La collection Arpenteur printemps / été 2023, c’est bien plus que du workwear

Le style workwear est une histoire de matières épaisses, rigides, brutes et opaques. De coupes qui couvrent et protègent. De poches, de boutons, de cols montants, de coutures et de patchs. Avec le « layering », jeu stylistique de superposition des couches, comme principe fondateur. Un ensemble de choses pensées pour installer une distance entre le porteur et son environnement. Certainement bienvenue en hiver, quand on peut compter sur la rustique laine melton, la moleskine et les grosses mailles pour faire oublier le froid, la neige et la pluie. Mais comment appréhender les mois les plus chauds de l’année quand on ne jure que par la chore jacket, le jean, le gilet et la surchemise ?

Peut-être en s’éloignant un peu de tous les « clichés » de la mode heritage et rugged énoncés ci-dessus pour mieux suivre les inclassables propositions printanières et estivales d’Arpenteur, marque française particulièrement appréciée par ici. C’est en tout cas ce que nous avons fait de notre côté en nous appropriant quelques pièces de la nouvelle collection printemps / été 2023 du label lyonnais.

Les pièces portées et photographiées dans cet article ont été envoyées par la marque dans le cadre de notre collaboration au long cours. Bien d’autres encore ont été « malencontreusement » achetées lors de la traditionnelle braderie du printemps, les risques du métier…

Arpenteur SS23 : Réduire à l’essentiel, multiplier les influences

Cet article faisant suite à une présentation plus étoffée de la marque à l’occasion de sa dernière collection automne / hiver 2022, je ne peux que t’encourager à lire au moins les premières lignes avant d’aller plus loin si tu découvrais Arpenteur par hasard aujourd’hui !

Dans le cas où tu préfèrerais rester tranquillement ici, je m’occupe du contexte. Sache que le premier mot à retenir à de toute manière déjà été prononcé : inclassable. Un adjectif qui n’a l’air de rien et qui ressemblerait même, assez ironiquement, à une nouvelle tentative de généralisation de ma part. Mais qui a mon sens explique bien souvent la différence entre une marque « générique » et une marque sans véritable équivalence sur le marché. Qui laisserait un vide qu’on ne pourrait combler si elle venait à disparaitre.

Une distinction d’autant plus pertinente quand chaque pièce se doit de raconter quelque chose. Cet été, Lownn renie les aspérités du workwear en optant pour de la laine froide. Kaptain Sunshine adoucit son propos par du soft-tailoring. nanamica collectionne, comme d’habitude, les matières techniques au bord de mer. Peut-on parler de toutes ces belles marques sans les trahir ? S’inscrivant dans la même lignée, je pense qu’Arpenteur est très loin d’être seulement « une marque française ». Que ce n’est pas non plus que du made in France, ni du workwear. Qu’elle a beaucoup plus que cela à offrir.

Éclectique cohérence

C’est à dire du « produit », second mot important si l’on veut comprendre ce qui fait la singularité d’Arpenteur. Au-delà du goût pour l’artisanat, le savoir-faire, les tissus ou je ne sais quoi d’autre, il est difficile de ne pas remarquer l’obsession de Laurent Bourven et Marc Asseily pour le vêtement « en tant que tel ». Poser une question sur une matière, une coupe ou une ligne d’épaule est amplement suffisant. Et si le site est moins avare en packshots qu’en mots-clés et arguments marketing, les deux cousins sont quant à eux intarissables. Et il est probable que les grandes catégories de style, même quand elles sont pertinentes, ne soient jamais évoquées pour décrire leurs créations.

