Découvre la marque Cornier (ou pourquoi acheter directement au Japon est une bonne idée)

Cornier est un mot pouvant signifier « qui est à l’angle de », « qui forme coin », ou encore « qui renforce un angle ». Un lieu d’intersection. Et, en même temps, l’idée d’une périphérie. Une position en marge dans le paysage japonais ? Une volonté de « lier » des univers distincts ? À la frontière entre les vêtements du quotidien et les expérimentations plus modeuses, peut être. Évoquer l’angle, c’est aussi refuser la rondeur. L’idée d’une mode parfaitement lisse, bien que structurée. Et cent autres choses encore que je pourrais m’amuser à surinterpréter, puisqu’à ma connaissance aucun discours « officiel » n’a été formulé sur le choix de ce nom, à la fois si français et si japonais. Tout est dans la polysémie — et c’est encore mieux quand le mot, emprunté à notre belle langue, a ce quelque chose d’abscons, d’un peu inhabituel.

Chemise en gabardine de laine Cornier

Un simple nom qui, déjà, nous indique que le public cible de la marque japonaise n’est probablement pas à chercher du côté de l’Occident. Il sonne un peu « faux » pour nous, peut-être comme un Aïdama pourrait sonner faux pour un Japonais (désolé Joachim, mais sois heureux que je pense à toi en premier). Et il traîne alors, malgré lui, un lourd bagage : souvenirs de sites internets surchargés, de vêtements aux coupes pas adaptées à nos morphologies, de refus catégoriques de vendre hors du territoire national.

L’ouverture du marché Japonais au monde

Mais les temps ont changé. Si bien que te présenter Cornier aujourd’hui, jeune marque japonaise confidentielle, n’a plus rien d’inconfortable pour moi. Je ne l’aurais pourtant jamais fait avant. C’est-à-dire il y a encore quelques années, quand il était alors impossible de traduire à peu près correctement, de manière automatique, du japonais vers le français. Quand il fallait compter sur un proxy (une personne ou une entreprise qui réceptionne ton colis au Japon en ton nom avant de te le réexpédier) pour avoir simplement le droit d’acheter un produit.

On parle souvent de la crise du COVID comme d’un facteur « accélérateur ». En très peu de temps, elle a fait aboutir des transformations latentes : en ce qui nous concerne aujourd’hui, celle de l’ouverture du Japon au monde. Le pays n’a jamais été aussi accessible (et populaire). Il ne fait plus « peur ». Et le cours du yen, historiquement bas, attire désormais une foule de touristes, qu’ils soient sur le terrain ou derrière leur écran.

Cornier marque japon automne hiver 2024 fw24
Cornier automne / hiver 2024

Cela fait longtemps que les resellers ont envahi les plateformes de seconde main nippones, aidés de services en ligne, pour ensuite refourguer leurs trouvailles, souvent un peu datées — seules les pièces des anciennes collections connaissent une forte décote — avec une marge confortable sur Vinted ou dans le shop spécialisé Archive Fashion de ton quartier gentrifié.

Mais l’occidentalisation du retail japonais, elle, est plus récente. Et encore toute relative. Cornier fait partie d’une nouvelle vague de marques et de boutiques multimarques (je t’avais notamment présenté Haku Clothing) qui pensent à toucher une clientèle internationale dès leur lancement. Le site, construit sous Shopify, propose une conversion automatique du yen vers l’euro et permet de commander très facilement depuis une adresse européenne. Le tout présenté comme sur un e-shop occidental standard : fonctionnel, sobre. Rassurant.

Pourquoi Cornier ?

Mais pourquoi te parler de Cornier en particulier, d’ailleurs ? Les quelques photos disséminées jusque-là devraient déjà te donner une idée. Stylistiquement, on est pile dans ce que j’aime : ce qu’on pourrait appeler le zeitgeist japonais. Du casual ennobli et effortless, avec un accent mis sur la qualité des matières.

Mais il y a aussi une raison plus pragmatique que l’expression de mes propres goûts, alors que les belles fringues sont de plus en plus inaccessibles au commun des mortels : Cornier est une marque « abordable ». Ce que j’appellerais ici avec horreur un bon « rapport qualité-prix ». Une notion que j’évite d’ordinaire comme la peste. Car comment prétendre juger ce qui a de la valeur ou non ? En analysant chaque vêtement sous l’angle « technique », de la construction ? En cochant des cases dans un tableau Excel pour en tirer une note sur vingt façon professeur d’Instagram ? Tout ça pour, au final, ne ressembler à rien dans une chemise fatto a mano mal coupée, mais validée « objectivement » grâce à ses hirondelles de renfort.

