Voilà presque deux ans que j’ai envie de coucher sur le papier l’histoire de Sympa Bonnard, un label suisse encore confidentiel qui fait les choses bien. C’est sur le forum de Bonne Gueule que j’ai découvert ce projet et Michael, son fondateur. Il écrivait avec passion et d’une manière différente. On en voit fleurir des entrepreneurs opportunistes sentant la bonne odeur de l’argent à faire en surfant sur la tendance du « consommer mieux », du « produit durable » et de l’éco-responsabilité sous toutes ses formes possibles. Des projets complètement creux ne reposant que sur un marketing bien amené et au final, moi, je n’ai pas envie de filer des ronds à des mecs qui n’aiment pas le produit, qui ne parlent de savoir-faire que parce que derrière, c’est le truc qui fait vendre.
Michael, lui, c’est tout l’inverse. En le lisant, j’ai découvert quelqu’un qui vivait son aventure et qui était animé par une réelle sincérité. Et il faut le dire, ses ceintures avaient vraiment une bonne tête ! J’ai eu envie de l’aider à ma façon, en lui proposant de faire l’article que tu es en train de lire. Il faut que je te raconte comment cela s’est passé car c’est représentatif de ce qu’est le bonhomme !
Convaincu, je lui envoie un message début 2017 en lui expliquant un petit peu l’idée que j’ai en tête, que je vois bien un édito avant / après avec l’évolution de la patine du cuir. On échange un peu mais, stupeur, là où n’importe quelle jeune marque aurait saisi l’opportunité, Michael n’est pas chaud du tout. Et son argumentaire, ironie du sort, m’a donné un peu plus encore envie de faire cet édito pour partager avec toi son histoire.
Il ne voulait pas retrouver sa marque dans un article de blogueur classique où le test du produit n’est qu’une publicité déguisée / un avis biaisée par la dotation. Il voulait qu’on parle de son produit pour ce qu’il est et ne courrait pas après une communication « achetée » …
Cela vous classe la démarche !
S’ensuivent de longues discussions, les mois défilent et l’on apprend finalement à mieux comprendre nos approches et les motivations de nos projets respectifs. Il a fallu entre-temps que je bosse sur la refonte du blog et sa stabilisation. C’est donc début 2018 que l’on a pu avancer, Sympa Bonnard avait grandi avec un peu plus de stock et de mon coté, j’avais la structure pour enfin faire de beaux éditos sur un site tout neuf.
Et tu veux savoir ? Le format interview que l’on retrouve sur certains articles m’est venus de nos échanges. J’ai réalisé que lorsque j’avais en face de moi des mecs autant passionnés et sincères dans leur amour du produit et de ce qu’ils font que, la meilleure chose à faire, c’était leur donner une tribune et que tu découvres leur marque par leurs mots. Plus authentique et vivant, c’est aussi de l’information plus précise et riche.
Je vais te laisser découvrir Sympa Bonnard au travers de notre discussion avec Michael puis te montrer la ceinture premium en cuir naturel qu’il m’a offerte et comment elle a évolué en quasiment un an de port quotidien.
Sympa Bonnard : l’interview de son fondateur Michael
Hello Michael, merci de te prêter au jeu de l’interview ! J’aime te lire sur les forums et je voulais que les lecteurs puissent en profiter aussi. Dans les grandes lignes, est-ce que tu peux te présenter et partager ton parcours ? Comment Sympa Bonnard est-il arrivé dans ta vie ?
Salut Boras et merci de me recevoir sur ton blog. Je suis toujours très touché de lire l’enthousiasme des internautes pour Sympa Bonnard.
Dans les grandes lignes, je suis un Suisse de 29 ans qui vit à Genève. J’ai acquis un Master en management public en 2015 et je me suis spécialisé dans l’évaluation et la gestion de la performance, en particulier au service des administrations publiques.
C’est à la fin de mes études que j’ai commencé à m’investir dans un premier projet d’accessoires de mode. J’étais déjà tombé dans la mode masculine en raison de mon intérêt personnel pour les vêtements beaux, bien faits et issus de circuits de production éthiques. Je m’étais associé avec un ami et nous voulions initialement faire des bracelets perlés durables et éthiques. Pour développer ce premier projet, j’avais passé beaucoup de temps à parcourir les foires et les ateliers locaux et c’est comme ça que je suis tombé sur la tannerie suisse qui produit mon cuir. Nous avons donc abandonné les perles au profit des ceintures et des straps !