Découvrir la collection printemps / été 2023 du label, vaste ensemble de pièces aux inspirations très diverses, donne ainsi cette impression caractéristique de se trouver face à un « cohérent désordre ». Récurrent, le thème marin en toile de fond facilite l’approche. Les couleurs, aussi. Du blanc, du gris, des nuances de bleu, du noir. Une effusion de jaune, comme pour réveiller le tout. Pour le reste, il faut s’attacher aux détails et aux contrastes. Une veste de travail (ADN) pour les vacances, dans un coton lin flammé, slubby et délicat à la fois par sa légèreté. Une chemise épurée à manches courtes band collar (SQUARE) qui ne ferait pas tache dans un lookbook Still by hand. Un short à plis (ARPET) style track pants en maille, remplaçant avantageusement un molleton classique, qui côtoie un chino teint au pastel naturel (4 POCKET) à empiècements aux genoux à la work pants.

La collection Arpenteur printemps / été 2023 sur le terrain

Et tout cela fonctionne étonnamment bien. La patte Arpenteur neutralise les influences contraires et harmonise ce qui a toujours eu tendance à se mélanger, parvenant ainsi à faire de cet éclectisme un langage propre et authentique. Le minimalisme à juste dose met en valeur les silhouettes, le travail des coupes. Les vêtements donnent toujours cette impression de solidité et de préciosité à la fois, dans cet entre-deux que j’aime appeler « workwear– chic ». Les détails « signature » font parler les pièces entre elles. Le résultat est du « simple » qui n’est jamais fade, nourri par des influences incorporées à une esthétique singulière.

Ces qualités sont évidemment très appréciables au printemps. Surtout en été. Porter seulement un tee et un short n’est plus un problème. L’essence est là. Chaque pièce étant intéressante et polyvalente à la fois, elles invitent à sortir du vestiaire-type proposé. C’est aussi dans ce domaine qu’Arpenteur brille. Tous les labels cités plus haut ne l’ont pas été par hasard. En pensant le produit comme finalité, la marque donne à ses vêtements des potentialités stylistiques qui dépassent de loin les confins de ses lookbooks.

Profiter de l’outerwear Arpenteur jusqu’a la fin du printemps

Venons-en à la raison d’être de cet article : montrer des pièces in situ. Ce que je peux dire en préambule ayant moins d’importance que les vêtements, après tout. En commençant par ceux qui seront bientôt rangés au placard et qui attendront sagement la fin de la probable canicule à venir pour connaitre une nouvelle heure de gloire aux premières fraicheurs de l’automne. Pour le dire avec moins de mots : On a pioché dans l’outerwear.

Veste ADN

Mi-juin, je sais que l’idée seule donne chaud. C’est pourquoi nous avons opté pour trois pièces légères et faciles à porter pour te présenter la collection. Et réparer au passage une « erreur » volontairement commise l’hiver dernier : le choix de ne pas mettre en avant la work jacket « ADN ». L’idée était de ne surtout pas dépeindre à nouveau Arpenteur comme le chantre du vêtement de travail et du terroir dans un article français. Quelque peu injuste pour une pièce qui reste une grande réussite reconduite chaque année. Et loin d’être représentative du courant workwear premier degré option virilisme…

Citée plus haut, cette déclinaison estivale n’a en effet rien de l’ « armure » qu’on imagine tout de suite avec une descendante lointaine de la chore jacket. Certes, elle est couvrante. Mais elle n’est pas rigide, ni lourde. Le tissu, mélange de coton et de lin, est texturé. Mais il est légèrement transparent. La coupe est très confortable (drop shoulder, belle ampleur) et respire la décontraction. Seules les poches « cargo », larges et profondes, nous ramènent en terrain connu. Dans ce très bel écru qui complimente et contraste, et non pas dans un bleu indigo attendu, l’ADN jacket est une sorte de « nouvel archétype ». Une veste de travail émancipée de son histoire.

Veste EVO

Le printemps lyonnais, qui je le rappelle n’existe pas officieusement, nous a gracieusement offert un jour moins étouffant. Et si l’on regrette un peu le soleil, et que tout cela ne va définitivement pas aider mon bronzage (une autre légende), porter une veste n’était pas inimaginable en dehors de l’exercice de style. L’« EVO jacket », dans un oxford déperlant coton / nylon, s’est d’ailleurs révélée particulièrement utile pour passer à travers les gouttes. Une veste courte qui rappelle immédiatement le Harrington.

