plan pour acheter du vêtement militaire vintage pas cher.
Qu’on s’entende, ça sera toujours bien moins cher que beaucoup de select stores qui pratiquent des prix (trop?) élevés pour qui touche un peu sa bille en militaria.
Mais oui, tu es dans une bourse de passionnés et tu ne feras pas le hold-up du siècle comme c’est possible en brocante ou sur Vinted.
Néanmoins, c’est l’occasion d’avoir au même endroit pas mal de pièces, principalement des 2 Guerres Mondiales. Ici, les conflits qui n’ont pas concerné directement l’Europe ont moins la cote donc on voit moins d’archives du Vietnam par exemple. Dommage, ça reste le plus intéressant niveau mode.
En revanche, et ça c’est important à savoir, les collectionneurs ne pensent pas la valeur des vêtements de la même manière que des modeux comme Nikko ou moi.
Pour eux, ce qui coute le plus cher et a une vraie valeur, ce sont les pièces neuves (mint/deadstock). Le Graal est là pour eux. Nous? On va flasher sur la veste HBT complètement patinée, trouée et rafistolée.
L’avantage de Ciney?
Ces pièces sont à des petits prix car elles n’intéressent pas le collectionneur classique. Hors pièce ultra rare bien évidemment.
C’est d’ailleurs ce point qui permet à des friperies de « luxe » de vendre à prix d’or des choses qui n’ont rien de rares à des néophytes urbains. Business is business, point de critique, simple constat.
Mais maintenant tu sais!
Comment s’habiller pour aller à Ciney Militaria: le folklore d’une foire militaire
Je ne pouvais pas t’immerger dans l’ambiance Ciney sans te parler de style. Déjà parce que l’on est un média de mode masculine et puis parce que c’est à voir.
Nous sommes bien sûr loin de la fashion week, ce n’est pas le sujet de toute façon, et bien plus proche de la Japan Expo. Je m’explique.
Déjà, exposants comme visiteurs, toute l’Europe est représentée. Il suffit de regarder les plaques d’immatriculations sur le parking, le continent est quadrillé: de l’Irlande à l’Italie, de l’Ukraine au Portugal.
Et les cheveux sont grisonnants le plus souvent, ils n’y a pas de menswear enthousiast ici.
En revanche, on croise des cosplay comme toute foire à X passion. Et le plus curieux, ce sont souvent des jeunes, voire très jeunes qui arborent des tenues d’époques.
Les plus dédaigneux trouveront ce folklore ridicule, nous, ça nous a amusés et cela a pimenté la balade dans des allées qui parfois finissent par se ressembler.
(au bout du dixième stand de patchs militaires, quand tu n’y connais rien, tu traces)
Ciney et les nombreux objets de l’Allemagne nazie: entre Histoire et dérives?
Enfin, non pas que ça me ravisse de terminer sur une note « tiède » mais je ne peux évoquer l’expérience Ciney sans parler d’un point qui choquera la grand majorité d’entre-nous.
Les artefacts de la Seconde Guerre Mondiale sont les plus nombreux à Ciney Militaria et ceux de l’Allemagne occupent une partie non négligeable. Bien que prévenu, ça ne peut laisser indifférent.
Un ou mille, c’est pareil me diras-tu. Je ne connais pas la législation mais c’est un évènement encadré, la police vérifie les stands, ce que j’ai pu voir est donc « dans les règles ».
Disclaimer: Il aurait été aisé de partager davantage de clichés, mais nous avons jugé qu’il serait plus agréable pour tout le monde de s’épargner ça.
Quoiqu’il en soit, croiser ces symboles et tout ce qu’ils représentent, même s’ils sont le plus souvent recouverts d’une gommette, c’est toujours un choc. Il ne s’agit là pas de fiction mais bien d’armes et objets qui sévirent lors d’une page bien sombre de l’Histoire de l’humanité.
Et si je comprends la nécessité de garder des traces, même du pire, pour les musées et autres organismes du genre, des choses m’ont gêné.
