Work boots, combien de fois ai-je pu écrire ces mots dans nos colonnes? Beaucoup, et tout ça, sans jamais styliser une paire d’une marque iconique. Aujourd’hui, c’est partiellement que je vais tenter de réparer cette anomalie.
Histoire de Caterpillar: du tracteur à la boots du Colorado
Avant de parler de mode, remontons presque un siècle et demi en arrière. L’histoire de Carterpillar commence à la fin du 19ème siècle avec deux hommes en avance sur leur temps.
Invention, chenilles et chantier de construction
Benjamin Holt est un inventeur génial avec pas moins de 46 brevets à son actif. Il est notamment le créateur du premier tracteur à vapeur en 1890. Mais son plus gros fait d’armes, c’est l’ajout de chaines à un vieux tracteur pour faire face aux terrains plus meubles. Nous sommes en 1904 et la première chenille est créée.
C.L Best, son rival, est lui expert en ingénierie et il va développer le tracteur à moteur thermique. Plus tard, il sera même surnommé le « Henry Ford du tracteur ».
Pour l’anecdote, le nom Caterpillar est trouvé par le photographe Charlie Clements en 1905 quand le père Holt et son neveu Pliny lui présentent leur invention. Il deviendra le nom officiel de l’entreprise à partir de 1910.
En 1925, Holt et Best fusionnent sous le nom Caterpillar Inc. Un siècle plus tard la société est toujours le leader en matière d’engins de construction en tout genre.
(ce n’est pas dans cet article que l’on va détailler un centaine d’années d’ingénierie, je te laisse consulter le très riche dossier du site de la marque)
Cat Footwear: la work boots devenu objet de mode
Si comme moi tu as grandi dans les années 90, tu n’as pas pu passer à côté de la frénésie « Cat ». Tout le monde, du moins ceux qui le pouvaient, avait ces bottines de chantier aux pieds.
Pourtant, son succès, ce n’est pas Caterpillar qui l’a provoqué. C’est l’idée d’un styliste anglais du nom Stephen Palmer. De passage aux US, il voit ces boots jaunes aux pieds de tous les workers, les ouvriers de chantier.
Cousu Goodyear, cuir épais, oeillets en métal, speed hook, la paire est pensée pour être robuste, protectrice et confortable. Oui sur ton terrain de manœuvre, tu préfères te sentir bien dans tes pompes.
Comme il est facile de le voir aujourd’hui avec le recul de plusieurs décennies, les fonctions utilitaires des vestiaires workwear et militaire sont aussi des détails de style géniaux pour nous, urbains à la vie facile.
Bref, notre styliste britannique va convaincre la marque de développer le produit en Europe. On est en plein mouvement grunge, les Doc Martens ont le vent en poupe, la conjoncture stylistique est bonne.
Il épure le modèle (en gros, il vire la coque en fer) et le succès sera immédiat. En vitrine de sa boutique à Camden, c’est un déferlement dans les quartiers branchés de Londres. Puis très vite dans toute l’Europe. Rien qu’en France, il s’en serait écoulé 750 000 paires en 97.
La Colorado est aux pieds des hommes mais aussi des femmes et ce petit détail va nous intéresser pour notre collaboration avec Nigel Cabourn.
Tombée dans l’oubli avec le début des années 2000 et le tout « sneakers », Cat Footwear fait son retour avec l’explosion de la tendance workwear et le retour à des marques plus « authentiques ». Et forcément, celles qui ont une histoire ont une main à jouer.
(j’aurais pu faire un jeu de mot avec pied oui)
Pour l’anecdote, la licence CAT Footwear appartient à la société Wolverine depuis le milieu des années 90. Si tu as un peu potassé le sujet de la work boots, tu sais que c’est gage de sérieux.
Nigel Cabourn, une icône du style workwear
Du style workwear mais aussi du military ou encore de l’alpinisme vintage, Nigel Cabourn puise son inspiration dans tout ce qui est utilitary d’avant. Collectionneur depuis toujours, il avait déjà plus de 4000 pièces il y a une dizaine d’années. Sa marque éponyme fondée en 2003 est dédiée à la reproduction fidèle de certaines de ces pièces mais aussi à leur réinvention.
Et si l’on peut parler d’icône, c’est qu’il est une personnalité suivie sur les réseaux sociaux. Du haut de ses 70 ans passés, il partage son quotidien ainsi que son travail avec une légèreté et une sympathie caractéristiques. Pour l’avoir rencontré plusieurs fois, c’est une personne adorable, toujours le sourire, bref un exemple et un destin qui fait rêver.
Cat x Nigel Cabourn
Je pense qu’après cet aperçu de l’histoire de Cat et de Nigel Cabourn, leur rapprochement ne te semble pas être une absurdité.
Cependant j’avais gardé un petit point historique de coté: Caterpillar a accompagné l’armée américaine durant la Seconde Guerre Mondiale et plus particulièrement les Seabees de la US Navy.
Une unité de génie militaire qui a pour devise « Construimus, Batuimus » (nous construisons, nous nous battons). Pour la culture military, son nom vient de la phonétique de ses initiales: Construction Battalions. Le rôle de cette unité est de construire et reconstruire: camps, ponts, routes, sur les lignes arrières comme sur le front.
Il n’en fallait pas moins pour attirer Nigel Cabourn et qu’il travaille sur le développement de nouveaux modèles: la Utah et la Omaha.
