Aujourd’hui nous allons découvrir une jeune marque qui fait les choses à l’ancienne. Il s’agit de Dare in Paris et d’une collection de cravates en soie, 3 et 7 plis. Antoine, son fondateur, est venu me chercher pour proposer quelque chose de différent avec. Avant de voir le résultat, il nous présente son projet au travers d’une entrevue que j’ai retranscrite dans les ligne qui suivent.
Dare in Paris : des cravates en soie faites à la main en France selon la tradition
Antoine son fondateur nous raconte Dare in Paris
Tu vas le découvrir avec ses mots, il est passionné de cravate et savoir-faire. Lors de notre rencontre, sous la pluie au Jardin des Tuileries, j’ai senti que cet amour l’habitait. Alors autant que tu profites de ses propres mots.
Salut Antoine, peux-tu nous en dire un peu plus sur toi et comment tu en es venu à vouloir lancer une marque ?
Bonjour Boris, merci de ton invitation.
Je m’appelle Antoine, j’ai 32 ans.
Suite à mes études de droit, j’ai voulu aller travailler en cabinet afin de me rendre compte du métier de juriste et d’avocat, ce qui m’a permis de développer un premier contact auprès de la clientèle, dans des situations parfois très difficiles.
Puis changement radical, je me suis tourné vers le monde du prêt-à-porter haut de gamme pendant près de quatre ans y découvrant une autre clientèle avec des attentes et besoins différents.
Même si cela a renforcé la passion que j’avais pour les tissus et la confection, c’est à ce moment que me mettre à mon compte s’est réellement imposé dans mon esprit.J’ai toujours eu à l’idée que pour se réaliser dans le travail il fallait créer quelque chose : des vêtements, des tableaux, écrire des livres… ou monter sa marque !
C’est aujourd’hui chose faîte : j’ai réussi, à travers le lancement de Dare in Paris, à combiner le tout : la passion des tissus, la création, le goût du risque aussi !
Et du coup, pourquoi des cravates ?
La cravate représente avec le nœud papillon une idée de l’élégance. Je vais ici parler de l’homme, mais la femme peut également en porter, aussi ce qui va suivre lui sera transposable.
C’est l’accessoire par excellence de la tenue masculine classique, car même si elle a évolué avec les années, la cravate reste un terrain de jeu incomparable pour les hommes.
La cravate et l’homme qui la porte, nouent (si j’ose dire), une relation intime puisqu’elle est choisie en fonction de l’humeur de l’instant, qu’il soit joyeux ou triste, avec ou sans inspiration… C’est l’une des possibilités, avec les boutons de manchettes, réservées aux hommes pour pouvoir exprimer leurs propres styles.C’est ce qui confère à la cravate ce caractère si singulier !
En effet, dans de nombreux pays, les hommes les portent avec de la couleur, des motifs, des imprimées, des jacquards… Mais beaucoup moins en France où la combinaison costume/cravate bleu unie/chemise blanche est reine. Le costume est parfois devenu si uniformisé qu’il en est presque triste de le voir porté.
Aussi, je souhaitais pouvoir proposer de nouveau de la couleur, pouvoir égayer les tenues et donc faire revenir une certaine joie de vivre !
Nous en avons tous besoin en ce moment.
Mais que ce chemin est long.. ! Les habitudes ont la vie dure !
Il va falloir s’armer de patience !
Dare in Paris, pourquoi ce nom ?
En plus de ce qui vient d’être dit, j’ajouterai une anecdote qui date de plus de 15 ans.
J’ai ce souvenir, d’un après midi dans le métro, portant une cravate verte unie, une veste marron en velours côtelé et une chemise blanche. Tout autour de moi, les gens étaient intrigués de voir un jeune homme habillé ainsi. Et je sentais les questionnements poindre ; allait-t-il à un mariage ? Au bal ? Qui est-il ?
Depuis ce moment, le verbe « oser » est entré dans mon esprit, et « to dare » étant sa traduction anglaise, « Dare in Paris » s’est de suite imposé.
Alors, osons porter de nouveau des cravates de couleur dans Paris !
Osons exprimer notre propre style en libérant notre créativité et osons faire la différence !
Tu m’as raconté mille choses sur la confection, tu peux le partager avec nos lecteurs ?
Ce sont de véritables pièces d’art, faîtes à la main, dans l’un des derniers ateliers à Paris encore en activité et qui prend le temps de travailler.
Tout commence par le choix du tissu : pour avoir une belle cravate, il faut un bon tissu.
C’est un choix difficile, entre les motifs imprimés, les tissés jacquards ou les soies imprimées tintées à la madder, cela peut prendre des heures.Ensuite arrive l’étape de la confection. Et là, la magie du travail manuel opère. Tout se passe aux ciseaux, à l’aiguille, à la main et à la machine à coudre. Il faut compter 1 h minimum pour confectionner une 3 plis, et davantage pour une 7 plis. L’écart de temps est assez facile à comprendre car pour une 7 plis, il y a plus de tissu et de fait un plus long travail.