Après une campagne Kickstarter réussie, je commençais à avoir une vision claire de l’entreprise que je voulais monter et je voulais m’y investir pleinement. J’ai donc laissé la première marque à mon associé (qui a arrêté depuis) et j’ai débuté l’aventure Sympa Bonnard, avec l’offre que tu connais.
J’ai peut-être loupé une info sur le site mais d’où le nom vient-il ?
« Sympa bonnard » est une expression familière qu’on trouve typiquement en Suisse et qui signifie « chouette » ou « sympathique ». À mes yeux, cela représente pleinement les valeurs du projet : un enracinement suisse ; une humeur positive ; et un ton sans prise de tête, qui se veut proche de ses clients.
Ce qui m’a séduit dans ton approche, c’est ton intégrité, du produit (jusque dans le packaging avec le chiffon réutilisable) jusque dans la manière de communiquer ou de te faire connaître. D’où cela t’est-il venu ?
À vrai dire, mes tout premiers pas dans la mode masculine ont été davantage motivés par l’éthique que l’esthétique. Je me souviens que j’avais commencé par me trouver un jean qui était produit dans des pays autres que les pays d’Asie du prêt-à-porter de masse (je m’étais pris un Nudies). Chercher à s’habiller de façon plus éthique conduit généralement à des prix plus élevés que l’offre des prêt-à-porter de masse. Comme je payais plus pour mes vêtements, j’ai naturellement commencé à affiner mes goûts.
L’éthique est pour moi la pierre angulaire de tout achat : bien qu’il existe différents degrés de valeur éthique, il suffit qu’un aspect du processus de production soit inhumain pour qu’il entache toute l’appréciation du produit (les t-shirts en coton bio fabriqués par des esclaves par exemple). Bien sûr, je ne pense pas qu’il soit réaliste aujourd’hui de consommer sans jamais faire de concessions sur l’éthique et il m’arrive bien sûr de consommer sans me prendre la tête. Je suis cependant persuadé que cultiver une attitude raisonnable envers notre façon de consommer permet de progresser, pas à pas, dans la qualité de nos achats. C’est pourquoi la transparence fait partie du mantra de Sympa Bonnard.
Parlons produit : tu peux me refaire l’histoire de ma ceinture du design à la conception, les matériaux, etc. ? Tu es le mieux placé pour en parler 🙂
Avant tout, note que chaque produit Sympa Bonnard est un projet en soi, avec sa propre réflexion sur le design, les matériaux, le prix et l’éthique de production. Tout est une question de compromis.
La Ceinture Premium que je t’ai envoyée est le premier produit que j’avais conçu pour la vente. L’idée était de faire une ceinture qui dure, issue autant que possible du tissu économique local (comprenez la Suisse et ses alentours) et à un prix abordable. Si je détaille chaque composant :
- Le cuir:
Le cuir vient d’une tannerie bernoise. Il s’agit d’un cuir pleine fleur tanné végétal à partir de peaux d’animaux élevés dans la région nord-alpine (la Suisse, le sud de la France, le sud de l’Allemagne et l’Autriche). D’après mon expérience dans le cuir, je dirais que la recette de tannage s’écarte un peu de ce qu’on trouve dans le reste de l’Europe, probablement parce qu’elle utilise son propre mélange d’écorces. Il faut ajouter que son marché porte sur les colliers à cloche, ce qui doit jouer dans le choix de la mixture. L’entreprise familiale propose également du travail de sellerie et je leur confie parfois certaines parties du travail du cuir.
- La boucle:
La boucle est fabriquée dans le nord de l’Italie, dans la région de Milan. Elle est faite en laiton massif. Le laiton est un alliage antique et, à l’époque, je ne jurais que par lui pour l’âme que le matériau portait (aussi, étant plus coûteux que l’inox ou le zamac, c’était souvent un signe de qualité du produit dans son ensemble). Même si je suis devenu plus pragmatique, j’apprécie toujours le laiton pour la patine qu’il offre avec son oxydation.
- Les vis:
Les vis sont réalisées en Suisse, dans la région de Lausanne. Elles sont réalisées en laiton massif dans un atelier protégé au sein d’une fondation de réinsertion pour les personnes au bénéfice de l’assurance invalidité. Par ailleurs, le savoir-faire dans ce domaine est très dense en Suisse, s’étant développé notamment autour de l’industrie mécanique et horlogère.
