Pour ce nouveau numéro d’Artiste, j’ai eu la chance d’interviewer l’illustrateur Deliberate Indifference. Si ton truc c’est plus le casual sauce outdoor que le soft-tailoring, alors son travail devrait particulièrement t’intéresser. L’entretien est un peu plus long qu’a l’accoutumée, je te laisse découvrir les dessins de Simon !
Les questions et les réponses ont été traduites de l’anglais par mes soins.
De la peur de se lancer à l’illustration pro : Simon aka Deliberate Indifference
Chez Borasification, on aime beaucoup ce que tu fais. Peux-tu te présenter à nos lecteurs français qui ne te connaitraient pas encore ?
Bonjour et merci ! Je m’appelle Simon McAleese, alias Deliberate Indifference, illustrateur freelance passionné par les vêtements. Je suis originaire d’Irlande du Nord mais je vis dans le nord-est de l’Angleterre (Sunderland) depuis 2005 (soit presque la moitié de ma vie). Tu peux trouver un mix entre illustrations et outfits sur mon compte Instagram @deliberateindifference.
C’est un plaisir d’être interviewé pour Borasification !
Comment en es-tu venu à dessiner et à partager tes illustrations sur Instagram ? Ton travail tourne évidemment autour de l’univers de la mode. Pourrais-tu nous parler de ta relation avec les vêtements ? (un style ou une marque préférée, peut-être ?).
J’ai toujours aimé dessiner, dès mon plus jeune âge. Mon ami et moi faisions des petites bandes dessinées à l’école quand j’avais 8 ou 9 ans. Depuis, j’ai toujours griffonné et dessiné pendant mon temps libre. Mais je n’avais jamais osé les partager avec qui que ce soit. Un jour, j’ai décidé d’en poster sur Instagram et ils ont été bien accueillis. C’est ce qui m’a donné l’envie de continuer.
Pour ce qui est de la mode, j’ai toujours aimé les vêtements. Mes amis à l’école se moquaient de moi car je dépensais la majeure partie de l’argent de mes jobs étudiant pour acheter des vêtements. Et c’est toujours le cas aujourd’hui ! Lorsque je travaillais dans un bureau, le code vestimentaire était « smart casual », et je penchais plutôt pour le style « preppy » et « Ivy league » de l’époque. Chemises à cols boutonés, chinos, cardigans à col châle en automne et en hiver, etc. Ces dernières années, je me suis orienté vers des vêtements plus amples. C’est en partie dû au fait que je travaille à la maison de façon permanente maintenant, et je suppose aussi que c’est parce que la plupart d’entre nous ont commencé à rejeter les coupes ajustées et à rechercher le confort dans des coupes plus larges.
Cet été, j’ai surtout porté des chemises camp collar de marques comme Portuguese Flannel et Universal Works, et autant de lin que possible, car il a fait très chaud ! Ma garde-robe se compose principalement de Battenwear, Universal Works, YMC, Portuguese Flannel et Folk, mais l’un des avantages d’Instagram est que tu découvres des marques que tu ne connaissais pas auparavant. J’ai une très belle chemise en seersucker d’une entreprise londonienne appelée The Good Neighbour, qui propose des basiques éthiques. Une autre marque qui m’enthousiasme beaucoup est Standard Types. Des coupes surdimensionnées, avec un mélange parfait de vêtements militaires et de vêtements de ville. C’est une marque à suivre !
Peux-tu nous décrire ta méthode de travail (outils, process…) ? Et peut-être ta routine quotidienne ?
Auparavant, je passais beaucoup de temps à dessiner avec un stylo sur un carnet de croquis, mais maintenant je travaille de plus en plus sur iPad pro et rien d’autre. J’utilise principalement Procreate, mais il m’arrive de travailler sur mon PC et mon écran de dessin, surtout si j’utilise Adobe Illustrator ou Photoshop.
Ma routine ? En général, je travaille jusqu’à 17 heures, je mange un morceau, puis je m’assois sur le canapé ou à mon bureau, j’écoute de la musique et je dessine toute la soirée ! Malgré tout, j’ai de moins en moins de temps libre. Ma femme et moi attendons notre premier enfant en octobre et j’aurai de plus en plus de mal à tout concilier !
Quelles sont tes principales influences ? Peux-tu nous parler d’artistes que tu aimes en particulier ?
