Pourquoi ta marque préférée collabore avec Zara ?

Alors que tous les yeux sont tournés vers Shein, ce qui permet à chacun de goûter aux joies de la distinction facile, la campagne de dédiabolisation suit son cours chez Zara. Les lignes premium se multiplient chez notre géant européen de la fast fashion — la plus connue étant Zara « Origins », en dépit d’un nom particulièrement dérivatif — ainsi que les collaborations, un mot qui a son importance, et qui malheureusement « nous concernent » de plus en plus.

Tout a commencé avec Studio Nicholson à l’automne-hiver 2022. J’avais, à l’époque, « laissé une chance » à cette première collection. Le pied dans la porte. Et honnêtement, ce n’était pas si mal. Notamment les mailles, qui sont encore dans mon placard (car oui, j’ai péché. Deux fois). Les mauvaises langues diraient même que les matières étaient parfois plus intéressantes dans la collaboration Zara que dans la collection mainline. Je n’irais évidemment pas jusque-là : pas mon genre.

Zara Studio Nicholson

Mais la possibilité même de comparer sérieusement les deux offres est parlante quant aux capacités de Zara à s’attaquer au milieu de gamme, ce marché de l’entre-deux où cohabitent le luxe aspirationnel (ou, pour le dire plus simplement : les saloperies des marques du Sentier pour pigeons sans culture sape), les DNVB sans âme qui n’arrivent plus à suivre, et donc la fast fashion qui cherche à tout prix à ennoblir son image. Rien de bien nouveau : H&M défile depuis le milieu des années 2010 et s’offre Margiela en 2012. Lagerfeld en 2004, pour les plus vieux. Mais voir Zara en compagnie de la petite boutique indépendante new-yorkaise Colbo (dans le cadre d’une collection pour enfants : ils n’assument qu’à moitié) ou de Soshiotsuki, jeune créateur japonais hype du moment, reste quelque chose d’assez difficile à digérer. Citons également Aaron Levine, après un passage chez… Drake’s. Symboliquement, c’est douloureux.

Zara-ification

Car la premiumisation de la fast fashion ne s’appuie plus seulement sur une mécanique de dupe (proposer une copie plus ou moins réussie d’un vêtement haut de gamme en payant les meilleurs photographes du milieu pour rendre le tout crédible), mais aussi sur la street cred de marques qui participent maintenant bien volontairement à la « massification » de leur propos. Il y a plusieurs manières de voir les choses. Commençons par le bon côté : peut-être est-ce là une manière de recontextualiser, de contrôler directement la production de dupes. Si la fast fashion n’arrêtera pas de copier sans citer ses sources, alors autant toucher un petit billet au passage. De l’argent qui peut théoriquement permettre de se concentrer sur l’essentiel. Même principe que les lignes de diffusion chez les créateurs (Comme des Garçons Play… pense aussi aux treize mille collections incompréhensibles chez Yohji Yamamoto), mais ici externalisées.

Zara Aaron Levine FW25 collection lookbook
Zara x Aaron Levine
Colbo Zara Kids
Zara Kids x Colbo
Zara Soshiotsuki collaboration FW25 LOOKBOOK
Zara x Soshiotsuki

Les petites marques que nous aimons peuvent ainsi profiter de la force de production d’un Zara sans avoir à lancer elles-mêmes des produits d’appel. Zara peut améliorer son image, se faire passer pour la grosse boîte sympa qui vient « démocratiser le style ». Qui utilise son pouvoir de manière bénéfique en aidant à faire connaître et perdurer des marques de niche. Et bien sûr, l’idée est aussi d’aller toucher des clients autrefois hermétiques à la fast fashion. Tout le monde est gagnant ? Pas sûr. La street cred dont je parlais ne s’obtient pas en deux jours. La vendre à Zara le temps d’une collaboration n’est peut-être pas un si bon deal que ça sur le long terme.

Soshiotsuki, c’était cette marque cool avec une esthétique très singulière. Et maintenant ? Une avalanche de fringues pas terribles (c’est un euphémisme : la collection est ratée) qui pourriront à jamais ton feed Vinted. Comment compter encore sur la seconde main, souvent la meilleure (ou seule) façon de choper une pièce de créateur, quand une armée d’opportunistes écrit « Lemaire » pour qualifier du Uniqlo U, ou « Studio Nicholson » pour survendre un pantalon en plastique fabriqué au Vietnam, approuvé par la marque en question ? Comment nous faire adhérer à un discours slow fashion après un tel pacte ?

Collaborer avec Zara, pour une marque de niche, ce n’est pas seulement une sortie de route — parfois nécessaire — qu’on oubliera dans l’instant. C’est un changement de trajectoire, l’introduction d’une dissonance qu’on ne corrige pas aisément. C’est prendre le risque de sonner faux aux oreilles de tout le monde à la fois.


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Par Nicolas

esco.griffe sur instagram. Fatigue pour les intimes.

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