Aspesi – La non-exubérance italienne

Euh, Aspesi sur Borasification ? Bah oui. Peut-être penses-tu, à tort, qu’Aspesi est une de ces marques italiennes parmi tant d’autres un peu trop bon chic bon genre, voire glam-chic, rien à voir avec le street héritage et l’esthétique de Borasification.

Alors sur certains points tu n’as pas tort. D’abord c’est une marque. Là c’est bon. Et c’est italien. Là aussi c’est bon. Par contre, bon chic bon genre, ce n’est que partiellement juste. C’est vrai qu’on peut très bien s’habiller comme un gendre idéal avec du full Aspesi. Mais la vérité est ailleurs et avec Aspesi qui combine allègrement sartorial, outdoor, military et workwear, on peut aussi et surtout faire du killer street heritage.

Aspesi photo groupe 1
Crédit: Aspesi
Aspesi photo groupe 2
Crédit: Aspesi

Aspesi, l’histoire d’une rencontre

Premier contact, premier achat

Aussi loin que je puisse me souvenir, je crois que mon histoire d’amour avec Aspesi remonte à quelque chose comme 2015. Bon je fais comme si je m’en souvenais pas, en fait je suis allé vérifier dans les archives du forum de Bonne Gueule (eh ouais, internet n’oublie pas).

C’est arrivé par hasard, un mariage estival, à l’époque je n’avais ni l’envie vestimentaire ni le besoin professionnel d’avoir quoique ce soit que ce soit d’un poil sartorial-formel, bref, faut trouver quelque chose à y mettre à ce mariage, alors je me suis mis en quête d’un blazer léger.

Et au détour d’une boutique d’inspiration italienne à Zürich où je vivais, je tombe sur cette veste en lin khaki/sable, superbe, déstructurée, pleine de cette classe nonchalante italienne qui était tant désirée mais jusque-là désespérément élusive. Pas un graal, pas du tout puisque je ne savais même pas que j’aimerais les blazer (et je ferais un apprentissage douloureux de ce nouvel amour par la suite), mais une révélation.

Je la prends immédiatement (une ou deux tailles trop petites).

J’essaie aussi une chemise en denim délavé toute aussi magnifique, une coupe slim mais ni vulgaire ni agressive. Je me rends compte que c’est la même marque. Je prends la chemise.

Elle aussi trop petite.

Je suis amoureux.

Bien sûr, je décris là les émois du jeune boutonneux qui n’a encore qu’à peine trempé le biscuit. Fixation irrationnelle s’ensuit bien évidemment. J’aime Aspesi, je ne sais pas vraiment encore trop pourquoi, mais c’est la marque de ma vie et personne ne m’en fera démordre.

Aspesi Look Raf
Très petite

Un style qui se construit autour de la marque

Du coup je fais n’importe quoi (2 autres blazers suivront ce premier achat, un l’été suivant, un autre plusieurs hivers ensuite. Le second est parfaitement à ma taille, mais je ne le mets jamais, trop neutre. Le troisième est très beau, mais trop slim et surtout… de nouveau trop petit !).

Heureusement dans les n’importe quoi il y a de bons achats, notamment une chemise blanche d’été que je mets tout le temps… en été, et un chino beige qui, longtemps avant Boras, me fait voir (sans le comprendre) qu’une ouverture de cheville de plus de 17cm et de l’amplitude en général, c’est pas mal du tout.

Et puis entre-temps, j’ai mûri vestimentairement. Sur ce point, je suis clairement un lent développement (mon père ne m’a jamais appris, pas trop de modèles masculins dans la famille, tout ça). Et finalement… Aspesi est restée. Sauf que maintenant, je sais pourquoi, et je vais expliquer pourquoi, au travers d’une présentation de la marque.

Aspesi, l’élégance discrète de l’Italie du nord

Le parti pris du minimalisme – « Making a no-statement since 1969 »

Aspesi, c’est Milan (ou plutôt Legnano, près de Milan). C’est le Nord de l’Italie donc. Mais contrairement à beaucoup de marques italiennes, y compris de Lombardie, Aspesi, c’est aucun logo, c’est pas de strass ni paillettes, c’est tout le contraire. C’est du understated – tant et si bien que la marque clame « Making a no-statement since 1969 ». Alberto Aspesi fonde donc en 1969 sa chemiserie. Aujourd’hui, la marque se raconte comme s’inscrivant alors en opposition aux frasques de la haute couture notamment française de l’époque.

Bossant en communication, je sais bien qu’il y a beaucoup de « brand narrative » – donc du bullshit – dans ce genre de discours. J’ai du mal à imaginer un petit jeune de 25 ans qui fait ses chemises pour le client masculin de la classe moyenne dans la rue de Milan, s’inscrire en opposition à ce qui se passe dans les défilés à Paris pour mieux les lui vendre. Ça fait du sens dans les communiqués de presse rétrospectifs, beaucoup moins dans la réalité pour vendre au client à l’époque.

Je pense plutôt que la fondation (et l’ADN) de la marque repose sur l’opposition Nord/Sud en Italie. Avec un Nord post-industriel, bourgeois, et une Lombardie abritant une nouvelle classe moyenne, plus sobre que le Sud flamboyant, notamment les napolitains. Et donc un goût « nordiste » pour un vestiaire plus subtil, plus minimaliste, quitte à être plus chiant que son penchant sudiste.