Enfant, c’est le travail d’illustration de Quentin Blake qui m’a donné envie de dessiner. Son travail était si plein de caractère et de vie, et je le trouve toujours enchanteur aujourd’hui.
Je pense que l’équivalent moderne de ce style se trouve dans l’œuvre de Jean Jullien, qui a un vrai sens de la malice et de l’humour. Bertrand Aznar produit également des œuvres étonnantes en ce moment.
J’ai des goûts éclectiques et si je ne dirais pas nécessairement que je m’inspire de tout ce que j’aime. Mais d’éléments des œuvres de certains artistes me plaisent énormément. « Gas » et « Nighthawks » de l’artiste américain Edward Hopper capturent tous deux des moments de la vie quotidienne à la perfection, et j’adore le travail sur la lumière dans ces tableaux.
J’ai récemment découvert le travail du photographe japonais Masahisa Fukase, et j’aime particulièrement les photos qu’il a prises de sa femme Yoko depuis leur fenêtre. J’apprécie également les illustrations de Chris Riddell, un illustrateur qui a écrit ses propres livres et qui a également travaillé avec Neil Gaiman.
Ton travail a été remarqué, et tu as saisi l’occasion de collaborer avec des marques et des boutiques. Peut-être pourrais-tu nous parler d’une expérience qui t’a marqué ?
Bien sûr. J’ai eu la chance d’être contacté par diverses entreprises pour créer des illustrations pour elles. La plus grande est Inditex, qui possède Zara et d’autres. Les grandes entreprises sont plus rigides quant à ce qu’elles veulent, et la liberté de création est généralement moindre. J’ai beaucoup travaillé avec de plus petites entreprises, qui sont généralement ouvertes à mes idées et à mes suggestions, et nous travaillons en collaboration pour produire des illustrations destinées à mettre en valeur leur travail. C’est la partie la plus intéressante et la plus amusante du travail. Habituellement, avec les petites entreprises, tu traites directement avec le fondateur et tu peux ressentir leur passion pour leurs produits, ce qui est formidable.
Récemment, j’ai eu l’occasion de travailler pour une entreprise américaine appelée Literally Outside. J’ai travaillé en étroite collaboration avec le cofondateur, Steffan, pour illustrer la façon dont leurs vêtements peuvent être portés avec d’autres articles, notamment lors de randonnées dans la nature, en camping, etc. J’ai également réalisé quelques travaux pour Everyday Garments, basé au Pays de Galles. Ryan, le propriétaire, est quelqu’un de brillant et c’est un plaisir de travailler avec lui. On rencontre souvent des gens qui partagent les mêmes idées et avec lesquelles on irait volontiers prendre un verre si on vivait à proximité !
Une chose importante à noter est que tout n’est pas rose. Il y a toujours des gens qui vous font perdre votre temps ou vous promettent du travail, puis disparaissent dans une bouffée de fumée. Je ne dois pas me laisser emporter et m’enthousiasmer pour un travail tant que le contrat n’est pas en place – ou que la facture n’a pas été payée !
Enfin, que peut-on te souhaiter pour l’avenir ? As-tu un projet particulier en tête ? Une marque avec laquelle tu adorerais travailler ?
Mon objectif est d’illustrer à plein temps. Et peut-être me lancer dans le design. Il est impossible de passer autant de temps à dessiner des vêtements fabriqués par d’autres personnes sans avoir d’idées sur la manière dont on pourrait les modifier pour les adapter à ses propres goûts. Il y a quelques marques avec lesquelles j’aimerais travailler, celles dont je porte les vêtements dans ma vie quotidienne. Notamment orSlow, Battenwear, Universal Works, YMC et Birkenstock.
Un autre rêve serait de travailler pour des magazines comme Go Out, Fudge ou Popeye au Japon. Paninaro Magazine ou Proper Magazine au Royaume-Uni. Je pense qu’il y a un vide sur le marché britannique pour un magazine comme Go Out. Les activités en plein-air attirent de plus en plus de monde !
En fin de compte, je désire être heureux dans la vie et de faire quelque chose qui me passionne, plutôt que de travailler pour gagner un salaire. L’argent, c’est bien, mais le bonheur est ce qui importe le plus.
Retrouve le compte instagram de Deliberate Indifference juste ici. Pour voir encore plus d’illustrations, je te laisse également le lien vers son site personnel.