Depuis bientôt 4 ans que l’aventure Borali est lancée, une question est souvent revenue parmi vous qui nous soutenez: pourquoi ne pas faire de précommande? Il est vrai que la (relative) lenteur à laquelle nous nous développons peut laisser penser que plus d’argent faciliterait les choses. Pourtant ce n’est pas si simple alors profitons de la sortir de notre French noragi jacket pour nous expliquer sur le sujet. Parce que jouer avec l’argent de ceux qui nous font confiance n’était pas une option, et bien nous a pris.
Itinéraire d’une noragi maudite
Pas le plus vendeur comme accroche pour lancer cette noragi française, c’est pourtant l’adjectif qui lui a collé à la peau pendant près de 3 ans au sein de l’équipe.
Je pars du principe qu’en 2023, si tu lis un article sur un blog, c’est que tu es un passionné et attends autre chose que de l’esbroufe marketing en guise de présentation produit.
En 2021, nous sortions notre veste noragi full Japan en denim coton et soie. Fabriquée par un japonais passionné de denim, travaillant seul dans son garage à Kojima, c’était une première pièce et un accomplissement incroyable pour nous.
Un vêtement que nous avions dessiné de A à Z, pensé dans le moindre détail, était monté sur des machines centenaires par un denim master qui ne parlait même pas anglais.
On pensait alors que sortir sa petite sœur française allait être une formalité. En effet, nous avions seulement fait légèrement évoluer le patron pour qu’elle soit plus large que nos précédentes. (Nous avions aussi loué notre design à Bonne Gueule pour notre collaboration).
Avec une coupe mis à jour et une toile développée exclusivement pour nous pour un passionné comme Manufacture Métis, ça ne pouvait que donner un truc super. En plus, nous avions l’aide de Christophe Lépine, le monsieur produit de Bleu de Paname et un ponte lorsque l’on parle made in France.
Malheureusement, la suite va être moins brillante et la malchance, couplée à des petites erreurs de part et d’autre, va nous mener à voir Borali au bord de la faillite.
Et là, tu es content de n’avoir fait aucune précommande. Parce que nous avons perdu toute notre mise.
Le goût et un coup d’oeil ne font pas l’expérience
Ni ne mettent à l’abri des aléas de la production.
En fait, c’est digne d’un mauvais scénario de comédie française (les mauvaises langues parleront de pléonasme).
Pour te résumer, quand tu ne fais pas des vêtements depuis un catalogue d’un atelier (le cas d’une majorité de marques proposant « le prix juste »), tu rallonges les étapes de création de ton vêtement et donc le risque d’avoir des couacs.
Comme je te le disais, cette noragi, nous l’avons dessinée. Ce n’est pas un patron que l’on a choisi dans le catalogue de l’atelier et au quel on a demandé une ou 2 modifications puis ajouté notre tissu. Nous avons d’abord du fournir le dossier technique avec l’ensemble des mesures et les éléments permettant de créer notre kimono revisité.
Voici les grandes étapes pour la production (après toute la partie création dans notre studio avec notre modéliste et Julien) :
- envoie du dossier technique, des calques par taille et des rouleaux de tissu à l’atelier
- l’atelier monte un premier prototype et nous l’envoie
- nous vérifions ce dernier
- de là, soit ce n’est NOK et on travaille avec l’atelier pour un nouveau proto jusqu’il soit conforme
- une fois OK, on entame la partie du délavage
- il faut alors tester 2 choses: la bonne nuance de délavage et le taux de rétrécissement du tissu
- comme pour le prototype design, on va réitérer cette étape jusqu’à obtenir le coloris souhaité aux bonnes mesures
- une fois OK, on lance la production
Voilà les grandes lignes et si ça parait simple comme ça, c’est bien là que 1000 et une erreurs peuvent arriver.
On peut être aussi bon que l’on veut sur le design, le sens des coupes ou les idées de style, on reste un rookie en production. Et ça se paie vite.
Une production entière sort sous-taillée
Alors oui, ça aura moins le mérite d’être comique, l’auto-proclamé représentant français du style upsize se retrouve avec 150 pièces sous-taillées.
Comment ça a pu se produire?
Et bien disons qu’un atelier qui monte tous les premiers prototypes sur une toile qui n’est pas celle que tu lui a faite livrer, ça fausse toutes les étapes que je t’ai listées ci-dessus.
De plus, avec Julien et moi qui bossions encore dans nos boulots respectifs, checkions tout ça tard le soir après nos journées de taf. Forcément, on loupe des choses. La toile que nous avons faite développer pour nous, c’était un coton / lin à 50/50. On ne l’avait vu qu’en coupon (sorte de bout carré de tissu de 5 ou 6cm de largeur).
Tellement accaparés à être certains que les volumes et détails de design étaient respectés, que l’on n’a pas fait gaffe que la toile n’était pas bonne sur les premiers protos pour valider la forme.
(en même temps, comment se douter qu’un atelier puisse faire une erreur pareil…)
Et une fois les tests de délavage enclenchés, idem, focus sur les nuances et le respect des mesures. Comme nous étions assistés par une équipe expérimentée, on n’y a même pensé.
Alors qu’en Christophe nous dit que l’atelier s’est planté sur le tissu depuis le début et qu’on relance une série de prototypes… On est surtout énervés par presque 8 mois de perdus. On valide la nouvelle série.
