La rédaction te propose dans le format Revue de mode un condensé d’inspirations pour bien démarrer la semaine : des marques, des artistes, artisans, actualités ou événements… En bref, des gens et des choses que nous aimons et que nous partageons ici car nous pensons qu’elles méritent d’être découvertes.
Heureux hasard, l’artisanat est à l’honneur pour ce trentième numéro de la revue. Des fringues et des oeuvres qui disent quelque chose de l’industrie de la mode, comme de notre approche personnelle.
Oliver Church laisse parler les matières
Qui malheureusement se voit souvent réduite à une accroche marketing vidée de son sens. Du type « Acheter moins, mais mieux ». Combien de marques ont employé ces mots pour survendre des produits sans âme ? Des vêtements qui sont parfois intrisinquément les mêmes que ceux du voisin. Hormis le zip en plus. Les deux centimètres en moins.
Lancée en 2020 à Paris, la micro-marque Oliver Church (d’abord Singular Garments, ensuite rebaptisée d’après le nom du fondateur) ne cherche pas à convaincre tous les hommes d’adopter une consommation pseudo-durable avec de grands discours. Le designer originaire de Nouvelle Zélande, passé par Garbstore et surtout Casey Casey, n’a d’ailleurs pas à coeur de faire de l’accessible. Ni de voir son projet grandir outre mesure. Il propose une vingtaine de pièces par mois, en made to order. Ce n’est pas beaucoup, mais impossible de faire plus.
Car une simple chemise nécessite au moins dix heures de travail. Tout est cousu à la main, par une seule personne. Il en est de même pour la découpe et la finition des cotons et lins vintage sourcés à Paris. Le résultat a du caractère, ce charme de l’imparfait à la Tender. Ce rendu froissé à la Sage de Cret. Mais la différence avec la grande majorité de ces marques qui cherchent à « produire de l’authentique » est qu’Oliver Church n’a pas besoin de vieillir ou user, artificiellement comme naturellement, ses matières. Tout est déjà là.
Si tu es un amateur d’Evan Kinori, je te conseille de t’intéresser à ce que le designer propose (les prix ne devraient pas te choquer). Oliver Church est à retrouver en wholesale chez Neighbour.
Lindzeanne, broderie conceptuelle
S’il fallait donner un thème à la revue du jour, ce serait peut être « mode à toucher avec les yeux ». Les quelques pièces brodées par l’artiste Lindzeanne, de son vrai nom Lindsey Gradolph, ne m’intéressent d’ailleurs pas vraiment en tant que vêtements. C’est un peu la même chose quand Kuon met à l’honneur le boro. L’objet en lui-même prend une valeur esthétique qui n’a plus grand chose à voir avec les questions de style.
Habitant au Japon et inspirée par l’artisanat traditionnel de son pays d’adoption (dont la philosophie du mottanai qui invite à ne pas gâcher ce qui peut avoir de la valeur d’une façon ou d’une autre… ), Lindzeanne pratique le freeform hand stitching. Facile, la comparaison avec l’art du sashiko s’arrête net à la première ligne irrégulière. Le travail de Lindsey sort du cadre. Il ne s’agit pas ici de rapiécer pour pouvoir continuer à porter son jean préféré. Mais de donner une nouvelle vie à des matières délaissées, pensée en dehors de toute fonction utilitaire.
Des créations abstraites à découvrir sur instagram. Et si cette petite recommandation parlera davantage aux amoureux de tissus qu’a tous les autres, pas d’inquiétude. La suite devrait mettre d’accord tout le monde.
L’avant-gardisme selon BODE
Oui, parler de BODE après avoir couvert plus de cent cinquante sujets est franchement criminel. Pour ma défense, je n’ai évidemment pas oublié de citer la marque new-yorkaise de luxe dans notre récent dossier à propos des influences indiennes sur le menswear. Ce qui, je l’admets, n’est pas à la hauteur de ce label phénomène lancé en 2016 par Emily Adams Bode, aidé par son mari Aaron Singh (du studio de design Green River Project).
Mais oublions un instant la hype palpable et les stars photographiées avec une chemise en crochet. Le contexte est important pour comprendre l’explosion actuelle de BODE. Un projet qui a sa naissance avait alors tout d’une petite marque de niche ambiance Arts and Crafts comme on peut en voir fleurir aujourd’hui tous les jours sur Instagram. Des pièces uniques, une sensibilité artistique, des matières deadstock récupérées ici ou là au service d’une production raisonnable.
