L’histoire de la mythique Converse « All Star ». Pourquoi porter la doyenne des sneakers ?

On va aujourd’hui s’intéresser à la « All Star » de Converse, peut-être la chaussure au profil le plus reconnaissable de tous les temps! Une paire immortelle ancrée dans la pop culture et inscrite aux patrimoines sportif, cinématographique et musical mondiaux avec des noms comme Rocky Balboa, Kurt Cobain et Julius Erving à son palmarès. Une paire qui symbolise encore cent ans après son invention l’avenir d’une marque constamment à la recherche du bon équilibre entre désir d’intemporalité et diktats de la nouveauté.

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mrporter.com

Retour sur l’histoire mouvementée de Converse et sur sa relation avec les logiques du marché qu’elle a contribué à façonner. Celui de la sneakers, où la chaussure de sport en tant que nouveau produit de consommation et objet culturel à la fois.

De la sneakers révolutionnaire au positionnement lifestyle imposé, la Converse « All Star » à travers les époques

Qu’on le veuille ou non, les sneakers (du verbe anglais to sneak, « marcher silencieusement », « se faufiler ») représentent un pan très important du paysage vestimentaire contemporain. Même si le phénomène d’adoption de la chaussure de sport en tant que produit mode est finalement assez récent. Il faut en effet attendre les années 80 et 90 pour voir émerger aux États-Unis la culture alternative hip-hop qui fait de la sneakers un enjeu stylistique capital.

Inventer la chaussure du futur

Soit plus de soixante dix ans après l’introduction de la « All Star » par la Converse Rubber Shoe Company, marque fondée en 1908 par Marquis Mills Converse qui ne produit à l’origine que des « galoches » en caoutchouc et des bottes fourrées. Une offre plutôt commune dans un milieu où les fabricants de pneus s’improvisent chausseurs par opportunisme.

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Marquis Mills Converse

Tirant parti de l’industrialisation de masse du processus de vulcanisation inventé et breveté par Charles Goodyear au milieu du 19ème siècle et de la constitution d’un marché du sporstwear, Converse diversifie son activité au-delà des bottines waterproof pour tout miser sur un sport qui n’avait pourtant pas la cote à l’ère du baseball : le basketball. La « Non-skid », premier modèle introduit en 1917 bientôt rebaptisé « All Star », s’annonce comme une révolution pour la pratique naissante. Semelle caoutchouc avec un bon grip, silhouette mi-haute pour maintenir la cheville et patch en cuir comme protection supplémentaire.

Non skid 1917 converse all star
Le patch en cuir est l’endroit idéal pour y apposer son logo, et faire la différence sur une forme aussi facilement reproductible.
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Chuck Taylor, du sport entre deux leçons de marketing

Bien que rien ne prouve concrètement l’implication du basketteur semi-pro Chuck Taylor dans le travail d’amélioration continu de la chaussure qui porte son nom dès l’année 1922, il serait en revanche injuste de ne pas souligner son rôle capital dans le développement de la marque. Devenu commercial chez Converse et « égérie », ne pouvant espérer vivre de sa carrière dans un sport pas plus populaire que le Frisbee à l’époque, ce dernier va parcourir le pays et rallier toute une nouvelle génération de joueurs à la cause. La « All Star » devient la première sneakers de l’histoire à être approuvée par un athlète.

chuck taylor converse all star
Chuck Taylor, à gauche
graduatestore.fr

Une prophétie auto-réalisatrice bien ficelée et l’homme idéal pour l’incarner. Le succès de Converse dans ces premières années sur ce marché concurrentiel (où opèrent PF Flyer et Keds) n’est pas le fruit du hasard. En créant une équipe sponsorisée qui participe à des matchs organisés pour l’occasion, et évidemment en fournissant l’équipement nécessaire, la marque forme ses futurs clients en contribuant au développement du basket aux États-Unis. Une approche novatrice et des efforts continus qui mènent à une première consécration quand la « All Star », désormais « Chuck Taylor », devient la paire officielle de l’équipe américaine aux Jeux Olympiques de 1936.

Converse all star chuck taylor histoire jeux olympiques 1936
smithsonianmag.com

Les soldats comme les cadres de la NBA

Si bonne soit la stratégie marketing mise en place par la marque, l’adoption de sa sneakers sur semelle caoutchouc dans le sport est bien une histoire de performance. C’est d’abord un produit révolutionnaire qui vient répondre à un besoin, qui crée de nouveaux standards. Il suffit de toute manière de jeter un oeil aux premières paires créées par Converse, objectivement assez laides, pour comprendre que la marque ne s’appuie pas réellement sur des arguments esthétiques pour convaincre. Une approche utilitaire et rationnelle qui a tendance à plaire à une certaine institution.