- Le placage (boucle et vis):
Comme dit plus haut, le laiton est un alliage de couleur jaune et qui s’oxyde à l’état brut. Si on veut lui conférer une couleur argentée ou dorée stable, il faut le couvrir. Ce travail est confié à une entreprise familiale genevoise, qui bénéficie depuis 2018 de la certification RJC (Responsible Jewellery Council, assurant certains standards dans la chaîne d’approvisionnement de métaux précieux, notamment en regard des droits humains, des droits du travail et de l’impact environnemental). Les boucles argentées sont plaquées avec 5 microns d’argent, puis rhodiées. Les boucles dorées sont plaquées avec 1 micron d’or. Je trouve personnellement que ces métaux stables offrent, au fil du temps et de l’usure, un aspect workwear qui me plaît beaucoup !
- La confection:
La découpe et la finition du cuir sont généralement réparties entre moi et la tannerie/sellerie. Même si le travail du cuir n’est pas mon objectif premier, j’ai accumulé pas mal de savoir-faire, en particulier pour gagner du temps lors de la phase de prototypage.
- Le packaging:
Même si je comprends que le packaging peut ajouter de la valeur à l’expérience client, je pense qu’il n’est pas raisonnable d’augmenter les déchets et les coûts d’un emballage qui finira très vite à la poubelle. Je penche donc plutôt vers le minimalisme, en utilisant une boîte en carton fabriquée en Autriche et labellisé FSC et climate neutral ; un chiffon recyclé issu des vieux tissus des hôtels de ma région (qui sert à protéger le cuir durant le transport et à l’entretien du cuir) ; ainsi qu’une facture papier. C’est néanmoins une question sur laquelle je me penche continuellement.
- Les limites:
Développer un produit commercial demande à faire des compromis – des compromis sur le prix, sur la qualité, sur l’éthique, etc. Pour cette ceinture, il existe certains aspects que je n’ai pas pu résoudre. Tout d’abord, il est difficile d’obtenir des attestations pour toutes les composantes : la plupart des informations viennent de mes fournisseurs directs, qui eux-mêmes s’appuient sur leurs propres fournisseurs (des biais de mémoire ou de compréhension sont donc possible). Ensuite, il est difficile de remonter la chaîne d’approvisionnement jusqu’à la matière première. Par exemple, je ne connais pas l’élevage exact dans lequel a pâturé la vache. Je sais également que, bien que mon cuir soit tanné en Suisse, la peau passe par la Toscane pour des opérations de pré-tannage. Je ne peux pas non plus connaître les origines des métaux (cuivre, or, argent, etc.), considérant de surcroît qu’une grande partie est passée par plusieurs processus de recyclage. Enfin, ma vision de l’éthique repose avant tout sur les préceptes auxquels j’adhère. Un consommateur végane ou antispéciste aurait du mal à considérer Sympa Bonnard comme une entreprise éthique et cela serait bien entendu cohérent avec son point de vue.
En tout cas, on va le voir dans l’article, la patine qu’elle a prise est vraiment saisissante ! Mais SymBo, ce ne sont pas que des ceintures ?
Je trouve que le cuir est un excellent matériau pour démarrer une collection d’accessoires, en raison de la grande liberté créatrice qu’il offre. En plus des différents styles de ceinture, j’ai développé des bracelets et des agendas. Au-delà du cuir, j’ai également développé des chaussettes qui ont reçu un bon accueil. Je fais aussi parfois quelques réalisations sur-mesure dans les limites de mes compétences et de mes stocks (des bracelets de montre, des bracelets perlés, etc.).
Allez, grand classique, comment vois-tu l’évolution de ton projet ? Un scoop sur une sortie à venir ?
Le but sera toujours d’inviter les gens à consommer de façon plus raisonnable. À mes yeux, les produits que je propose sont des vecteurs qui participent à la diffusion d’une meilleure culture d’achat. Actuellement, je rêve de sac à dos, de pantoufles en peau lainée, de runnings et de sous-vêtements. Je me réjouis déjà de me prendre la tête pour dénicher tous les circuits de production 😀 !
Tu as peut-être quelque chose à ajouter, un point que tu voudrais mettre en avant ?