Même les DNVB, c’est mieux au Japon

Essayons de nous accorder plutôt sur autre chose : les vêtements intelligemment pensés et fabriqués.

Cornier fw25 collection
Cornier automne / hiver 2025

Car Cornier, c’est d’abord ça. Je sais, je n’ai encore rien prouvé, mais il faudra me faire confiance. Ce n’est pas (seulement) une bonne affaire parce qu’il y a tant de points de couture au millimètre, des boutons en nacre ou n’importe quel détail censé justifier notre achat en tant qu’homme-consommateur bien rationnel. Ce n’est pas non plus du dupe sans âme venu casser la concurrence. C’est simplement une petite marque qui fait les choses bien, comme tant d’autres sur le meilleur marché mode du monde pour les amateurs de belles sapes.

Une marque qui développe son univers propre, sans buzzwords ni mensonges éhontés. Sans ces discours insupportables de nos DNVB préférées, qui vendent d’abord un prix et une philosophie de « l’achat intelligent » (contre les vilaines marges de l’industrie traditionnelle) avant de proposer quoi que ce soit d’autre. Où tout est génial, parfait, tutoiement et entubage. Car oui, Cornier vend aussi en direct, mais, comme nous allons le voir, sans jamais trahir d’absurdes promesses — ici, heureusement, jamais formulées.

Interview de Cornier

Avant de te montrer les pièces Cornier que j’ai pu essayer, et de t’expliquer pourquoi elles valent le détour (et la très raisonnable prise de risque), j’ai voulu donner la parole à la marque elle-même. Voici quelques échanges avec elle autour de son travail et du contexte japonais singulier dans lequel elle s’inscrit :

Interview traduite du japonais vers le français

Merci de m’accorder cet entretien. Il est plutôt rare de pouvoir échanger directement avec une marque japonaise, surtout de niche. Pour commencer, pouvez-vous présenter Cornier à nos lecteurs ? Et pourquoi avoir accepté d’en parler ici, en France, sur notre petit média indépendant ?

Merci beaucoup de nous accorder votre temps.

Nous recevons régulièrement des commandes de France, et nous sommes toujours impressionnés par la sensibilité des Français à la mode et aux matières. Lorsque nous avons reçu votre demande d’interview, nous avons pensé que c’était l’occasion idéale de faire découvrir Cornier plus largement en France.

Cornier a présenté sa première collection lors de la saison printemps-été 2022. Nous sommes implantés dans la région de Bishū, célèbre pour sa production textile — en particulier la laine destinée au luxe — et nous développons des vêtements réalisés dans des matières de tout premier ordre. Des pièces qui ne se démodent pas et que l’on peut porter longtemps.

Quelle est votre conception du vêtement ?

Tout commence par la matière. Nous consacrons énormément de temps à rechercher les fibres, à sélectionner les meilleures matières premières, puis à définir pour chacune d’elles le tissage le plus approprié.

Cornier marque
Cornier automne / hiver 2025

Nous ne faisons aucun compromis dans la confection de nos vêtements. Nous pensons qu’il est impossible de vendre en toute confiance à nos clients quelque chose qui ne nous satisfait pas pleinement. Le toucher, la texture, la couleur, la silhouette une fois portée, les détails : c’est l’accumulation de tous ces éléments qui fait un bon vêtement.

Nous nous consacrons entièrement au processus de fabrication, sans relâche, jusqu’à être entièrement satisfaits du résultat. C’est tout ce qui compte.

Comme beaucoup de belles marques japonaises, Cornier met l’accent sur les matières et valorise l’artisanat local. Maintenant que j’ai eu vos vêtements entre les mains, je dois avouer être impressionné par le niveau d’exécution. Comment parvenez-vous à proposer un tel niveau de qualité à un prix si intéressant ?

Alors que de nombreuses marques pratiquent la vente wholesale, Cornier vend directement à ses clients. En ce qui concerne le développement des matériaux et la production des collections, nous travaillons en collaboration directe avec des fabricants de tissus et des ateliers de confection japonais exigeants et compétitifs.

Ce modèle nous semble être le plus cohérent : il nous permet de fabriquer réellement ce que nous voulons et de garantir une qualité supérieure sans sacrifier ce qui est essentiel.