Mais il y aura un « mais » …Personne ne relance de test de lavage. Encore aujourd’hui, je ne sais pas où est survenu le couac. Reste que nous nous retrouvons avec une production de noragi qui perd presque 15% de sa longueur au délavage.
On ne peut pas les vendre, Borali a investi tout son argent dans le développement de la matière et le règlement de la moitié du coût de production.
Game Over!
Rebondir ou mourir
Bah voilà, je la tiens notre accroche marketing plaintive, très française pourrait dire Tony Parker.
(T’aimes le basket si tu as la réf).
Plus sérieusement, après 2 ans à trimer 7/7, Julien et moi sommes sur le point d’abandonner. Et crois moi, ce n’est pas facile de garder la face sur les réseaux sociaux quand ton projet est mort dans l’œuf et que tu ne sais pas comment tu vas faire.
Je te mentirais si je te disais que l’on a enchainé direct. « Il faut remonter sur le vélo toute de suite après la chute ». Ok c’est mignon sur le papier mais t’as perdu 15k€ que tu avais entièrement autofinancés avec les bijoux que tu faisais depuis 2 ans, tu as besoin d’un moment de répit.
Et pourtant, nous allons repartir au charbon, on va développer une ligne damaged de collier, valoriser d’une meilleure façon le savoir-faire de Julien et repartir de l’avant. Je nous réserve un Airbnb hors de paris avec notre modéliste Clément pour faire table-rase et préparer le futur.
C’est de ce weekend que va naître le jean Borali et tout ce qui arrive sur la prochaine année. On oublie la noragi, on regagne euro par euro et on pousse à fond nos idées.
Après tout, « ce qui ne te tue pas te rend plus fort »… on va bien en valider un d’adage à la fin!
On ne peut pas jeter une prod quand on a existé grâce à l’upcycling
En parallèle du développement du jean, la question de la noragi reviendra souvent entre Julien et moi.
« On a 150 pièces qui dorment, on ne peut pas les jeter ».
Alors on va réfléchir et tester des trucs… parfois saugrenus! Un parmi d’autres: découper la pièce au milieu pour ajouter du tissu et faire une sorte de patchwork.
On reviendra finalement à l’idée de départ: couper dans le gras.
En fait, notre noragi avait surtout rétréci en longueur et un peu en largeur. Toutes les tailles étaient faussées dès lors mais le vrai problème: elle n’allait plus qu’a des gens pas très grands. En gros sous les 180cm.
Julien et moi ne passons pas la barre des 177cm et c’est pas si mal quand on size-up. Seuls les bras jurent alors on ne va pas tergiverser, on coupe.
En réalité, la noragi manches 2/3 tiers devait être notre seconde pièce du genre à l’origine, c’est ce que je préférais porter dans mes noragi vintage.
Le vilain petit canard, toussa toussa…
Voilà comment est née cette veste noragi entièrement faite en France. Maudite dès la naissance et qui pourtant se révèle être une chouette pièce pour qui a la bonne taille.
En plus pour une fois, ce sont les gabarits loin de la taille mannequin qui seront favorisés.
Et, c’est peut être le point le plus cool, cette veste noragi va à merveille à une majorité de filles. L’épaule casse encore plus, la longueur n’est plus un problème et les manches 2/3 rendent vraiment bien.
Le seul hic est que nous n’avons pas une communauté de fille. J’aurais du être plus assidu au sport et montrer mes abdos sur les réseaux sociaux pour ça.
Alors en attendant que je me sculpte un corps de dieu grec et que j’appâte le chaland féminin sur Instagram, on va avoir besoin de toi. Tu es le seul prescripteur que nous ayons auprès de la gente féminine. Si tu peux en parler autour de toi, voire même l’offrir à ta nana / frangine / maman / grand-mère / collègue / meilleure amie / maitresse… GO!
Le style street heritage n’a pas de genre!
Les grandes lignes de cette noragi full France
L’histoire a été longue, je voulais te la partager sans filtre. Si elle nous a fait faire des cauchemars, nous en sommes plutôt fiers aujourd’hui.
Maintenant, la petite fiche technique de ce qu’il y a à retenir:
- veste noragi Borali full France car
- toile de denim indigo exclusive 50% lin / 50% coton tissée en France par Manufacture Métis
- cousue dans le nord de la France et délavée à Aubervilliers (littéralement une rue derrière mon appartement)
- coupe boxy et manches 2/3
- n’ira pas aux hommes de plus de 180cm, flattera une grande majorité de femmes
- d’ores et déjà disponible sur le site de Borali
Et parce que je ne voulais pas ce que ce soit l’argument premier, je me suis inspiré de Noah, la marque new-yorkaise. Elle avait vendu une pièce mal produite (coloris avec la mauvaise nuance de vert) 20% de moins en expliquant qu’elle ne voulait pas jeter un vêtement portable, même différent que celui imaginé.
Nous avons donc proposé notre noragi 120€ de moins que le prix prévu. L’idée est de retrouver un peu de la somme perdue et d’assumer le reste.
Ce drop est un premier test, nous avons retravaillé qu’une petite partie du stock. Si l’accueil est chaleureux, on fera le reste. On aura surement besoin d’un partenaire sur les petites tailles.
Borali continue plus que jamais, merci!
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