Le printemps à Lyon est davantage un concept théorique qu’une réalité palpable. Et encore moins cyclique. Les créateurs qui s’amusent à nous allécher avec des « vestes de mi-saison » (et pire encore, des pulls et des manteaux « légers » ) n’ont vraisemblablement jamais eu le loisir de transpirer devant un ventilateur, les volets clos, dans l’attente d’une chute nocturne des températures qui, comme nous le savons en notre for intérieur, n’arrivera jamais.
Cette année fait exception. Les lookbooks SS24 où l’empilage de couches est roi (Lemaire, Our Legacy, Auralee, pour ceux qui me viennent en tête) me semblent alors moins ancrés dans le fantasme. Dans une vie modeuse où l’on pourrait tous continuer à vivre comme avant, comme en hiver. À jouer avec les longueurs, les matières. À ne pas se résoudre à appeler layering le port d’un débardeur sous une chemise à manches courtes. Peut-être pour se dire : « oui, j’ai pensé cette tenue ». Et oublier un instant que ceux qui décident à la fin se nomment Soleil, bitume et pollution.
Du noir sans céder au monochrome
Je profite ainsi de ces derniers jours de pluie, de vent et d’éclaircies intermittentes (telle est la nature de la bonne nouvelle en question) pour porter à nouveau mes coups de coeur de la saison dernière. En commençant par mon blouson en cuir Zara, qui malheureusement vit ses derniers instants sur mes épaules.
Je n’ai cependant pas l’attention de le mettre au compost, je te rassure. L’armoire suffira. Je sais, ça surprend. Cette veste fabriquée dans des conditions probablement douteuses (ou effroyables…) ne sera pas jetée à la fin de cet article, comme le veut la tradition. Loin de moi l’idée de te refaire le coup de la pièce de fast fashion sauvée de l’oubli et de l’indifférence, mais je pense véritablement que ce cuir, à l’instar de mon manteau COS, va m’accompagner longtemps. Je pourrais abuser des superlatifs pour décrire sa coupe boxy, le travail particulier de l’épaule, sa légèreté et sa souplesse. L’absence de double-zip, la doublure en synthétique… Tout ça a très vite été mis de coté.
De l’inspiration pour porter du noir au quotidien, car je sais que c’est un sujet sensible dans le petit monde de la mode masculine, est a chercher chez Our Legacy. Pour ceux qui ne veulent pas se jeter directement dans le pot de peinture, je veux dire. La marque suédoise, qui commence à s’organiser un monopole dans mon placard, n’a pas peur du mélange des genres. Il faut habituer l’oeil, mais c’est plus simple après.
Oublier « la chemise noire » pour mieux la porter
Il est admis qu’acheter des pièces noires est une mauvaise idée quand on a pas le vestiaire qui va avec. C’est vrai, mais je ne serais pas aussi radical que certains. Il faut bien commencer quelque part. Seulement, je conseille d’y aller doucement. Le plus simple, c’est une paire de derbies. Ou des mocassins. Puis un t-shirt. Un pantalon. Une veste. Une chemise ? L’ultime repoussoir. Peut-être à elle seule responsable du désamour pour le noir. Le serveur. Le beauf en boite de nuit. Tu connais ces archétypes, je n’ai pas besoin de te montrer des photos. C’est encore pire quand elle brille. Et justement. La mienne, elle brille.
Et elle est un peu transparente, fluide, précieuse. Dans un mélange de soie et de coton. Bien sûr, je triche un peu. Ce n’est pas une « chemise noire ». Mais c’est ça qui m’intéresse ici. Il n’y a pas de chemise noire. Ce n’est pas un vêtement maudit qui fonctionnerait nulle part. C’est toujours le même principe qui s’applique à toutes les fringues. Seule l’interprétation compte. Our Legacy, qui propose également des chemises unies dans ses collections, ici use du noir pour jouer avec les contrastes. Pour mettre en valeur un superbe imprimé floral qui n’aurait certainement pas la même force ailleurs.
Mon léger pantalon noir en laine fresco à pinces, de la marque coréenne Solid Homme, ne se manifeste que par ses volumes, son drapé. Ma paire de « Camion Boots » Our Legacy vient encadrer le raffinement de l’ensemble, répondant au cuir Zara par ses lignes brutes. J’aime beaucoup l’idée de porter un monochrome noir dans la vie de tous les jours. C’est la base de cette tenue. Mais j’aime autant le faire dérailler, subtilement. D’en tirer profit. J’applique le principe qui fait la réussite de l’« Above shirt » à la tenue entière. Toutes les pièces se mettent au service de ses fleurs délicates. Le résultat est aussi simple et sophistiqué qu’un pur monochrome. Mais on s’ennuie beaucoup moins.