Aspesi manteau femme
Typique – Crédit: Aspesi

Aspesi, une marque qui cultive sa différence

Autre élément distinctif de son histoire singulière, contrairement à Zegna, Cerruti ou Loro Piana, d’autres marques italiennes « nordistes », Aspesi n’a pas un « lanificio » de Biella au Piémont qui ancre ses origines. On est donc moins attaché une certaine tradition sartoriale, ce qui explique sans doute pourquoi, lorsqu’il a étendu sa gamme en dehors de ses chemises, Aspesi s’est inspiré d’univers autres que celui du costume : le militaire pour la fameuse Field Jacket, et surtout la montagne avec la down jacket.

Homme doudoune sans manches
Là aussi, typique – Crédit: Aspesi

Là aussi on souffre des tentatives de réinvention de l’histoire du service marketing de la marque aujourd’hui, qui essaie de présenter ce pilier du vestiaire d’Aspesi comme une révolution – alors que non, pas vraiment. Mais là où Alberto Aspesi est effectivement innovant, c’est que jusqu’à ce qu’il s’en empare à la fin des années 70, la doudoune est soit un vêtement de sport, soit un vêtement de confort intérieur, souvent large et surdimensionné. Aspesi en fait une veste slim, qui peut se porter à la montagne comme à la ville, tous les jours. Pareil pour la M65, qu’il cintre et qu’il coupe dans des matériaux modernes.

Raf Aspesi M65
Une M65 Aspesi

Aspesi, la recherche de l’intemporalité

Une sobriété qui vise juste

Aspesi, c’est tout sauf la marque vers laquelle on va pour obtenir un statut avant-gardiste. En fait, entre les mauvaises mains, ça peut faire ringard. Ma copine me fait souvent la remarque : « j’adore ce qu’ils font, mais j’ai l’impression que ça peut faire grand-mère ». Et c’est vrai. Mais c’est ce qui est fascinant avec Aspesi. Lors d’une visite au magasin d’usine de Legnano, je vois côte à côte deux types totalement différents – un petit japonais tout en volume, size-up, Paraboot Michael aux pieds, fatigue pants et chore jacket, et un grand italien longiligne, parfaitement slim-fitté, jean fuselé, mocassins, petit pull sur une chemise à carreaux – qui regardaient chacun la même pièce.

On peut reprendre les mots de Marco Zanini, collaborateur de la marque, qui dit « Aspesi makes things that look anonymous, but give you the reassuring feeling that you’re never dressed the wrong way » (Aspesi fait des choses qui peuvent sembler anonymes, mais qui vous donnent la sensation rassurante que vous n’êtes jamais mal habillé).

Parka Alcor
Tiens, une parka – by Alcor sur le forum

Mais une identité marquée malgré tout

Si l’on ajoute à tout ça une farouche volonté de sourcer des tissus qualitatifs mais relativement abordables, notamment du côté des chambrays japonais, ainsi qu’un positionnement d’une marque se voulant en dehors des tendances modeuses et donc « intemporelle », ce n’est pas sans rappeler une marque française qu’on adore détester.

A part qu’Aspesi, c’est donc plus de 50 ans de métier, 50 ans à chercher, tenter, refaire, et finalement mûrir une identité qui aujourd’hui est indubitable, malgré (ou plus probablement grâce) au manque de flashy ou de logos.

Alexdelyon Aspesi veste
Une belle veste – by AlexDeLyon du forum

Donc – pour qui ? J’ai envie de dire, pour plein de monde ! Comme base, Aspesi donne ce confort et cette discrète assurance à des types comme moi. Mais ça peut aussi servir d’appoint à des styles plus marqués, avec ce vestiaire rempli de pièces de base (et non pas basiques) comme les blazers, les surchemises, les chore jackets, les military jackets et j’en passe.

Eles aspesi forum
Ok j’avais dit que c’était pas flashy… Eles du forum

Le mot de la fin – Aspesi et moi

Moi quand je rentre dans le magasin d’usine de Legnano en Lombardie (où je me rends au moins 4 fois par an), je sais parfaitement où je suis. Pourtant, il n’y a aucune décoration. Rien. Pas un logo de la marque. Juste les vêtements, d’abord les femmes, ensuite les hommes. Et bien que les saisons changent, que les pièces ne sont jamais les mêmes, il y a cette constance, cette identité, ce savoir-faire. Ces pièces qui sont bien faites, bien coupées, qui s’inscrivent dans un vestiaire à l’éventail très large – sartorial, militaire, workwear, outdoor, sport – mais qui peut être combiné indistinctement presque les yeux fermés.

Raf à legano
Photo in situ à Legano

Et surtout, des pièces qui me correspondent à la perfection, moi le quasi quadragénaire, bien posé dans mon statut de classe moyenne, bourgeois éduqué mais pas intellectuel et n’aspirant en aucun cas à être une élite quelle qu’elle soit, bref, le bourgeois silencieux.

Le parfait client Aspesi – et voilà ce que ça donne si j’énumère ce qui est aujourd’hui la base de mon vestiaire:

5 chemises, 2 outerwears, 3 blazers, 1 pull, 2 polos, 1 chino, 1 jean et 1 maillot de bain.

Une marque pour ceux qui s’assument, mais en silence.

Silenzio
Crédit: Aspesi

Un style pointu et des conseils simples

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