Pourquoi aime-t-on porter des hauts à drop shoulders ? L’importance des épaules dans la silhouette

Pour la sortie récente de nos pulls en collaboration avec nos amis de chez Nitto Knitwear inaugurant RepèreStore, notre boutique en ligne, nous nous sommes accordés sur une coupe avec un drop shoulder bien prononcé. Ou « épaule tombante », en bon français. Quelque chose d’assez inhabituel dans le paysage de la mode masculine « classique », que l’on retrouve plutôt chez les marques créatives et dans le vestiaire féminin. Mais pourquoi ce choix, au juste ? Que penser du raglan par exemple, un style de manche que l’on voit un peu partout en ce moment ?

Dans le prolongement de mon article fleuve sur le style oversize, je te propose aujourd’hui un rapide tour de la question si importante des épaules dans la mode homme.

Les épaules comme fondation de la silhouette

Il faut d’abord admettre que le goût majoritaire est en faveur des carrures larges chez les hommes. C’est à dire d’une taille (et de hanches) visuellement plus étroite que la ligne d’épaule. Certainement une évidence, mais l’enjeu majeur se trouve déjà ici. Dans notre perception la plus primaire de ce qu’est qu’un corps attractif, et donc du « beau », où il est toujours préférable d’avoir une morphologie (ou une silhouette, le cas échéant) plutôt en « V » qu’en « A ».

Deux visions, les mêmes attentes

Un canon esthétique commun qui se reflète évidemment dans la conception du vêtement comme extension de soi. Il suffit de prendre le costume formel classique en exemple. On donne traditionnellement aux épaules une structure qui va venir compenser les « imperfections », les « manquements ». Souvent du padding, c’est à dire un rembourrage supplémentaire qui modifie les proportions pour s’approcher au mieux de l’idéal du moment. L’idée sous-jacente d’une mode qui doit venir flatter, en soulignant et en corrigeant à la fois, le corps du porteur.

Bien sûr, il n’y a pas qu’une seule manière de penser le vêtement. Grossièrement, deux grandes visions cohabitent, s’opposent et se rejoignent. La première vise à mettre en valeur le corps en tant que tel, avec des coupes ajustées, slim, skinny. Des coutures qui suivent de près les lignes naturelles sans « tromper » le regard. La seconde vise à créer une silhouette alternative, virtuelle, surimposée. Où les véritables lignes du corps sont « floues », reconfigurées par des volumes expressifs et des « points d’ancrage » artificiels.

Faire la différence

Peu importe ton style, accorder une importance aux constructions d’épaules est capital si tu veux t’emparer des notions de silhouette et de proportions. L’avantage, c’est que la mode masculine n’est pas non plus très inventive en la matière. En laissant de coté les épaules rembourrées des manteaux à l’ancienne et des vestes de costumes à la power suit Armani, il ne reste finalement que deux ou trois grandes options sur le marché.

Une épaule tombante ?

Pour comprendre ce qu’on appelle « épaule tombante », il faut déjà s’accorder sur l’endroit où doit s’arrêter la couture en règle générale. La réponse la plus communément admise est celle d’un tombé sur l’acromion, nom barbare de l’os qui relie la clavicule à l’omoplate formant une petite bosse. Une épaule dite « tombante » se caractérise donc logiquement par une couture située plus bas que ce point précis. Un drop shoulder peut ainsi être très léger comme très prononcé. Plus la couture est basse, plus le tombé est fluide, la coupe confortable et les lignes indépendantes du corps.

Manche raglan (et marteau)

Très facile à reconnaitre, la manche dite « raglan » se caractérise par une absence totale de couture à l’épaule. Celle-ci rejoint directement l’encolure à partir de l’aisselle, formant une diagonale. Réputée comme étant plus confortable, elle est notamment présente sur les vêtements sporstwear comme les sweat-shirts vintage américains si appréciés des japonais. La manche raglan se retrouve également sur beaucoup de manteaux qui se veulent casual sans pour autant venir chasser sur les terres de l’oversize. La manche « marteau » ou saddle shoulders est une variante un peu plus rare qui troque la diagonale pour un angle droit.