Démarrer et développer un tel projet demande de s’investir sur la durée et il n’y a pas de meilleur atout que le soutien de son entourage. C’est pourquoi je tiens à remercier tous ceux qui m’appuient avec leurs mots et avec leurs sous : Sympa Bonnard et moi vous devons beaucoup. Je souhaite également partager mon énorme affection pour la communauté Métrocanard du forum CanardPC, qui a été et continue d’être le moteur de mon entreprenariat.
Du fond du cœur : merci.
Merci pour ton temps et ton travail, je vais suivre avec intérêt la suite. Et qui sait si Borali grandit aussi, pourquoi pas une collab franco-suisse haha
Focus sur la ceinture Sympa Bonnard modèle premium et boucle silver
Quand on aime les matières qui évoluent et se bonifient avec le temps, le cuir naturel avec sa patine potentielle vient de suite à l’esprit. C’est pour cela que j’ai choisi ma ceinture dans ce coloris. Vu la qualité des peau de Sympa Bonnard, c’était le sujet idéal pour te montrer comme un cuir naturel va se comporter.
La suite en image !
Avant le premier port
J’ai commencé à la porter en avril 2018 et comme tu peux le voir, le cuir est vierge de toute trace ou nuance de teinte. Le laiton est lui aussi étincelant. On peut apprécier les gravure sur l’envers de la ceinture. J’ai pris une taille 30, un peu juste au départ comme je porte mon jean sur les hanches mais j’ai anticipé la détente du cuir. Je n’ai pas mesuré mais cela bouge toujours un peu.
Je ne vais pas en écrire plus, les photos valent des mots.
Après un an de port
J’ai porté la ceinture pendant presque un an avec une fréquence de 5 à 6 jours par semaine et avec avec tout type de pantalon. Même avec mon nouveau jean brute Phi Denim, sans prendre garde à un éventuel dégorgement d’indigo. L’idée n’était pas de faire un quelconque test mais vraiment de voir comment elle allait réagir. J’étais pressé de voir la patine prendre forme (et puis je n’allais pas attendre encore un an de plus pour t’écrire l’article haha). Au final, c’est devenu ma ceinture fétiche, le cuir s’est fait à ma morphologie et elle est à présent aussi agréable à porter qu’une ceinture tressée par exemple. Aujourd’hui, je ne la sens même plus au port (et vu comment je porte mes jeans, c’est dur de se faire petit pour une ceinture).
Détail important, le cuir s’est détendu en gardant sa forme. De toute les ceintures en cuir que j’ai, c’est la première fois que la tension que j’impose ne déforme pas la ceinture.
Quant à la patine et la couleur que le cuir a pris, je te laisse apprécier les photos qui suivent.
Une tenue street héritage pour Sympa Bonnard
Pur chaque article focus sur une marque ou une pièce, il est coutume de présenter une tenue donc je m’exécute. L’ironie du sort est que je la porte sur quasiment toutes mes tenues postées depuis un an mais on ne la voit jamais ! Sauf ici, on était d’ailleurs à mi-chemin sur la patine. Je suis parti sur une tenue street heritage que l’on peut dire « plus sage ».
Le col roulé en cachemire Eric Bompard joue forcément sur cette impression, on est sur une pièce typique du vestiaire habillé / casual chic de l’homme. Le jean Phi denim brute encore peut marquer et les derby vont aussi en ce sens. Ce qui vient contrebalancer tout ça et apporter la touche street, ce sont des détails comme la coupe tapered ras la cheville du jean (le modèle Iki), la semelle commando des pompes et la Kilgore jacket de Visvim. La silhouette reste dynamique et agressive comme je l’aime. Le jeu de couleurs est lui classique et tu peux t’en inspirer quelque soit ton style de prédilection !
Tu remarqueras qu’un cuir patiné de ceinture va avec (presque) tout, on peut s’émanciper de la règle des chaussures de la même teintes(si tu restes dans des choses assez neutres) et cela va aussi bien avec un denim détruit qu’un brute ou un chino.
Une ligne de conduite à suivre
Tout a déjà été dit dans l’article, je ne vais pas revenir sur les produits. Histoire de conclure cette article, un dernier merci à Michael pour sa collaboration, sa sincérité et le positif qui l’amène dans chaque échange. C’est quelque chose que je garde en tête pour nos projets avec Julien.
Si tu as des questions sur l’article, comme toujours, je répondrai à tout en mp ou ici en bas de l’article !
Et si tu veux t’offrir un ceinture de qualité, passe voir la collection sur le shop Sympa Bonnard.
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