Military sneakers wwIi
heddels.com

L’armée américaine, ce « grand égalisateur », garantit en effet à la « All Star » un destin aussi radieux qu’au sweatshirt Champion quand la paire est choisie pour intégrer l’équipement d’entrainement pour ses troupes lors de la seconde guerre mondiale. La Chuck Taylor se voit déclinée en deux colorways iconiques, dont la fameuse version noire à lacets et coutures blanc contrastant. Le port de sneakers se démocratise dans toutes les sphères de la société, et Converse n’existe plus seulement dans le petit monde du basket.

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Une paire de 1940 trouvée sur Ebay

Hégémonie et course aux armes

Cette reconnaissance à l’échelle nationale de la qualité et de l’innovation des produits Converse made in USA permet à la « All Star » d’atteindre son pic de popularité à la sortie de la guerre. Les années 50 et 60 sont les plus fastes, notamment en ce qui concerne la présence de la sneakers sur les terrains. Un véritable monopole avec une emprise sur pas moins de 80% du marché ! Si ce chiffre n’était pas suffisant, c’est 90% des joueurs professionnels comme amateurs (des équipes universitaires) qui portent des Converse. Une période propice aux expérimentations, avec l’introduction d’une version basse (low top) de la Chuck Taylor en 1957.

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Converse « low » portées en 1959 par Bill Russell
si.com

Trois décennies, des années 1950 aux années 1980, qui voient la popularité du basketball monter progressivement. Le sport gagne en visibilité grâce aux matchs retransmis à la télévision, synonyme de starification du milieu avec la mise en avant des nouveaux athlètes afro-américains de la NBA fondée en 49. Dont un certain Michael Jordan qui va aider le basket à devenir le sport le plus populaire au début des années 90. Un intérêt grandissant qui entraine inévitablement une compétition accrue. Converse multiplie les sorties de nouveaux modèles et met à jour son « All Star » dans une course aux armes inédite face à la Puma « Clyde » et à la Nike « Blazer ».

  • One star
  • pro leather
  • the weapon

De la contre-performance à la contre-culture

Mais le paysage a bien changé. Et tout ce qui a fait le succès de Converse n’a plus rien de novateur soixante ans plus tard. Car le basket n’est plus cet univers où des semelles en caoutchouc et l’approbation d’un joueur à temps partiel à moitié connu pouvaient garantir la pérennité d’une marque. Et si Michael Jordan va effectivement porter des Converse « Fastbreak » (1983) et gagner au passage la médaille d’Or aux Jeux Olympiques de 1984 face à l’Espagne, l’année qui suit sera la plus déterminante. 1985 marque en effet l’entrée de la future légende dans la NBA. Et le deal du siècle avec le parrainage par Nike et la sortie de l’« Air Jordan ».

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Jordan et sa paire de « Fastbreak » en 1984
si.com

Assurément le coup de grâce pour Converse, déjà sur la pente descendante depuis la fin des années 60. Les modèles de la marque pionnière prennent un dernier vrai « coup de vieux ». Ce n’était plus l’heure des semelles plates, mais des compensées. L’ère d’Asics et de sa technologie « GEL » pour un meilleur amorti. De la Reebok « Pump » qui permettait d’ajuster le maintien de la paire autour de la cheville grâce à un système de chambre à air. Et de l’« Air Max » et sa géniale encoche qui donne à voir l’intérieur de la semelle, concrétisant en un instant aux yeux de tous une innovation plus facile à montrer qu’a expliquer.

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Première Air Jordan
newatlas.com

L’uniforme de la marginalité

Nike domine et la « All Star » disparait des terrains pour de bon. Converse, se pensant toujours comme une marque sporstwear et axée sur la performance, ne l’accepte pas. Il faut dire que le succès qu’elle rencontre en dehors du sport n’était pas spécialement enviable à l’époque. Elle devient, malgré elle, la marque des marginaux. Et les nerds et les losers (autoproclamés ou non) succèdent aux sportifs. La « All Star », maintenant la sneakers passe-partout par excellence (normcore, dirait-on aujourd’hui), est plébiscitée par les artistes du punk rock avec les Ramones et les Sex Pistols, du grunge avec Nirvana, puis du hip hop américain naissant avec Snoop Dog et Ice Cube en guise d’ambassadeurs.