Mais sans la doublure tartan, bord élastique et toutes les connotations ivy, preppy et golf qui vont avec. Une très bonne chose. Arpenteur montrant une nouvelle fois comment créer du neuf à partir d’une forme surreprésentée. Et sans enfermer la pièce dans une case. Le col convertible (« boutonnable » pour créer un col montant) et le tissu juste assez technique pour servir en cas de besoin suffisent à rattacher la veste à l’univers sporstwear. Tout le reste ouvre le champ des possibles. Un tee qui dépasse et du stacking sur des sneakers, un pantalon taille haute et une paire de mocassins… Ça fonctionne.

Veste TRACK

Concluons cette catégorie printemps avec la veste « TRACK ». Ma préférée du lot, si je devais en choisir une. Une popover à demi-zip, col camionneur, et poche poitrine discrète. Sans oublier le cordon de serrage, pour éviter les bourrasques ou étager sa silhouette en laissant dépasser son t-shirt et créer un fit boxy. L’option choisie pour le shoot, la veste étant bien loose pour moi en XL. Une pièce que j’ai aimée au premier regard, qui m’a donné envie d’en acheter d’autres. Et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait. Elle a ce quelque chose de sporstwear minimaliste à la japonaise qui m’a amené vers une autre évidence : un pantalon noir à plis.

Je pense ici à du Comoli, du Lady White Co.. Du vêtement de sport qui ne demande qu’a être dressed up. En hiver, Arpenteur aurait probablement choisi une maille un peu extensible, une belle laine. Le seersucker fait ici la différence, apporte la rugosité nécessaire. J’ai tout à l’heure évoqué la passion commune de Marc et Laurent pour le produit et non pas pour le marketing. J’ai à ce propos une anecdote qui en dit long. La fiche produit indique que la veste TRACK est en mélange de coton et poly. En réalité, ce n’est pas du « polyester » commun. Mais du COOLMAX, beaucoup beaucoup plus cher et surtout pensé pour la performance. Ce qui n’est pas non plus indiqué sur une étiquette qui serait cousue à l’envers de la veste.

Les pièces Arpenteur à porter en priorité ce printemps / été 2023

Arpenteur, c’est cette anecdote toute simple glanée au hasard d’une discussion spontanée. Pas une marque qui va filmer ses usines pour nous vendre un pull qui va sauver l’industrie. Ou un savoir-faire exceptionnel. Pas du marketing de camelot qui vend la matière japonaise achetée à Première Vision avant la pièce. Il y a cette idée du vêtement en tant que « tout ». Quelque chose de contre-intuitif à l’heure de la transparence, de la segmentation, du moindre petit élément de la chaine de production qui est exploité, fantasmé, transformé en argument de vente. Ce qui nous amène à la spécialité de la marque et au « vestiaire d’été » avec les pièces en maille dite « Rachel »

Tee MARINIERE et débardeur ARIA

T-shirt, d’accord. Mais « maille » en coton ? Le doute est permis. Je tiens tout de suite à te rassurer, les deux lyonnais ne sont pas fous, ils ne proposent pas des camisoles à manches courtes pour l’été. Mais des tees et débardeurs dans une maille jetée particulière, qu’on appelle « Rachel » en référence aux vieux métiers à tisser qui servaient traditionnellement à fabriquer les vêtements de la Marine Nationale. Sans rentrer dans des détails superflus, la chose à savoir est que tu n’auras pas « plus chaud » qu’avec un autre tee en coton en jersey classique. C’est même plutôt le contraire, d’expérience.

La maille, tricotée en open weave (avec des interstices de vide), laisse passer l’air. Les coupes, comme toujours généreuses chez Arpenteur, t’évitent le coup de chaleur. Boras a choisi le modèle « MARINIERE » drop shoulder aux manches trois-quarts dans un très beau « stone blue ». Du loose pour jouer avec les volumes (de « vraies marinières » sont dispos pour les puristes). Tu as peut-être également vu passer le modèle « ARIA » sur Instagram. Un débardeur très simple (uni ou à rayures) qui apporte une nouvelle dimension à ta tenue, pensé pour faire du layering léger au dessus d’un tee ou d’une chemise à manches courtes.