Je commande des finitions spécifiques pour mes modèles, comme le roulotté main, très technique et qui retient l’attention de l’artisan pendant plus de 20 minutes.
La cravate 3 plis est entièrement entoilée en son intérieur avec une toile à base de laine et d’acrylique notamment ; ce sera le corps de la cravate, mais aussi ce qui pourra plus tard, lui donner sa main si recherchée par les amateurs ; peut-être l’as-tu déjà constatée par toi même ?
En ce qui concerne une 7 plis, point d’utilisation de toile car c’est le tissu plié sur lui même qui fera que la cravate prendra vie. Une main différente est palpable, celle de l’âme de la cravate. La fameuse cravate 7 plis de Dare in Paris
Un autre détail : les bourdons en fil de soie perlée, provenant d’une manufacture française, viennent refermer en un point de couture l’enveloppe de la cravate au bout du grand et du petit pan.
C’est la même technique que l’on retrouve aux boutonnières des revers de vestes sartorial.J’espère qu’alors chacun comprendra que derrière la cravate, se cache un véritable travail d’artisans passionnés et non un simple bout de tissu comme certains aiment à le faire croire. Pas plus qu’une forme d’asservissement, ou de vecteur social.
En tout cas je ne la conçois pas ainsi.
Antoine, un mot sur le « packaging » qui a lui aussi beaucoup à dire ?
Concernant les couleurs de mes écrins, j’ai choisi en dominante, celle de la terre battue, dans un hommage à la première surface sur laquelle j’ai pu commencer à pratiquer le tennis ; les amateurs reconnaitront la couleur écrue de mon logo, rappelant celle des lignes qui délimitent le terrain de jeu.Une fois le couvercle refermé sur le socle, un délicat fil de soie d’alger, d’une couleur assortie, légèrement cuivrée, produit en France, referme l’écrin.Par la suite, afin de conférer un caractère encore plus unique et raffiné, j’appose le logo gravé de mon entreprise sur le fil de soie, à l’aide d’une cire française dont la recette reste inchangée depuis le 17ème siècle.
( Bon à savoir, une fois refroidie, la cire peut casser si elle subit un choc car aucun ajout chimique n’y est incorporé. )
Il m’était important de rendre hommage au produit que je propose et j’espère que ce processus le lui rend bien.
Dare in Paris dans 5 ans, toujours des cravates ?
Ce que j’ai pu retenir de mon expérience dans le prêt-à-porter haut de gamme, c’est qu’une marque ne fonde sa réputation que sur un produit spécifique ; soit les chemises, soit les pantalons, soit les pulls en cachemire, ou encore les souliers…
De cette réputation découle la confiance que les clients lui accordent au fil du temps et parfois même de génération en génération ; chaque entreprise devant avoir à l’idée d’inscrire son projet dans le temps, c’est la vision que j’ai pour Dare in Paris.
Être généraliste peut s’avérer pratique pour un client qui n’a pas le temps de faire plusieurs enseignes ou qui n’apprécie pas acheter des vêtements.
Mais c’est rarement un gage de qualité. La spécialisation l’est. Il est en effet difficile (mais pas impossible!) d’exceller dans tous les domaines ; un maître chemisier n’est pas un tailleur, et un tailleur n’est pas un bottier.Alors, pour te répondre, dans 5 ans, oui, toujours des cravates avec à l’idée de pouvoir ouvrir une boutique, ici, sur Paris, dans ma ville.
Cela me permettrait de diversifier les collections, faire des partenariats avec des marques parisiennes, étrangères, connues ou non… ainsi que proposer d’autres articles en soie, avec toujours la même passion et envie.Et qui sait… ? Peut être d’autres pistes… ?
J’ai tant de rêves en tête !
Ma cravate 3 plis Dare in Paris en photos
Antoine ne veut pas voir pas ses créations cantonnées à l’univers sartorial et j’ai été touché qu’il me propose de styliser ses cravates. Je suis parti sur une 3 plis, peut-être timide de me frotter à une 7 à mon niveau haha.
Puis, cette couleur lie de vin, j’en voulais une depuis quelques temps déjà pour mes tenues « streetzzatura ».
(terme second degré inventé par Laaazzzeee et Roddy).
Des idées pour ajouter une touche tailoring à une tenue heritage
Mélanger les genres est un fondement du style street heritage : piocher ici et là pour faire sa propre sauce. Et s’il m’inspire beaucoup, le monde du tailoring est par nature, opposé à la touche street.
Règles versus feeling
Cette cravate Dare in Paris est l’occasion de s’amuser un peu et de voir quelques pistes.