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vice.com

Et si Kurt Cobain est par exemple considéré comme une icône stylistique des années 90, on ne peut pas non plus oublier que cette image nous vient en réalité du désintérêt complet de l’homme en question pour le monde de la mode. Le choix de porter des Converse est une revendication du moche, du ringard, du pas cher sur le beau, sur le nouveau, et le système. Un adoubement qui ne fait qu’exprimer davantage la tombée en désuétude de la marque aux yeux des athlètes comme du grand public.

nirvana converse all star chuck taylor
dazeddigital.com

Les Converse « All Star » dans la mode contemporaine

Si la question peut paraitre un peu étrange à l’heure où j’écris ces lignes, elle ne se serait même pas posée dans d’autres circonstances. Car Converse dépose le bilan en 2003, victime d’une culture sneakers trop fluctuante pour la marque quasi-centenaire. La lente chute des ventes qui conduit à la faillite, et ceci en dépit du chiffre impressionnant de presque six cent millions de paires écoulées atteint début 2000, est alors synonyme d’un double échec.

La renaissance des années 2000

Dans le domaine du sport, évidemment. Et plus généralement dans tout ce que le mot « mode » englobe. Car c’est bien là où Converse aurait dû prospérer, d’abord en reconnaissant et en jouant de son influence sur les sous-cultures qui se sont appropriés la « All Star ». Mais les efforts en ce sens ne sont que trop tardifs, la concurrence des marques faisant fabriquer en Asie trop féroce, et il faut attendre le rachat salvateur par le géant Nike, son ancien très grand concurrent, pour que la marque renoue avec les bénéfices.

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Une paire de bootlegs par Chinatown Market pour Lebron James
highsnobiety.com

Une vente à trois cent millions de dollars (une bonne affaire) et un nouveau positionnement lifestyle assumé font sortir Converse de sa situation délicate. Et la délocalisation en Chine et au Vietnam. Si les premières années sont encore difficiles, la marque heritage retrouve sa santé financière grâce à Nike et au recentrement sur la « All Star ». Le nouveau propriétaire délaissant tout ce qui ne concerne pas la silhouette historique et donnant ainsi à Converse un second souffle : de deux cent millions de dollars de chiffre d’affaires en 2002 à deux milliards en 2015.

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2015, c’est aussi l’année de sortie de cette collaboration tant dénigrée aujourd’hui. Converse x Comme des Garçons CT70.
hypebeast.com

Le jeu des collaborations

Les années 2000 voient véritablement éclore la culture streetwear, suivie du courant consumériste hypebeast. Et les toutes premières sneakers de designers qui accèdent aux podiums. Prada dès 1996, puis Yohji Yamamoto avec Adidas en 2003, Lanvin en 2005, Louis Vuitton et Kanye en 2009. Ce tout nouveau marché luxe et pointu qui prend forme est une opportunité providentielle pour Nike qui va pouvoir jouer sur tous les tableaux et lier l’image heritage de Converse à des noms prestigieux et hype en proposant des collaborations s’adressant à un public de modeux.

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Converse par Missoni
hypebeast.com

La paire des sportifs, des nerds, des marginaux, de monsieur tout le monde, et maintenant celle des connaisseurs. Missoni en 2009, puis Comme des Garçons la même année pour une revisite de la Chuck Taylor des années 50. Margiela en 2013. Golf le Fleur en 2017. Off White en 2018. Et dans le même temps, des rééditions de modèles classiques et accessibles à tous. La popularité de Converse explose alors à nouveau dans la deuxième moitié des années 2000. Et la « All Star » montre sa capacité à traverser toutes les époques et à se plaire dans tous les genres.

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Converse par Golf le Fleur, projet de Tyler, The Creator
hypebeast.com

Acheter une paire de Converse « All Star » aujourd’hui ?

