« Comment s’habiller quand on est grand ? »

J’ai toujours entretenu une certaine méfiance face au contenu mode masculine reposant sur des injonctions. Les do’s and don’ts des anglophones, avec ce format type du « cinq erreurs à ne pas faire » sur le sujet du moment. L’approche étrange des blogs qui établissent des règles arbitraires pour mieux les contredire six mois plus tard. Avec un sujet aussi bateau et éculé que celui d’aujourd’hui, du conseil mode pour homme grand, il est pourtant difficile de ne pas tomber dans cet écueil. Car prendre le contrepied et simplement affirmer que « tu peux porter ce que tu veux, peu importe ta taille » ne risque pas de convaincre les foules. Alors je me suis dis qu’il valait mieux faire un petit pas de coté. Parler de mon expérience en tant que premier concerné. Et amateur de vêtements qui n’ont jamais été pensés pour moi.

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auralee.jp

S’habiller en fonction de sa taille ?

Les conseils portant sur la morphologie sont légion sur internet. Pour les grands et les petits. Ils sont certainement plus nombreux et variés à cibler ces derniers, d’ailleurs. Boras, qui aime s’approprier la cause des gens réellement petits du haut de son vénérable mètre soixante dix-sept (c’est pile la moyenne française, soulignons-le),a justement tourné une vidéo sur ce sujet. Peu importe la forme, on retrouve toujours le même propos au fond : « il faut s’habiller en fonction de sa taille ». Évident. Mais dans les faits ? Un tas d’astuces, légitimes ou douteuses, pour paraitre visuellement plus grand pour les petits. Et, étonnamment, se tasser pour les autres. Tout de suite moins convaincant.

La mode en vase clos

Car porter un pantalon taille haute qui vient casser sur des chaussures à la même teinte, c’est très bien devant son miroir incliné. Mais à coté d’un mec d’1m90 dans la rue, est-ce que l’illusion d’optique fonctionne encore ? Et pourquoi faudrait-il s’interdire un pantalon à longueur de fourche équivalente quand on fait déjà plus d’1m85 ? Pour laisser une chance aux petits en tenues monochromes sur instagram ? Ces « conseils » en vase clos, qui ignorent tout point de référence, s’appuient sur une conception du vêtement comme moyen de s’approcher d’un idéal. Et non pas d’expression personnelle. In fine de plaire aux autres, au plus grand dénominateur commun. Quitte a écrire des absurdités, comme dire aux grands « d’atténuer l’effet longues jambes » et tout le contraire aux petits.

Le consensus actuel en une vidéo

Mais il serait hypocrite de ma part de critiquer cette démarche depuis une position de privilégié. Ma taille n’a jamais été l’objet d’un complexe. Ni un sujet. Avant de m’intéresser « sérieusement » aux vêtements, en tout cas. J’ai ainsi eu tout le loisir d’appréhender ma silhouette en dehors de ce grand projet d’allongement des jambes qui semble prédominant aujourd’hui. La propagation du ratio 2/3, évoquée dans notre récente sélection sur le jean taille haute, en est un symptôme notable. S’il est plus facile de vendre des règles présentées comme des vérités générales, il me semble néanmoins que « bien s’habiller » passe d’abord par une meilleure compréhension des proportions. De son corps. Puis des vêtements qui nous plaisent. Et que machinalement appliquer les mêmes recettes que tout le monde permet au mieux de ressembler à tout le monde. Et dans le pire des cas à une girouette qui achète du style en kit sans jamais assimiler ce qui fonctionne pour lui.

Trouver sa propre recette

Car même les plus vieux prédicateurs du semi-slim comme coupe parfaite et définitive adaptée à tous ont changé d’avis. Et ceux des coupes wide d’aujourd’hui passeront à autre chose quand il sera décidé collectivement de se moquer d’eux. S’habiller en fonction de sa taille (et d’avis intéressés) ne devrait pas être une fin en soi, mais le point de départ d’un cheminement personnel. Qui commence par une prise de recul sur ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire à un instant T selon telle ou telle éphémère figure d’autorité. Oui, la construction d’une silhouette doit s’appuyer sur les forces et faiblesses d’une morphologie donnée. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour bannir à tout jamais de ton vestiaire le costume uni, les pantalons qui stack, les semelles épaisses et les rayures verticales.

Et si c’est le corps qui coince dans l’équation, une veste avec du padding ne fera pas de miracle. Ci-joint, la parole d’évangile de Rick Owens

Je ne dis pas non plus que tout est à jeter. L’article destiné aux grands minces de Very Good Lord est plein de bons conseils concrets, par exemple. Je pense simplement que ces recettes censées « aider les hommes » ne font que tuer la créativité, le plaisir dans la sape. Ce n’est pas de la chirurgie esthétique, ni de la magie. Un petit sera toujours petit, même sans manteau long et droit sur ses épaules. Un grand ne perdra pas dix centimètres en portant des coupes amples et son pantalon sur les hanches. On peut avoir des longues jambes et aimer s’allonger encore davantage. On peut avoir un long torse et ne pas chercher à tout prix à le raccourcir. Une silhouette qui fonctionne sur un petit mince peut être transposée sur un grand et fort. C’est une question d’équilibre, de compromis, « d’oeil ». De se fournir chez les bonnes marques. De chopper les bonnes pièces. Mais certainement pas de sacrifier sa personnalité sur l’autel du consensus.