Si rien de cet esprit DIY et upcycling ne semble très original au moment où j’écris ces lignes, faire porter une work jacket brodée et matelassée à un homme (des techniques aux connotations typiquement féminines) en 2016 était résolument avant-gardiste. L’usage de matériaux comme le crochet et la dentelle aussi, à l’instar du travail de Dashiel Brahmann. Au-delà de l’offre, unique à l’époque, BODE comprend déjà avant les autres que ce n’est pas la marque qui doit raconter une histoire. Mais le produit.
Bien que les tissus antiques (qui empêchaient évidemment tout scale-up) aient en grande partie laissé place à des reproductions indiennes, ce qui a fait le succès de BODE est toujours là. Chaque pièce porte une histoire personnelle, une technique du siècle dernier, un certain sentiment de nostalgie. Une invitation visuelle et tactile qui amène à un regard nouveau sur le vêtement. Bien sûr, c’est trop cher. Mais c’est aussi comme cela qu’un lien émotionnel se forme. À suivre, de loin, juste ici.
La marque freesize Sillage lance une ligne pour enfants
Petite parenthèse news avant d’embrayer sur le dernier sujet du jour ! Ou plutôt « parenthèse pour les petits », dans ce cas précis. La marque freesize Sillage, que tu devrais connaitre sur le bout des doigts, a en effet lancé début mai une nouvelle collection destinée aux enfants. Et disons le tout de suite, c’est très mignon.
Il faut dire que c’est le propre fils de Yuthanan, fondateur de la marque à suivre absolument si tu aimes les fringues amples, qui s’est prêté à l’exercice. La mention de ses mensurations sur les pages produits donnerait d’ailleurs envie de redéfinir les standards de la taille mannequin. Si j’ai toujours eu un peu de mal avec le concept de faire de son enfant un sapologue en devenir, je trouve la démarche adaptée à la philosophie Sillage et finalement bien cool.
Des versions miniatures du circular pant et de l’overshirt de l’essential collection. Avec des coupes généreuses, la même laine tropicale que pour les parents, et une gradation qui ne te donne pas l’impression d’avoir jeté ton argent par les fenêtres. Seul problème, il faut maintenant assumer et être sapé aussi bien que ton enfant. Tu peux retrouver la collection Sillage Kids sur le site officiel.
Hosoi Paris, maroquinerie d’exception
Pas question de perdre le fil rouge. On a commencé avec du fait-main hors de prix, on termine avec du fait-main hors de prix. D’ailleurs, c’est encore mieux que ça. Les pièces Oliver Church sont disponibles en ligne, le tarif est consultable. Les sacs Hosoi Paris s’achètent uniquement sur place ou lors d’un showroom. Et être à l’aise financièrement (ainsi que très patient) n’est pas une mauvaise idée s’il t’arrivait de tomber amoureux à la fin de cet article.
Non pas en admirant un portrait du créateur japonais Satoru Hosoi, qui tient plus à mettre en avant ses créations que sa personne malgré son statut de meilleur ouvrier de France et un passif chez Hermès, mais de quelques superbes modèles des sacs en cuir qu’il produit seul et à la main dans son atelier parisien. Une vingtaine par an, plus exactement. Et la liste d’attente est longue pour espérer toucher au graal de la maroquinerie : saddle-stitching, production des pièces métalliques en interne (!) et utilisation des plus beaux cuirs.
Ce qui ne vaudrait pas grand chose sans un bon sens du design. Bonne nouvelle, c’est (subjectivement) magnifique. Je te conseille la lecture du très bon article du blog Permanent Style si tu souhaites approfondir de ton coté. Et découvrir la fourchette tarifaire. Un artisan à suivre sur insta et à retrouver au 37B rue de Montreuil dans le 11ème arrondissement (contact en amont nécessaire pour accéder au showroom).
C’EST TOUT POUR AUJOURD’HUI…
Voila qui conclut cette salve d’inspirations de la semaine. Si tu apprécies le format et qu’il t’a donné envie d’en savoir plus, alors je te dis à la prochaine ! Tu peux retrouver tous les précédents numéros ici