Une longue et riche histoire qui nous amène à la question sous-jacente de cet article : quelle place pour Converse dans les années 2020 ? Et pourquoi continuer à porter la doyenne des sneakers, inconfortable et pas spécialement durable, alors que l’industrie a fait des progrès considérables ? Paradoxalement, la réponse se trouve peut-être dans l’initiative la plus marquante de Nike aux commandes : la « Chuck II ». Sortie en 2015, cette nouvelle paire était pensée comme l’évolution de la « All Star » originale.

converse chuck II 2015
adweek.com

Toile de meilleure qualité, nouveau rembourrage avec le choix d’une semelle à technologie propriétaire « Lunarlon », languette qui reste enfin en place. Et si tu te demandes en ce moment pourquoi tu n’avais jamais attendu parler de cette paire malgré toutes ces améliorations bienvenues, c’est simplement parce qu’elle fut un échec retentissant. Des ventes catastrophiques et un arrêt de la production seulement un an après son introduction. On ne touche pas à une icône, à un design emblématique. « If it ain’t broke, don’t fix it ». Peu importe la manière de le dire, voilà une leçon importante. C’est le « minimalisme » de la « All Star » qui fait son intemporalité. Et ses défauts, aussi.

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Chuck Taylor 70s, le modèle qui va nous intéresser davantage
novoidplus.com

Se tourner vers les références du passé avec les CT70 et les Jack Purcell

Je ne te conseillerai pas non plus pour autant d’acheter des Converse « classiques », c’est à dire la version la plus commune et la moins chère que tu peux retrouver un peu partout dans les magasins non-spécialisés. Sans renier la silhouette légendaire, qui se vend encore très bien, je pense que la « Chuck Taylor 70s » introduite en 2013 est un modèle supérieur en tous points. Une paire inspirée de la « All Star » des années 70, époque qui a vu Converse améliorer son design pour faire face à la concurrence, qui fait encore la pertinence de la marque dans les styles plus pointus.

youtube.com/@RoseAnvil

Meilleurs matériaux, semelle plus confortable, surpiqure de renfort, cap toe réduit, forme un plus chunky et ayant moins tendance à s’affaisser sont quelques bons arguments en sa faveur. Sans parler des couleurs proposées, généralement bien mieux senties. La différence est considérable, moyennant quelques dizaines d’euros supplémentaires, et je te conseille d’en essayer une paire si jamais tu avais gardé un mauvais souvenir de Converse pas terribles portées au collège. Enfin, je veux mentionner un modèle non cité dans la partie histoire délibérément centrée sur le basket : la « Jack Purcell ». Modèle concurrent racheté par Converse dans les années 70, il se différencie de la « All Star » par un cap toe reconnaissable à son « sourire ».

converse jack purcell polar skate co
La Jack Purcell, en provenance du monde du badminton, a les mêmes qualités que la CT70. Ici en collaboration avec Polar Skate Co.
complex.com

L’héritage de la Converse « All Star »

Maintenant que tu sais quelles sont les Converse à privilégier, il est temps de rendre le choix plus difficile en terminant par une courte partie qui me semble indispensable : une présentation en images des alternatives. Car la forme popularisée par Converse, à l’instar de la deck shoes chez Vans, a naturellement fait des petits. Voici quelques inspirations plus ou moins proches, créatives ou non, qui pourraient te détourner de la marque historique.

Converse – like

La première catégorie s’adresse aux amateurs du style original. De la simplicité, de l’approche épurée qui a fait le succès de la « All Star » (et de la Jack Purcell). Ce sont les marques japonaises qui, sans surprise, sont reines ici. Du très simple produit chez Moonstar (Studio Nicholson, Shoes like pottery, Doek…) et des labels spécialisés dans la « copie en mieux » comme The Real McCoys et Reproduction of found.

Les interprétations qui vont plus loin

Et pour finir, une catégorie un peu plus excitante pour ceux qui veulent sacrifier un peu d’intemporalité pour plus de mode. Des modèles chunky chez Mihara Yasuhiro, voire carrément parodiques chez Rick Owens. Du Visvim pour l’inspiration skatewear. Et du Needles pour une paire simple à porter, mais très bien remixée.

Le mot de la fin

Voilà pour cet instant culture G, et pour les quelques raisons qui à mon sens justifient amplement le port de la « All Star » centenaire, ou ses dérivées, encore aujourd’hui ! Je te conseille en particulier le site Size? pour trouver une paire de « CT70 », et de surveiller les soldes sur le site de la marque. Et si tout ça n’a pas suffit à te convaincre, et que tu vois toujours des « chaussures de clown » sur chaque fitpic avec des « All Star », tout espoir n’est pas perdu. Une petite lecture de notre sélection chaussures en toile devrait t’emmener vers d’autres horizons !

Par Nicolas

Fatigue pour les intimes.

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