J’ai vu des centaines de pièces. Et si j’entends qu’il y a à Ciney des acheteurs de musées, j’ai assisté à quelques scènes troublantes.
Sans entrer dans le délit de sale gueule, il y a des phrasés et des attitudes qui nous éloignent quand même de l’historien mandaté par un musée. Couplé à un public à 99% caucasien, tu te demandes parfois où tu es tombé.
Fort heureusement, cela reste marginal.
Je vais maintenant laisser Nikko t’amener dans une visite immersive, avec poésie et humour.
Nikko te raconte comment se passe une journée à Ciney Militaria
Ciney, Ciney, un moment hors du temps. C’est quoi Ciney? C’est avant tout une ambiance, une atmosphère particulière.
Deux fois par an, les collectionneurs et badauds font face à leur plus grande tentation! On attend ce moment, on rêve en secret de la pièce qu’on cherche désespérément, on fait la route, pressé d’y être. Non, je ne lâcherai pas plus de X€, oui, mais si finalement? Si finalement quoi? La perfection, l’accumulation de frustrations à chiner, la tentation, le coup de coeur, bref, la liste est longue. On roule, se fixe des objectifs, se met des limites, les repousse, les analyse avec pragmatisme, oublie 10 minutes plus tard toute objectivité.
Arrivée. Un concert d’ACDC! Cohue de voitures, organisation militaire, parcage à la chaîne, contact coupé, c’est parti!
En haut, le plus petit hall, sombre, feutré. Éclairage artificiel, rideaux immenses sur les murs, allées bondées. À la belge, personne dans le même sens, télescopages, décibels. Du polonais à l’italien, de l’anglais à l’espagnol, toutes les langues fusent, avec la même excitation, mettre la main sur l’objet tant désiré.
L’oeil est sollicité en permanence, mais pas que! Les odeurs de métal, de cuir, de tissus, de stockage, de graisse, de rouille titillent les sens. L’odeur de la chine, décuplée. La poussière vole. 12 degrés dehors, 22 dedans, portes ouvertes et 10m de hauteur sous plafond. Le collectionneur fiévreux réchauffe la salle.
Un éclat de métal, un bout de drapeau rouge, un tissu, tout fascine. Serait-ce enfin? Non, je m’en doutais, mais c’est peut-être? Non plus, repose, garde le cap, souviens-toi la ligne de conduite que tu t’es fixée.
2 bonnes heures plus tard, et quelques coups de coeur qui finiront par déferler sur la raison au galop en fin de journée, direction la seconde salle, la halle aux bestiaux. Le ton est donné.
Arrivée en surplomb de la salle, 3 fois plus grande, plus lumineuse, allées plus larges, entre les parcs à bestiaux. D’immenses portes ouvertes qui laissent entrer un soleil timide pour l’instant. Il ne doit pas trouver sa place entre les armes luisantes et les pièces de Jeep Willis baignées dans la graisse.
Après la frénésie du matin, petit coup de mou, un drapeau de la marine japonaise trône au milieu de la salle, effet garanti! On en profite pour s’attarder un peu plus sur des objets insolites, on admire, on flâne, les gens discutent, font une pause. Les allées sont larges, moins de bousculade, plus d’odeurs de frites ou de gaufres. Passer en mode automatique, ne surtout pas lâcher avant d’avoir fait le tour, la pièce tant désirée se trouve peut-être là, au milieu de tout ça.
Un reste de bouse écrasé par ci, un rayon de soleil par là, croiser des pré-ados introvertis avec un casque du débarquement sur la tête, se retourner sur un mec de 50 ans habillé avec 2 camos et une chemise à carreaux sans avoir d’autre sentiment en voyant ça qu’un Waouh, ça passe crème!