Chemise CORAL

Que serait une collection printemps / été sans chemisette ? Cette pièce autrefois si ringarde que l’on retrouve absolument partout aujourd’hui. Le plus souvent à motifs, bien sûr. Arpenteur montre plus de courage en s’attaquant directement à l’origine du mal : la chemise de bureau en popeline qui a perdu ses manches, mais conservé sa cravate. Les chemises STEREO et SQUARE détournent chacune à leur manière cet univers qui prête à sourire. Une coupe boxy, pas mal de volume, une pince dans le dos, deux poches poitrine ou un col officier… La frontière est fine entre le kitsch et le minimalisme, elle n’est pas franchie.

Boras a choisi de son coté de privilégier la chemise CORAL, dans la même maille « Rachel » que les t-shirts. Une matière moins « lisse » qu’une popeline, tout de suite plus casual. Avec un col « marin » qui fait office de camp collar. Un drop shoulder. Et enfin, l’indispensable poche poitrine pour sa paire de solaires et la possibilité d’ouvrir les quelques boutons en nacre sur un débardeur pour affronter l’été paisiblement. Du blanc, du bleu marine, du bleu ciel, du jaune. Du jaune pour le tenant des lieux.

Short NAUTIC et Lunettes MOD 01

Et que serait une collection Arpenteur sans l’artiste de BD Régric, l’homme derrière l’identité visuelle si particulière de la marque ? Concluons en commençant par évoquer un instant le travail de l’adepte du style « ligne claire » (pense à Hergé, si tout ça ne te dit rien) via le nouveau motif « Atlantic wave camo ». La première fois qu’un de ses dessins pour la marque est imprimé en all over sur toute une série de pièces, les illustrations se limitant autrefois à du tee graphique, du hoodie, quelques tote bags. La démarche est ici poussée plus loin cette saison avec un camouflage pacifiste à la tiger stripes. Je trouve l’idée très intéressante et bien exécutée, avec un dessin qui n’est plus un simple gimmick, mais qui fait partie intégrante de la collection. Mention spéciale pour le « NAUTIC PANT », bien que Boras ait naturellement jeté son dévolu sur le short.

Les pantalons auraient d’ailleurs mérité d’avantage de mots. Le confortable « FOX » en coton-lin bleu nuit n’est pas loin de mon idéal « passe-partout » pour l’été. Le « 4 POCKET » teint au pastel, en particulier dans sa déclinaison bleu ciel, donne envie de voir la teinture naturelle évoluer avec le temps. L’exhaustivité demeurant un doux rêve, nous nous contenterons de terminer par de l’accessoire. Ou plutôt de l’indispensable, dans ce cas précis. Mise en avant dans notre sélection lunettes de soleil, l’offre d’Arpenteur en solaires est particulièrement intéressante si tu aimes l’esprit Jacques Marie Mage sans trop assumer le coté pimp qui va avec. De l’acétate épais, beaucoup de coloris très bien choisis, de la super came à un prix contenu. Et tes yeux sont protégés, par ailleurs. Une bonne excuse.

Où trouver la collection Arpenteur SS23 ?

J’espère que ce tour d’horizon t’aura plu et donné envie d’essayer la marque cet été ! Comme je l’ai toujours dit et comme je continue à le penser, c’est d’abord un label à rencontrer en vrai et des fringues à essayer. Ce qui est plutôt facile. Tu as juste à faire un tour sur le site officiel. Le meilleur endroit pour soutenir directement cette marque importante dans le paysage de la mode française. Et des mecs sympathiques et passionnés par ce qu’ils font.

Si tu es lyonnais, ou de passage à Lyon, je pense d’ailleurs ne pas me tromper en te disant qu’ils seraient heureux de prendre un peu de temps pour discuter !