Le Duffle Coat est un bien étrange manteau du vestiaire masculin canonique. Assez pour que l’adjectif « intemporel », déjà malhonnête par nature, pourrait sembler dans son cas particulièrement peu convainquant. Une pièce qui ne fait pas dans le minimalisme. Surchargée de détails, d’ornements, de ce qu’on appelle généralement du gimmick. Qui ont pourtant tous une raison d’être. C’est ce mélange paradoxal qui a fait tout son charme et sa longévité.
J’admets cependant n’avoir jamais eu grande affection (euphémisme) pour le duffle coat « contemporain ». Le déraciné, loin de ses origines marines, militaires ou même preppy. Une victime de plus du style fin années 2000, notamment du casual-chic. Comme le caban ou le trench cintré à épaulettes archétypal, porté avec un jean brut ou un pantalon skinny option accordéon sur une paire de sneakers chiantes ou des chaussures pointues. Mais ne nous attardons pas trop sur ces mauvais souvenirs, ces années sont (presque) derrière nous. C’est le propre de l’intemporel. Il revient sans cesse. Et parfois, en mieux.
Le Duffle Coat : un manteau utile avant tout
La recette est toujours la même : s’intéresser au passé pour comprendre ce que nous avons collectivement perdu en route. Le duffle coat « originel » se résume simplement, c’est un vêtement qui n’a pas d’autre vocation que d’être utile à son porteur. Une belle laine bien épaisse et dense, lourde comme une grosse couverture. Une ampleur caractéristique qui va de pair avec une absence totale de structure. Assez de longueur qui le différencie du caban et le rapproche du car coat. Une capuche volumineuse. Des poches plaquées. Des renforts aux épaules. Et surtout un système de boutonnage unique à base de cordes en chanvre et de gros boutons en bois ressemblant à des crocs.
Le nom duffle serait un anglicisme, désignant la laine rustique qui était utilisé dans la ville flamande de Duffel dès le XVIIème siècle. Notamment reconnue et appréciée pour son imperméabilité. Le plastique glorifié, vendu sous divers noms improbables, n’existait pas encore. On confectionnait ainsi des vêtements à l’usage des marins en tissant cette laine dont le gras, ou suint, n’a pas été ôté. Une barrière hydrophobe naturelle qu’on renforçait en enduisant le manteau d’une surcouche de graisse fluide. Ça sent (probablement) pas très bon, mais ça fonctionne.
De la Royal Navy britannique au monde civil
La véritable histoire du duffle coat débute de l’autre coté de la Manche, lorsqu’il est adopté par l’armée de Mer britannique pendant la seconde guerre mondiale. Sa coupe peu flatteuse (ou slouchy, si tu préfères) à l’avantage de convenir à tous les physiques, comme à tous les uniformes. La capuche est assez grande pour accommoder un chapeau ou une casquette. Les boutons peuvent être manipulés aisément, même avec des gants. Il devient de fait le manteau officiel de l’armée. Et l’on retient encore aujourd’hui le nom du militaire qui a fait du duffle coat sa signature : le Maréchal Montgomery, vétéran des deux guerres mondiales.
La trajectoire stylistique du duffle coat est donc très classique, en dépit de l’incongruité de la pièce. La fin de la seconde-guerre mondiale a vu les surplus militaires se remplir de vêtements que l’on considère aujourd’hui comme des intemporels. Le duffle coat ne fait pas exception, bien que son succès est à relativiser. Ce n’est qu’avec la création de Gloverall au début des années 50 que le manteau gagne grandement en popularité. Adieu la laine non-teinte, la capuche surdimensionnée, les boutons rustiques. La marque propose une palette de couleurs très impressionnante, des fermoirs en cuir et des boutons en corne véritable. Une laine double face doublé par un motif, généralement tartan. La coupe est également modernisée. À Paris l’institution de la mode britannique Old England distribue le modèle dès les années 50. Les jeunes s’emparent du manteau, en particulier les étudiants des universités lors des mouvances ivy et preppy.
Quelle marque pour un beau Duffle Coat pour homme ?
La fin de l’âge d’or du duffle coat, des années 50 à 70, a été naturellement suivie de retours en grâce réguliers. L’écriture de cette article n’est pas anodine : Il y a des signes qui ne trompent pas quant au statut actuel du duffle. Encore totalement absent des collections des marques qui nous intéressent il y a quelques années, on le trouve aujourd’hui un peu partout. Je te propose un petit tour des modèles qui m’ont définitivement réconcilié avec ce manteau atypique.
Le duffle coat classique
Avant de te montrer ce qui me fait vraiment vibrer je me dois de penser à tous ceux qui sont à la recherche de « l’original ». Ou qui n’ont simplement pas de budget à mettre dans un manteau que l’on peut difficilement qualifier de passe-partout. Mon premier conseil, comme d’habitude avec les pièces qui ont une histoire très longue (et d’autant plus en ce qui concerne les « ringardisées »), est de parcourir l’offre en seconde-main. Gloverall (marque dispo chez Monsieur Cam avec le code boras, en passant !), mais aussi Lodenfray, LL Bean, Brooks Brothers et Ralph Lauren qui sont de bonnes pistes pour commencer. Le plus important étant de faire attention aux coupes et à la composition. Du 100% laine a plus de chance d’avoir mieux résisté aux affres du temps. Pour un achat en neuf d’un duffle coat classique haut de gamme made in England il y a SEH Kelly et Invertère, distribuée chez Beige. Pense également au petit monde des marques japonaises qui font de la reproduction. The Real McCoys, Iron Heart, Buzz Rickson par exemple. Des labels qui proposent des duffle coats dans des laines extrêmement épaisses et lourdes (plus de 30 oz.).
Le duffle coat revisité
On peut légitimement penser qu’une pièce oubliée va connaitre un retour dans la mode masculine quand elle termine dans un shooting Drake’s, marque britannique qui a fait du soft-tailoring sa spécialité. Et ce malgré un duffle sorti à l’hiver 2022 un peu discutable, doté d’une étrange poche poitrine et ayant perdu sa capuche. J’ai été personnellement davantage séduit par le magnifique modèle loose de chez Kaptain Sunshine. Il y aussi Herill et Old Joe, bien plus récemment. Les fans de Jean Cocteau et son fameux duffle coat blanc (en laine casentino !) pourront trouver leur bonheur chez Berg and Berg. Ou Auralee, l’année dernière. Enfin, citons Eastlogue et Nigel Cabourn pour tous ceux qui veulent du military avec une touche de luxe.
Et pour les modeux…
Il y a véritablement quelque chose dans le duffle coat qui relève d’une étrangeté acceptée, normalisée. L’idée qu’il suffirait de pousser les curseurs un tout petit peu plus loin pour faire passer la pièce dans un autre monde, de faire oublier le style écolier et le cosplay Paddington. Voilà pourquoi cette dernière catégorie est ma préférée. Un coup d’oeil sur le duffle coat noir de chez Lemaire a immédiatement changé mon regard sur la pièce. Idem pour la très belle collaboration entre Gloverall et Engineered Garments. Ici le duffle noir oversize est doté de fentes latérales, à la manière d’une manteau Stein ou Coltesse. Our Legacy propose une version cropped. Needles, de l’extra-long avec une texture folle. Evan Kinori une laine d’un profond rouge pour son hooded coat qui s’approche de la parka. Voir tout cela m’enchante. Le retour du duffle coat dans le vestiaire homme est une bonne nouvelle. Et j’en suis le premier surpris.