En Occident, les marques dites DNVB ou D2C ont profondément transformé le marché de la mode depuis la fin des années 2000. Qu’en est-il du Japon, où la culture mode est très forte et où les boutiques multimarques de qualité sont légion ? Si Cornier fonctionne selon un modèle D2C avec un site à l’occidentale, votre ancrage physique semble tout aussi important.

Au Japon aussi, le modèle D2C a clairement gagné en importance depuis la pandémie. Autour de 2020, lorsque les expériences d’achat en boutique ont été temporairement interrompues, beaucoup de clients se sont tournés vers l’achat en ligne, ce qui a accéléré cette dynamique.

Silk denim jeans

Cela dit, comme vous le soulignez, le Japon compte encore aujourd’hui un grand nombre de select shops au niveau de curation extrêmement élevé, et ces boutiques demeurent des acteurs très importants.

Puisque Cornier ne pratique pas le wholesale, nous avons ouvert notre propre boutique physique dans le quartier de Yoyogi-Uehara à Tokyo afin que les clients puissent voir et toucher nos vêtements. Nous organisons également des pop-ups dans d’autres régions du pays, comme Osaka, Nagoya, et plusieurs autres villes.

Pourquoi avoir choisi de fonctionner selon une logique de drops successifs ? Du point de vue occidental, cela peut parfois sembler frustrant : difficile d’avoir une vision d’ensemble d’une collection, ou même d’obtenir certaines pièces ! Mais j’imagine que cela correspond à un rapport particulier à la rareté et au désir chez le public japonais.

C’est vrai : beaucoup de marques japonaises sortent leurs produits par drops. Une raison possible est que les clients achètent moins “à l’avance” qu’avant, et cherchent davantage des produits correspondant à leurs besoins immédiats.

Dans notre cas, ce choix est surtout structurel : dès le lancement de la marque, nous avons planifié nos productions en fonction de la demande réelle, ce qui conduit naturellement à des sorties fractionnées.

Pour avoir une vision d’ensemble, nous recommandons de consulter les lookbooks publiés chaque saison.

Auriez-vous quelques conseils pour nos lecteurs qui souhaiteraient découvrir vos vêtements après avoir lu cette interview ? Je pense notamment à ceux qui n’ont encore jamais acheté directement au Japon.

Chemise en laine « Wool crater jersey« 

Le Japon est l’un des rares pays où la fabrication des matières et la confection coexistent encore à un niveau aussi élevé. C’est ce qui donne aux vêtements produits ici cette singularité qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Puisque nous mettons l’accent sur des matières luxueuses fabriquées au Japon, nous pourrions en théorie recommander toute la collection (rires). Mais, pour un premier achat, certaines pièces permettent peut-être mieux que d’autres de comprendre ce que nous faisons : nos chemises en laine, nos pantalons en laine, et nos jeans en soie. Ce sont des vêtements qui permettent de sentir immédiatement le toucher, la texture, la densité, le drapé — bref, l’essence même de nos tissus.

Nous espérons que vos lecteurs auront l’occasion de découvrir notre univers. Merci encore pour cet échange.

Trois pièces Cornier à l’épreuve de mon vestiaire

Si j’ai souvent tendance à en faire des tartines, l’esprit Borasification reste avant tout visuel : parler en images, confronter une pièce à son propre vestiaire. Pas jouer au cintre vivant dix minutes pour Instagram, mais intégrer un vêtement à son quotidien, sur la durée.

Au-delà du shooting maison, j’ai déjà porté longuement les vêtements dont on va parler plus en détail ci-dessous. Et je peux dire une chose : aucune ne souffre de la comparaison avec mes pièces Auralee, Cale ou Yoko Sakamoto. Ce qui n’était pas gagné, quand on réalise qu’on peut à peine s’offrir une cravate en laine signée Ryota Iwai pour le prix d’un pantalon Cornier.

Il ne faudrait pourtant pas en conclure que je place la marque au même niveau qu’Auralee. Ni que l’existence de la première ferait passer les clients de la seconde pour des imbéciles qui jettent leur argent par les fenêtres.

Cornier marque japonaise homme soft tailoring
Spoiler : les trois pièces portées ensemble

Tout le monde a sa place sur un marché japonais où chaque nouveau drop de la petite marque cool dont tu n’as jamais entendu parler est sold out chez tous ses distributeurs en dix minutes. Ce que fait Cornier est à la fois assez différent et suffisamment proche de l’offre de noms comme Kaptain Sunshine ou Aton pour jouer un rôle complémentaire : ces acteurs de la mouvance elevated qui subliment les matières japonaises tout en proposant des vêtements faciles à porter au quotidien. Et je dirais même, sans trembler, que Cornier mérite amplement d’être envisagée comme un premier choix. Il faut aimer les choses sombres, certes !