Depuis le dernier Ciney en avril, je cherche une parka. Une seule. Je ne la trouverai pas. Presque, mais incomplète. Pas grave. Avoir réussi à traîner Boras ici malgré son coup de fatigue est déjà une réussite pour moi. J’aime déambuler dans les allées avec lui, on a un regard similaire sur ce qui nous entoure. Des sensibilités différentes, mais un oeil similaire. Chiner est une passion commune, et bizarrement notre regard est souvent attiré par les mêmes objets. Un katana, un casque, une veste, on discute avec les vendeurs, on attire les regards en essayant des trucs trois fois trop grands, en parlant déco et vêtements au milieu de collectionneurs qui cherchent le truc en état d’origine.
La patine, au contraire, attire notre attention. Une fripe défoncée et complètement hors du temps? Ok, c’est dans le sac. Un casque qui raconte une histoire malgré ses manques s’est vissé dans un coin de la tête de Bo, et moi je ne peux m’empêcher de penser à un couteau à légumes japonais en acier carbone très wabi-sabi aperçu ce matin sur un stand.
Je ne m’y attendais pas. J’ai un très bon santoku au quotidien, je n’ai pas besoin de plus. Mais au fond de la première salle, une rencontre avec un professionnel des lames japonaises en aura décidé autrement.
Patrice Sabbah, polisseur restaurateur, expert CEA. Un monsieur. Passionné, passionnant, qui a pris le temps de discuter avec nous, de nous montrer son art, en sachant pertinemment que nous n’achèterions rien. Pas par manque d’envie, au contraire, mais quel budget! Bo a dû t’en parler avant, l’acquisition d’un sabre japonais représente une sacrée somme! Bref. Explications, photos, échanges, 30 ans de passion, une entreprise familiale, ça nous parle à tous les deux.
Dans un coin du stand, sous verre, quelques couteaux. Récents. Artisanaux. Par curiosité, je demande si je peux prendre en main un couteau qui m’a lancé un clin d’oeil. Si si, je te jure. Je le prends en main, le poids m’impressionne. La beauté qui s’en dégage aussi. La prise en main est parfaite, les matériaux se marient harmonieusement. Waouh! Je le rends. Non, ce n’est pas raisonnable. Merci beaucoup, ce fut un moment très agréable, il est encore tôt, on ne va pas vous déranger plus longtemps.
6h plus tard, je tente toujours de me le sortir de la tête. Peine perdue. Évidemment. Je me connais, reculer pour mieux sauter. Retour au stand. Ok je le prends, vous m’avez marabouté ce matin! Échange de billets. Mais au fait, je n’ai posé aucune question sur l’objet. Madame Sabbah m’en parle un peu plus. Fait par un petit forgeron tokyoïte, production artisanale.
Et voilà, je repars avec. Magnifique. Ligne de trempe ondulée comme les katanas, émouture d’une finesse incroyable, acier carbone qui promet de nombreuses années d’utilisation, poignée en bambou, bague en bakélite. Douceur, équilibre, poids, fil, imperfections, signature, c’est tout ce que j’aime.
Au moment où nous sommes en discussion, les allées sont presque vides. Une jeune fille, 12/13 ans, passe quand je dis que j’ai ce couteau en tête depuis ce matin et qu’il ne veut pas quitter mes pensées. Dans mon dos, j’entends d’une petite voix « de toute façon, quand on a un couteau en tête, c’est pour la vie! ». Ciney. Magie, situation improbable, un clin d’oeil, la petite trace sans s’arrêter. Vive la Belgique.
Très heureux, on repart la tête pleine de souvenirs, sur les rotules, le ventre vide, le sac plein, et à peine partis, je ne pense déjà qu’à la parka que je trouverai en avril prochain et aux légumes que je vais débiter d’ici là. Une chose est sûre, je reviendrai, seul ou accompagné, et j’irai encore discuter avec Monsieur et Madame Sabbah, sans autre but que d’échanger entre passionnés. Ou pas…
Et hop 2 nouvelles lubies: katana japonais et casque militaire
« Les gars, je viens pour regarder, je n’ai besoin de rien ».