Comprendre une marque par ses épaules

Avec tout ça dans un coin de la tête, il est aisé de comprendre la « philosophie » stylistique d’une marque à partir de ses choix en termes d’épaule. Une couture décalée ou inexistante indiquant la volonté de « brouiller » la morphologie du porteur, de casser des lignes franches. Prenons l’exemple de Stoffa, le superbe label américano-italien qui s’illustre dans un style tailoring décontracté. Ses costumes sont tous dotés d’une épaule légèrement tombante, presque sans padding.

Le résultat est naturel, et pose les bases d’un univers qui ne répond pas à des règles strictes. Idem pour les chemises, à la fois précieuses par leurs matières et leurs coloris et résolument casual par l’ampleur de leurs coupes. Enfin les mailles loose présentent des drop shoulders très prononcés alors que les manteaux optent pour du raglan. Une deuxième manière d’arrondir les angles et de dégager cette impression singulière de « mollesse » nonchalante.

Les avantages de l’épaule tombante en quelques lignes

Cette rapide description du vestiaire de Stoffa nous permet d’en venir à ce qui nous intéresse véritablement ici : toute épaule qui n’est pas dans les standards relève d’un choix stylistique fort, significatif. Il se joue ainsi dans ces coutures bien plus qu’une simple question de morphologie.

De l’oversize sans size-up

D’abord, on peut considérer une coupe avec un drop shoulder comme la transposition en amont de la logique du size up. Prendre une taille ou deux au-dessus de la sienne ayant en effet pour conséquence directe de décaler les coutures, créant de fait une épaule tombante. Le problème étant que le résultat est alors un peu aléatoire, notamment avec des longueurs de manches (et de largeur de col pour les mailles, chemises, tees…) qui finissent par être totalement disproportionnées.

Penser le vêtement à l’origine comme oversize avec un drop shoulder bien maitrisé permet de conserver l’esprit décontracté tout en évitant les imprécisions du « trop grand ». Pour en revenir au fil rouge de cet article, le choix de l’épaule tombante pour notre pull avec Nitto s’inscrit dans cette philosophie. Les manches ont été raccourcies et le rendu est toujours ample comme il le faut quand il est simplement choisi à sa taille habituelle. La manche raglan n’était ici pas judicieuse, car cette dernière fonctionne en réalité mieux sur des vêtements plutôt « ajustés » et convient à des physiques particuliers.

Mieux doser les proportions

Je me répète, mais s’habiller oversize ou simplement relaxed ne veut absolument pas dire ignorer toute notion de proportions et s’affranchir des canons esthétiques en place. Je pense au contraire que créer cette silhouette « alternative » dont je te parlais tout à l’heure est un peu plus délicat que de juste chercher à améliorer sa silhouette à coup de padding et de pièces à structure.

Et si tu as bien suivi, tu sais maintenant que réussir à donner une impression de « mollesse » sans se noyer dans ses fringues ou finir avec des volumes disgracieux passe avant tout par les épaules. Un drop shoulder contribue à élargir visuellement le haut du corps sans pour autant donner l’impression de porter une armure. Peu importe les volumes, les mêmes principes s’appliquent toujours !

Décoincer son style

Enfin, choisir l’épaule tombante me semble être une manière très simple et efficace de « décoincer » un style un peu trop propret, trop précis ou strict. Un petit quelque chose qui apporte du naturel, du moins calculé. Se donner une petite marge de manoeuvre avec une épaule légèrement tombante est toujours une assez bonne idée. Et je pense que cela vaut vraiment pour tous les styles, sans forcément tomber dans une inspiration streetwear ou la promotion de volumes très wide.

Une couture légèrement décalée peut faire toute la différence sur une pièce classique, en plus de te donner un peu de confort bienvenu. Penses-tu par exemple qu’un costume « Games » de chez Drake’s déchainerait autant les passions si son épaule n’était pas naturelle ? On ne peut pas dire pour autant que l’ensemble soit impossible à porter en contexte professionnel à cause de quelques centimètres et d’une absence de rembourrage…

Le mot de la fin

N’ayant volontairement pas abordé de front les questions de morphologie (quel type d’épaule convient mieux à quel physique…), je ne peux que t’encourager à expérimenter de ton coté ! L’épaule tombante étant à mon sens une solution qui fonctionne chez un grand nombre de personnes, en plus d’être très intéressante pour le coté effortless qu’elle apporte dans une tenue.