NB : Les pièces présentées dans cet article ont été envoyées par la marque à ma demande. Je porte du L pour 1m88 et 74 kilos

Super130’S Wool Chambray Gabardine Shirt

Je n’ai pas eu besoin de réfléchir longtemps à l’approche que je voulais adopter pour te parler du travail de Cornier. Partir des matières n’a rien d’original dans le milieu, surtout chez les labels (japonais) qui nous intéressent le plus, mais on comprend rapidement que c’est ici le sujet central. Ce sont elles qui sont mises en avant dans le nom de chaque pièce, décrites longuement sur chaque fiche produit, et présentées dans les lives Instagram — pratique très courante au Japon — où le rouleau de tissu finit parfois par voler la vedette aux produits finis lors de close-up répétés.

C’est donc par là que je vais commencer, moi aussi. Et quel meilleur premier exemple qu’une chemise en laine pour comprendre l’approche de Cornier ?

  • cornier chemise laine
  • chemise gabardine de laine japon marron
  • Super130'S Wool Chambray Gabardine Shirt
  • Bouton en nacre

Pas faite de n’importe quelle laine, évidemment. Mais de Super 130’s, mérinos australien. Si tout cela ne t’aide pas trop, résumons. Mérinos, d’abord : la meilleure race de mouton pour la laine, notamment parce que sa toison est très blanche (donc parfaite pour la teinture). Australie, ensuite : la meilleure production mondiale, avec la Nouvelle-Zélande. Et enfin, l’adjectif « Super » suivi d’un nombre (de 80 à 180 et plus) désigne la finesse du fil de laine, (exprimée en microns). Plus le nombre est élevé, « mieux c’est ».

gabardine de laine chambray marron noir
On voit bien ici, sur l’envers, l’alternance de fils noir et marron

En choisissant une Super 130’s, Cornier utilise donc une laine onéreuse, habituellement réservée au monde du costume, mais qui ici a l’avantage de ne pas être fragile ni excessivement précieuse (contrairement au très haut du panier). Mieux encore : la marque met un point d’honneur à proposer des vêtements lavables chez soi et ainsi à t’éviter le passage au pressing. Il faudra tout de même faire attention, pas de laine superwash asphaltienne ici.

Puisqu’on ne parle pas d’un pull et que la finesse compte moins que le tissage et la finition, l’important est la manière dont cette laine a été travaillée. Cornier parle de « Chambray Gabardine », autrement dit une gabardine de laine tissée à la manière d’un chambray : un sergé très dense, assez lisse visuellement, où un effet de nuance a été créé en utilisant des fils de couleurs différentes pour la chaîne et la trame. Du noir et du marron.

Et le résultat suffit déjà, à mon sens, à résumer la démarche de la marque : une matière formelle que l’on vient « décoincer » par un subtil chinage, une profondeur, une manière de prendre la lumière. L’exploration d’une tension entre formel et casual. Et bien sûr, cette idée se prolonge par la coupe. C’est ample ! Mais pas trop. Fluide, mais ça se tient vraiment bien. Et ça ne froisse presque pas.

Cornier marque gabardine shirt fw25
Tee, MHL, Chemise Cornier, pantalon Auralee, derbies Tricker’s

J’ai cherché ici à mettre en valeur la chemise en l’entourant de pièces très sombres, mais qui elles aussi entretiennent un rapport intéressant avec la lumière : un pantalon en velours milleraies Auralee d’un marron très profond, puis deux pièces en cuir noir — ma paire de Tricker’s Daniel et mon blouson Zara (douloureusement bien coupé, à défaut de pouvoir me payer un Yoko Sakamoto…). Et voilà comment je joue avec du sombre sans tomber dans le facile monochrome noir. Cornier signe ici une chemise bien plus polyvalente qu’elle n’en a l’air, fonctionnant aussi bien avec un pantalon en laine qu’avec un denim ou un chino.

chemise laine homme japon
Wool gabardine shirt Super 130's made in japan
Cornier marque japonaise chemise laine homme blouson cuir Zara pantalon velours Auralee Tricker's Daniel
Veste Zara

Super130’S Worsted Wool Light Milled Wide Pants

J’espère ne pas t’avoir perdu en route, car nous allons maintenant nous intéresser à un pantalon. Une pièce jamais évidente quand on veut proposer des choses abordables. Et forcément, ça se ressent un peu. Je ne parlerais pourtant pas de déception, car les « compromis » ont été faits aux bons endroits.