Voici la teneur du message Nikko et Thibaud quand je leur dis que je prends un TGV pour Metz la veille de Ciney. C.B perdue une semaine plus tôt, je prends peu de cash et je file.
Mais voilà une fois sur place, la tension monte, et ça n’est pas que parce que je me sens fiévreux. J’aime les vieilleries, les trucs qui ont traversé le temps, les petits bouts d’une époque. Alors forcément, je suis vite chahuté et le plus fou, ce n’est pas forcément par les fringues.
J’ai bien essayé une M43 pour remplacer ma Visvim devenue trop petite, mais je ne sais pas, pas dans la mood, je ne cède pas. Pas même pour une parka m51 comme je cherche depuis longtemps.
Non, j’ai vu des choses qui m’ont autrement bousculé avant.
Des objets loin de la mode, qui ne sortiraient pas de mon appartement.
Les katanas de samouraï… purée, je suis encore tout troublé. Depuis tout gosse, je suis fasciné par ce sabre japonais. Je regardais tout ce qui pouvait de près ou de loin y faire référence. Jusqu’à la série Highlander, c’est dire!
Mais voilà, il y aussi une réalité. On ne parle plus de vintage mais d’antiquités, de pièces de collection de plusieurs siècles. Des katanas, qui bien que destinés au combat, sont de véritables œuvres d’art. L’or, l’argent s’invitent sur le fourreau ou encore la garde. Ce sont 2 véritables sculptures. On retrouve tout ce qui fait le fantasme de l’artisanat et du savoir-faire japonais.
Mais je crois le plus saisissant reste la lame. Sa ligne de coupe, tantôt droite, tantôt ondulée, son polissage et sa légèreté… saisissant.
Enfin, tout comme les prix. Clairement, si un jour j’ai les moyens, ce n’est pas une Rolex que j’aurai au poignet mais un daishō (la paire katana et le sabre plus court le wakizashi) sur ma cheminée.
Puis il y a eu cette rencontre avec un casque. J’ai toujours trouvé l’objet sympa en photo, surtout époque Vietnam. Mais jusqu’ici, je n’avais croisé que des casques WW1 et 2 de l’armée américaine.
Là, on est en plain dans l’imaginaire de film comme Full Metal Jacket, dont j’avais d’ailleurs détourné l’affiche pour ma collaboration avec Histon.
Et celui-ci porte les traces de son propriétaire. Une pin-up à l’arrière, des inscriptions faites à la main, East is beast, West is best, sex rules the world… Et puis il y a le couvre-casque, dans un motif camouflage que j’adore, le camo Mitchell. Le tout avec la patine qui va bien, venu du texas directement.
Il n’en fallait pas plus pour que je craque, ça fera un objet de déco magnifique.
J’aimais déjà les vieux drapeaux brodés, j’ai trouvé celui du Japon lors des JO de 1936, gros kiff.
Il n’y a plus qu’à trouver comment les incorporer à ma déco!
Alors, Ciney Militaria, ça vaut le détour?
Voilà, tu as maintenant une idée un peu plus claire de ce qu’est la foire de Ciney. Tu t’es d’ailleurs probablement déjà fait ton propre avis. J’y suis allé par curiosité, pour voir des choses, et clairement je ne le regrette pas.
Aller à Ciney quand on n’est pas un collectionneur ou amateur d’Histoire reste un belle expérience. C’est au final comme un immense musée où tu ne trouveras nulle part ailleurs une telle concentration d’objets militaires de toute époque. Et plus qu’avec un conservateur de musée, tu peux discuter avec des gens animés et passionnants. Je n’ai jamais ressenti le moindre jugement devant mes questions de néophytes, au contraire même, il y a un vrai plaisir de partager et transmettre.
Alors si toi aussi tu veux découvrir ce petit monde, RDV à la prochaine édition de Ciney Militaria le 30 avril 2023.
(moi j’ai 6 mois pour économiser 8 000€ et m’offrir ce katana incroyable)
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