Disclaimer : le shooting a été réalisé dans des conditions un peu pénibles. Du coup, je n’ai pas vu que ma cravate s’était dénouée, d’où l’excès de longueur. Idéalement, elle n’aurait pas dû dépasser du gilet.
Revisiter le complet : mixer un veste en tweed et gilet militaire
De ce que j’ai pour le moment testé, le plus simple pour porter une cravate sans faire du soft tailoring, c’est le gilet.
Pas le veston classique comme on peut se le représenter dans un costume trois pièces, mais plutôt ceux inspirés de l’armée, de la pêche, de la chasse, et tout ce qui a trait à ce genre.
1st Pat-RN en propose qui font vraiment bien le job. Il faut dire que la marque italienne manie habillement le sujet en mélangeant tailoring, workwear et militaria dans ses collections. La teinte olive et cette matière italienne* en coton rep slub lui donne un coté rustique plus fin. Ainsi, on évite de tomber dans le premier degré et d’être un peu trop en décalage.
(la version de la collection SS21 en rep slub natural est folle)
*erratum : j’avais écrit japonaise et Cristiano, le fondateur m’a envoyé un petit MP : cette matière est produite en Italie, plus précisément dans la région de Veneto, à 70km de ses bureaux. C’est d’autant plus chouette pour la planète et en fait une pièce Made in Italy en tout point.
D’autant plus que les teintes de la cravate et son motif semblent faites pour aller avec. C’est d’ailleurs ce qui me plait vraiment dans la style sartorial je crois : les motifs des accessoires. La cravate donc, mais aussi la pochette, il y a des pièces plus magnifiques les unes que les autres.
La chemise blanche de friperie qui va bien, qui a des proportions qui me plaisent, col et largeur des manches. Le tissu ne fait pas « costume » comme je me le représente et je la trouve du coup bien en accord avec le gilet.
Enfin, il fallait bien une veste.
Choix simple ici puisque la Bedford jacket d’Engineered Garments est un facilitateur du genre. Blazer à la touche héritage par excellence avec des détails inspirés de l’armée, sa coupe est résolument plus « habillée ». Bien que déstructurée, elle n’est pas molle avec des épaules ajustées et une emmanchure haute. Sa laine en tweed à chevron, bien rugueuse, termine bien l’ensemble à mon sens.
Sur la série de photos qui suit, on peut apprécier l’harmonie des couleurs, motifs et textures entre ces pièces d’univers différents. Sortir cette cravate des beaux costumes et la faire passer crème dans des pièces workwear / street heritage, ça passait par mix de mondes.
Choisir un jean bien délavé
Comme j’avais déjà apporté une touche militaire avec le layering, enfiler un fatigue pants ou un cargo aurait été « de trop ». Une veste en tweed herringbone, j’aime la porter avec un fort contraste sur le pantalon, en style ou couleur.
Sortir le jean délavé, c’est une association pénalty.
En effet, je trouve que cela fait mouche à chaque fois. Pour ça, il ne faut pas un délavage qui sonne « artificiel » donc exit les jeans bleach et assimilés faits en usine. Un Levi’s 501 vintage qui a bien vécu, ton jean brut que tu patines depuis des années… Voilà le bon client pour un blazer dans une laine épaisse et rugueuse.
Ce APC, je le traine depuis une dizaine d’années et ça se voit, je trouve qu’il arrive comme il faut pour faire la transition avec les chaussures.
Il est size-up de 2 tailles pour le confort étant donné sa taille basse. Un bon jean coupe droite avec une fourche plus longue aurait fait l’affaire.
Une paire de Paraboot Chambord noire : le coté habillé militaire
C’est ce que m’a toujours inspiré la Chambord en noir, surement le bout arrondi et le talon.
Et au final, c’est la paire idéale pour terminer la tenue.
J’imaginais moins des Michael ou une paire habillée ici. Elles apportent une touche d’élégance quand même, tout en sobriété. On ne les remarque pas plus que cela et c’est ce que je voulais. Le haut est déjà assez fort, pas la peine de trop en faire.
L’autre chose qui me plait bien, c’est le contraste avec le jean.
J’adore porter des chaussures noires, et encore plus avec des pantalons ou jeans « clairs ».
Soutenir une jeune marque valorisant l’artisanat dans le vêtement
Antoine m’avait simplement demandé une photo Instagram où sa cravate Dare in Paris serait sortie de l’univers sarto.
Cependant voilà, j’ai eu envie de faire plus.
Lors de cette rencontre, j’ai trouvé son propos sincère et ce côté « sans concession » louable. À l’ère du marketing du superlatif dans le microcosme des jeunes marques en France, difficile de se faire une place.
Alors j’y suis allé de ce petit coup de projecteur sur le projet d’un passionné du produit.
Il y en a de moins en moins (à réussir) alors parlons d’eux.
Retrouve toutes ses cravates ici et Dare in Paris sur son compte Instagram.
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