Commençons, à nouveau, par la matière : une seconde gabardine de laine australienne Super 130’s, mais bien différente de celle de la chemise. D’abord, Cornier utilise ici un fil de laine peignée déjà teint, mélangeant plusieurs nuances afin d’obtenir un chinage bienvenu, tout en conservant la douceur. Une bonne idée quand on s’attaque au pantalon gris, peut-être la pièce la plus ennuyeuse (polyvalente) du vestiaire masculin. De plus, le tissu a reçu une finition milled, c’est-à-dire un léger foulonnage (feutrage) qui adoucit la surface. Résultat : une matière à la fois dense et fluide, qui n’a pas un coté trop lisse ou brillant, avec un grain discret et un beau tombé.

  • Cornier marque japon pantalon laine
  • Cornier marque Super130’S Worsted Wool Light Milled Wide Pants
  • Japanese wool grey trousers
  • Pantalon laine soft tailoring construction interne
  • Button shank

J’ai d’abord trouvé la matière un peu fine au déballage, une impression renforcée par l’absence de doublure. Mais mes craintes quant à la tenue du pantalon dans le temps se sont révélées infondées. Parce que c’est souvent là que tout se joue dans cette gamme de prix : les pantalons qui font semblant d’être élégants le temps d’un shooting, mais qui ne ressemblent plus à rien dès que tu t’assois cinq minutes ou que tu refais tes lacets. Typique de la fast fashion faussement premium, qui parvient parfois à nous duper avec une composition ayant l’air “pas trop dégueulasse, pour une fois”.

Cornier marque pantalon japonais gris homme chemise uniqlo C popeline Camion Boots Our legacy
Chemise Uniqlo C, pantalon Cornier
Pantalon laine gris soft tailoring homme
Ceinture Yoko Sakamoto, boots Our Legacy

Si la marque propose un large choix de pantalons à l’ampleur maîtrisée, j’ai choisi le modèle wide pour ses deux pinces et un volume plus en accord avec le reste de mon vestiaire. La coupe est très équilibrée, prolongeant parfaitement le travail déjà abattu sur la matière. Encore une fois, on n’est clairement pas face à une fringue “sage”, uniquement pensée pour le bureau (pense à Berg&Berg). Tu peux la porter pour aller bosser, mais tu peux aussi t’amuser un peu — comme je le fais ici — avec mon uniforme informel : une chemise Uniqlo C en popeline « sax blue », bonne surprise pour ceux qui cherchent un modèle dans le genre ; ma veste Mfpen « Clasp Jacket » en denim gris délavé, proche du pantalon pour un effet “ensemble” de fortune ; ma paire de Camion Boots Our Legacy ; et, pour la touche de drama, mon imposant manteau COS noir.

Mfpen clasp jacket
Veste Mfpen
manteau COS laine oversize mfpen clasp jacket Uniqlo C chemise sax blue Cornier pantalon laine camion boots Our Legacy noires
Manteau COS

Revenons un instant, avant de passer à la suite, sur les choix de la marque évoqués plus tôt. Il ne faut pas s’attendre ici à un pantalon aux finitions tailoring comme on peut en trouver, au hasard, chez Auralee (ma crémerie personnelle). Il y a peu de marge de manœuvre pour d’éventuelles retouches : pas de matière « en plus » pour ajuster la taille, même si l’ourlet conserve une petite réserve pour la longueur. Pas de doublure non plus, comme je le mentionnais plus haut — rien de rédhibitoire, la matière est suffisamment douce pour s’en passer.

Les finitions intérieures sont simples, sans fioritures. Personnellement, ça ne me dérange pas du tout. D’autant que les boutons (en corne) sont ici aussi solidement cousus, les passants de ceinture bien renforcés, et la construction propre. Bref : l’essentiel est là, et même un peu plus encore, si tu compares à ce que nous connaissons dans cette gamme de prix. C’est à dire dans les cent euros chez nous.

Worsted Wool/Paper Balmacaan Long Coat

Je l’annonce : je ne vais pas être objectif. Je trouve ce manteau très beau — le vrai coup de cœur du carton. Et son prix aussi : 55 000 yens, soit environ 300 euros avant shipping, pour une pièce qui met une bonne distance à tout ce qu’on peut voir au double du tarif en Europe. Et encore, je suis sympa : je n’inclus pas les choses plus chères.