Être grand et aimer (surtout) les marques japonaises

Prenons ma personne comme exemple, pour conclure d’une manière plus concrète. Je fais 1m88. C’est grand, mais pas assez pour poser un vrai problème au quotidien. 74 kilos, longiligne. Pour le ratio jambes / torse, pas besoin de maquillage. 43,5, une pointure raisonnable pour ma taille. Jamais eu de difficultés particulières à me chausser. La plupart des pantalons en prêt-a-porter (s’ils ne sont pas trop courts) tombent directement à la bonne longueur sur moi, quand bien d’autres doivent systématiquement passer par la case retouche. Un manteau n’est jamais trop long. Ou jamais assez, selon le point de vue. Les coupes droites et amples ont la place de s’exprimer. Elle ne rendent pas si facilement « trop larges ». Les manches sont parfois trop courtes, mais c’est largement préférable au stacking. Et en cas de doute, je prends toujours la taille au-dessus. Pas loin de la morphologie idéale pour s’habiller, non ?

Relativiser l’idéal

Surtout quand on aime des labels comme Our Legacy, Mfpen, Livid, Schnayderman’s, A Day’s March, Acne Studios, Séfr ou Berner Külh. Se rendre en boutique et chopper la première taille Medium qui vient est même envisageable. Mais si tu as le malheur de préférer l’offre japonaise à celle des pays du Nord, et c’est mon cas, cet idéal n’est immédiatement plus tout à fait enviable. C’est ce paradoxe que je mentionnais un peu plus haut. J’ai personnellement commencé à considérer ma taille comme un facteur problématique dès lors que j’ai découvert de belles marques en provenance du Japon. Et que je me suis mis dans la foulée à commander des fringues à l’autre bout du monde, me fiant à des mesures aux réalités encore trop abstraites et à des fitpics de modèles qui ne me ressemblaient pas.

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markaware.jp

Une pièce en particulier m’est restée en tête. Une veste en denim type work jacket de chez Markaware, marque que je continue d’apprécier (d’un peu plus loin, certes) encore aujourd’hui. Si je n’ai pas la moindre idée du gabarit du mannequin de la boutique officielle, qui se laisse engloutir par ses fringues, je tombe rapidement sous le charme. Je ne réfléchis pas longtemps avant de craquer quand j’aperçois la veste neuve avec son étiquette prix encore intacte en parcourant un site de seconde main. C’est une taille 2 (un « M »), mais je me dis que c’est oversize et je ne m’inquiète pas trop quant aux mesures. Enfin, je reçois le colis. La veste « me va ». Mais en même temps, ça n’a pas grand chose à voir avec ce que j’imaginais. Le résultat n’est pas catastrophique, loin de là. Mais l’esprit originel s’est perdu en vol. La veste en denim à porter à la cool s’est transformée en quasi trucker à la coupe un peu bâtarde. Trop courte et à la fois trop longue. Sans sel.

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Ne pas forcer les choses

Et j’ai cette désagréable impression d’avoir acheté une marque, une idée. D’avoir fait passer un imaginaire avant une réalité bien concrète qui était pourtant sous mes yeux : je ne suis pas dans la norme du japonais moyen. C’est bête à dire, mais s’habiller « à la japonaise » (ce qui ne veut rien dire, j’en conviens) en tant que grand gabarit est souvent impossible si tu achètes les mêmes marques que les japonais… Me fallait-il pour autant abandonner l’idée d’acheter du made in Japan ? Non, mais l’on peut déjà tirer une leçon importante de mon « erreur d’appréciation ». Détourner un vêtement dont la coupe n’a pas été pensée pour sa morphologie revient souvent à trahir le propos créatif. Un point que j’avais déjà abordé dans mon dossier sur le style oversize, si le sujet t’intéresse. Tu peux avoir de bonnes surprises, mais il vaut mieux ne pas trop forcer les choses.

Privilégier les marques japonaises qui lorgnent sur le marché occidental

Mon deuxième vrai conseil pour finir, si tu te trouves dans la même situation que moi, serait donc de faire une croix sur les marques « nippocentrées » et plutôt prêter attention aux marques japonaises (ou coréennes, indiennes… peu importe) qui prennent en compte une clientèle internationale. Still by hand propose par exemple des modèles plus longs et plus larges en Europe et aux États-unis pour toute sa collection. Auralee défile à Paris et est largement distribuée en Europe. Pratique quand les mannequins toisent les 1m90. Stein opte pour un sizing tellement ample, notamment pour ses hauts, que la question de la taille ne se pose même pas.

On ne voit pas les mains ? Ça devrait le faire…
graphlayer.co

Une bonne astuce est également d’écumer les sites japonais, généreux en photos de produits portés. Si certains embauchent des modèles surnaturellement grands pour des japonais (ce mec est ma référence), c’est surtout utile pour se rendre mieux compte du degré d’oversize de la pièce en question. Si le fit est bon, tu peux laisser tomber. Et si c’est complètement foireux, c’est possiblement ta taille. Comme les mesures sont souvent très rigoureusement prises, tu peux facilement allier les cruels chiffres à ta capacité de projection. Pratique.

Par Nicolas

Fatigue pour les intimes.

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