« Washi » (Wa-Shi, littéralement « papier qui est japonais ») est le mot qui englobe tous les types de papiers fabriqués artisanalement au Japon depuis plus de mille ans. Un savoir-faire consacré au patrimoine mondiale de l’UNESCO que l’on retrouve parfois sur une fiche produit d’une belle marque japonaise de niche (ou d’un label occidental qui s’est perdu à Première Vision), quand il ne s’agit pas d’une traduction qui attise la curiosité. « Japanese paper », ou plus sobrement encore « paper », dans la composition d’un pull, d’une veste, d’un t-shirt. Un intrus qui côtoie les rassurants coton, soie et laine.
Wa-Shi
La production de washi dans les règles de l’art (à la main et sans utilisation de produits chimiques) est contraignante et chronophage. Fabriquer du papier japonais est un savoir-faire qui se transmet de génération en génération au sein de communautés rurales d’artisans. Chacune cultivant ses petits secrets de fabrication, adaptés aux caractéristiques singulières des plantes locales. Le murier à papier, le kozo, l’arbre gampi appellent par exemple à des ajustements, des approches différentes. Seule la technique « nagashizuki » est commune, proche du processus employé pour le papier fait main occidental. Une année entière est nécessaire pour passer de la récolte des matières premières au produit fini.
Ou plutôt aux nombreux et différents washi qui répondent tous à un but, à un usage précis. Variant en finesse, blancheur et rugosité. Les fibres très longues qui sont utilisées garantissent une grande souplesse et une résistance impressionnantes. Même quand le papier en question est le plus fin du monde, très demandé dans le domaine de la restauration d’art. Parler de washi ne dit donc pas grand chose du produit en lui-même, le mot pouvant désigner du papier rivalisant avec le plus beau papier industriel contemporain ou au contraire décrire une production plus « brute ». Il était par exemple d’usage pour les familles rurales japonaises de fabriquer leur propre washi rustique à partir de papier recyclé.
Estampes et art de la calligraphie, cloisons et portes traditionnelles, luminaires… La production artisanale de papier, bien que fortement concurrencée et progressivement remplacée par la production industrielle occidentale qui s’exporte au Japon dès le XIXème siècle, est encore à même de répondre à de nombreux usages. Culturels, religieux, artistiques. Ou plus pragmatiques. Tamiser une pièce. Protéger de la pluie. Se vêtir.
Shi-Fu
L’idée de fabriquer des vêtements avec du papier, particulièrement étonnante pour nous, n’est pas cependant pas nouvelle. L’emploi de fibres libériennes (fibres végétales extraites de l’écorce interne de certaines plantes) nous ramène à la Préhistoire. Des tissus composés de fibres extraites du chêne ont par exemple été retrouvés en Turquie et datés de neuf mille ans. Le lin, le chanvre, le ramie sont des plantes bien connues dont les fibres libériennes ont été utilisées pour l’habillement, la décoration, l’ameublement. Et particulièrement au Japon où le coton a été introduit tardivement. Où porter de la soie était réservé aux puissants.
Le washi tissé en fils s’impose naturellement comme une alternative accessible aux gens du peuple, à l’instar du khadi en Inde. On parle ainsi de shifu (ou kamiko) pour désigner tout vêtement qui a été tissé (ou tricoté) à partir de fils en papier japonais. Les plus beaux tissus sont fabriqués avec du washi spécialement conçu à cet usage. Les plus beaux habits (de cérémonie, des samurai) sont faits d’un mélange de fils de papier et de soie. Pour les moins fortunés, le papier recyclé à la main sert à concevoir les vêtements ou chiffons du quotidien. Illustrant bien les propriétés du papier japonais, les parapluies et vestes de pluie réalisés en washi imperméabilisé étaient la norme avant le développement des matières plastiques contemporaines.
Quelques marques pour essayer le washi cet été (ou cet hiver)
Intéressante à de nombreux égards, la longue tradition du washi dans le monde du vêtement perdure encore aujourd’hui. Il faut admettre que tous les ingrédients sont réunis. Une matière première produite à la main depuis des siècles, d’une manière qui peut rentrer dans les clous d’une mode « éco-responsable ». Un rendu visuel assez unique, avec souvent ce coté « craquant » et irrégulier particulièrement recherché par les amateurs de texture. Et des qualités qui rappellent la laine et le chanvre : le washi est très léger, ne retient pas les odeurs, sèche vite. Et ne se dissout pas dans l’eau, je te rassure. Comme tomber par hasard sur du washi sur l’étiquette de sa chemise reste assez rare, voici quelques marques qui « allient tradition et modernité ». Un lieu commun qui fonctionne plutôt bien ici.
Pour terminer cette introduction au papier japonais, je te laisse en compagnie de l’ami Boras qui a traité de son coté la question du washi denim avec son beau jean Hatski. Peut-être la matière qui te donnera envie de porter du denim brut en été ? Le rendu, loin du brillant cheap de la plupart des modèles en lin que l’on trouve habituellement sur le marché, mérite au moins le coup d’oeil.
N.B: la gamme « Kouzo » de Japan Blue comprend une série de pièces en washi denim, notre ami Monsieur Cam la solde en ce moment même à -30%. Et tu as 10% supplémentaire avec le code « boras« .