  • Cornier paper wool balmacaan coat ss24
  • Manteau Cornier laine papier homme gris
  • Manteau homme printemps
  • Bouton en corne
  • washi

Reprenons-nous. Parlons matière. Si les propositions précédentes étaient déjà recherchées et cohérentes, Cornier pousse ici le niveau de complexité un cran plus loin avec un mélange laine / papier (washi, j’en parle longuement ici) qui a beaucoup à raconter. Le fil de chaîne est une laine de Nouvelle-Zélande Super 160’s, très luxueuse, tandis que le fil de trame associe une laine Super 130’s à une généreuse part de washi (25 % de la composition totale). Tout se joue dans cette rencontre des contraires : un tissu compact, au toucher sec et légèrement “craquant”, mais doté d’un drapé étonnamment fluide grâce à un poids contenu.

Cornier coat made in japan
Le net, c’est bourgeois

La pièce prend toute sa dimension outerwear grâce à un tissage extrêmement dense, garant d’une résistance au vent. Quant au rendu visuel — une texture subtile et un gris à l’éclat feutré, minéral — il résulte de deux traitements successifs. D’abord, le blanchiment Ōmi-zarashi, artisanat traditionnel de la région d’Ōmi, qui confère à la surface une douceur et un effet légèrement froissé. Ensuite, un « battage à plat » qui vient compacter les fibres en surface pour densifier la matière et lui donner cette façon particulière de capter la lumière. Ou, pour le dire plus simplement : c’est beau. Et les photos officielles du shop sont criminellement trompeuses.

Je m’attendais à un manteau très fin ; je me suis trompé. Entièrement doublé en cupro (la meilleure doublure semi-synthétique après la soie), il pourrait sans problème m’accompagner une partie de l’hiver lyonnais.

D’autant que l’épaule raglan et la coupe, avec sa forme en A — ou “en cloche”, caractéristique des beaux balmacaans japonais — se montrent particulièrement permissives pour le layering.

Cornier Worsted Wool/Paper Balmacaan Long Coat
Manteau Cornier, pantalon Daniel Simmons

Automnal, au moment où ces photos ont été prises. Avec deux pièces légères : mon t-shirt MHL, base de toutes les tenues du jour, la force du coloris natural ; et ma veste Cale en lin water twisted, parcourue de fines ridules et au motif vichy noir et blanc. Mon pantalon à pinces en laine noire Daniel Simmons ne se distingue pas par ses aspérités (un simple twill), mais par sa coupe : très ample, avec un leg opening généreux qui équilibre la silhouette lorsque le manteau est porté fermé.

Cornier long coat washi balcamaan Cale water twisted linen shirt jacket gingham
Veste / chemise Cale

Aux pieds, mes mocassins Dries Van Noten en cuir grainé. Et, pour finir cette ode à la texture — celle qui s’apprécie de près — un tote bag De Bonne Facture en gros velours côtelé marron, souvenir d’une époque où les tissus Brisbane Moss étaient encore abordables.

Cornier Cale De Bonne Facture Daniel Simmons Dries Van Noten
Sac De Bonne Facture
Cornier marque manteau japon homme
Mocassins Dries Van Noten

Le mot de la fin

Aussi petite soit-elle, évoluant dans un marché qui fourmille d’acteurs passionnants, Cornier incarne à mes yeux tout ce qui fait du Japon le meilleur marché pour les amateurs de sape occidentaux un peu blasés. Forme et texture, formel et casual, matières luxueuses et ici prix accessibles : il y a toujours une tension fertile, une dialectique discrète et humble qui est à l’oeuvre. Et dans un paysage français saturé de grands discours creux, de storytelling éculé et de fringues survendues pour être simplement vendues, une approche aussi japonaise — précise, posée, sincère — a quelque chose de rafraîchissant. De désarmant, même.

Regarder ailleurs, ce n’est pas seulement une question de pouvoir d’achat. C’est aussi une façon de questionner notre rapport au vêtement : qu’est-ce qu’on choisit vraiment de valoriser ? J’aime assez l’idée d’être allé vers Cornier en pensant présenter une « bonne affaire ». Pour réaliser, en repartant, qu’il s’agissait surtout d’une alternative salutaire au désenchantement.

Tu peux retrouver l’entièreté de la collection Cornier automne / hiver 2025 sur le site officiel de la marque. Même endroit pour commander, si je t’ai donné envie d’essayer !

Par Nicolas

esco.griffe sur instagram. Fatigue pour les intimes.

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