(du nom des plages normandes où les américains débarquèrent le 6 juin 1944)
Ces paires sont un habile mélange de l’univers workwear de Cat et d’inspiration militaire, le tout avec une bonne vibe vintage.
La Omaha boot présente une forme militaire, inspirée de celles portées par le US Navy dans les années 40. On retrouve les grosses semelles en gomme et le duck canvas, des matériaux workwear par définition!
Pour la Utah, les compères ont puisé dans le catalogue Cat en réinterprétant une engineered boot. On retrouve des détails militaires ici et là (il y a même une version camo).
Plus massive, elle ferait penser à une Colorado gonflée par la passion du military vintage. Les empiècement en cuir notamment sont le genre de détail qui propulse la paire.
Matériaux pointus, choisis par Nigel himself, cousu Goodyear, on a là une collaboration qui est aussi bien réussie stylistiquement qu’aboutie dans le produit.
Une balade en forêt avec ces work boots
Pas d’édito sur la sortie d’un produit sans que l’on s’amuse à le styliser. Alors pour cette collaboration sous le signe de la WW2, j’aurais pu me rendre sur une plage de Normandie et la jouer premier degré. Trop attendu n’est-ce pas? Et bien, pourtant, je vais rester dans l’univers workwear et on va couper du bois.
Et comme Nigel Cabourn est toujours accompagné de sa styliste Émilie Casiez, je me suis dis que cet édito aurait plus de sens en binôme mixte. Parce que le style workwear s’accorde aussi au féminin. Et c’est même souvent encore mieux.
Renouer avec l’influence workwear des années 90
Avant d’être un style parfois caricatural, flirtant un peu trop avec le cosplay, le workwear était surtout synonyme de débrouille.
En effet, tout comme les vêtements militaires, ce sont des sous-cultures, le plus souvent jeunes, qui se fournissaient en friperies et surplus.
Comme je porte la Utah, la plus worker des boots de cette collaboration, j’ai voulu que ça sente un peu les années 90s. On l’a vu la Colorado était portée par beaucoup de jeune, le plus souvent avec des jeans larges, voir baggy.
Dans mon imaginaire, c’est un peu comme la Timberland pour New York. Et à cette époque les carpenter pants en denim stone wash étaient le combo parfait.
Alors je me suis exécuté avec un pantalon de travail, un double knee, caractérisé par sa double couche aux genoux.
Pour le haut, je garde l’esprit workwear avec le gilet vert militaire, doublé en fausse fourrure comme beaucoup de vêtements outdoor de marques américaines comme Eddie Bauer.
Enfin le pull avec sa laine comme boulochée, a un petit côté grunge dans ce look. Le détail que je trouve parfait comme clin d’oeil de l’époque qui m’a inspiré la tenue.
Les femmes aussi ont droit à leurs work boots
Parce que le style workwear peut parfois être perçu comme un style pour les machos amateurs de virilité exacerbée, une touche féminine était la bienvenue.
En plus de me permettre un poke plus haut à la très stylée collaboratrice de Nigel (une française en plus, chauvinisme quand tu nous tiens).
Alors ce n’est pas le lieu pour débattre de ce qu’est la féminité, ce que doit porter une femme ou non.
Non, moi je vais simplement faire parler les vêtements. Après-tout, c’est bien la finalité de notre passion: voir / porter des tenues qui tapent. Et à ce petit jeu, j’adore les nanas qui portent des pièces heritage.
En fait, elles cassent d’office le coté « faux gros dur » que peut parfois laisser planer un look un peu trop workwear. Il y a une subtilité naturelle chez une majorité de nanas qui adoucissent ces pièces
Parce que oui, la tenue de Kalee est une assemblage de pièces worker pur jus.
Déjà les boots Omaha, portées en plus avec de grosses chaussettes en laine. Le tips, elles sont retournées comme le font les danseuses, premier petit gimmick qui floute le rendu.
Ensuite le bonnet, grosse cote, ils sont d’ordinaire portés retroussés sur le haut du crâne. Là bien enfoncé, cheveux qui dépassent. C’est plus smooth et moins cliché.
Le gilet de tankiste, comme son nom l’indique, military comme jamais, est une pièce homme. Size-up par définition sur elle, il a un côté blouse sans manches. Les couleurs s’accordent avec le bonnet et le pull. Cropped et drop shoulder, c’est la seul pièce typée femme de la tenue.
Enfin, le pantalon en denim est un carpenter pants lui aussi, de la ligne femme Dockers. Porté plutôt haut, il structure la silhouette et donne quelque chose de moins loose que sur moi.
Au final, on a là une tenue que je trouve féminine et qui vient piocher dans le style workwear sans donner l’impression de préparer Halloween.
Des work boots vraiment revisitées
En conclusion, cette collaboration est une belle réussite. En effet, on retrouve l’ADN de Cat et le coup d’oeil de Nigel Cabourn.
D’autant plus à une époque où les marques courent après les noms ronflants. Surfer sur une hype éphémère avec un produit bancal. Je trouve qu’il était donc important de pendre le temps de valoriser cette sortie.
Cat Footwear ne tente clairement pas un coup de hype pour rayonner sur tous les réseaux sociaux avec Nigel Cabourn. Cependant, je n’ai pas souvent vu une collaboration aussi réussie et surprenante.
Du moins sur les chaussures et bottines où la marge de manoeuvre est restreinte.
Bravo!
Tu peux retrouver la collaboration disponible sur le site de Cat Footwear bien sûr et différents revendeurs. Il y a 2 coloris (noir et camo) non présentés dans cet édito!
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