Matière estivale par excellence, le lin est peut-être ton meilleur ami au moment-même où j’écris ces lignes. Quand les températures dépassent les 25 degrés (ne parlons même pas des 35), le valeureux coton du quotidien retourne au placard pour quelques semaines. Pour fêter la canicule, je te propose ce petit guide stylistique et pratique afin que tu puisses mieux comprendre et porter le lin au quotidien.
Pourquoi porter le lin en été ?
Je ne vais pas te donner un cours magistral complet sur les propriétés thermiques du lin. Je ne pense pas qu’il soit réellement nécessaire d’aborder la question sous l’angle de la fiche technique quand on parle mode. Ce n’est pas non plus le lieu pour te faire le coup du documentaire Arte et de la « matière la plus vieille du monde ». Tu le sais, mais c’est toujours le stylisme qui passe au premier plan. Alors cette partie technique ira droit au but, avec des infos qui t’aideront concrètement dans tes choix.
L’intêret du lin quand il fait chaud
Je pense que tu es déjà en partie convaincu ! Si tu n’as jamais porté de lin, je vais simplement te résumer en trois points les principaux avantages de cette matière sur ses concurrentes.
- C’est un très bon isolant thermique, il retient la fraicheur quand il fait chaud et la chaleur quand il fait froid
- Il retient moins les odeurs que le coton
- Le lin est hydrophile : Il absorbe l’humidité, mais sèche beaucoup plus vite que le coton. Son touché sec permet un confort supérieur quand il fait très chaud.
Le lin, c’est donc un peu comme la laine. Certaines propriétés sont vraiment proches. C’est une matière qui n’est pas techniquement « moins chaude » que le coton à poids et épaisseur égale, mais qui dans la pratique te permet de rester au sec et in fine de moins transpirer. Tu évites la sensation humide et surtout les fringues moites qui ne sèchent pas et qui viennent te coller à la peau.
L’importance de choisir un lin de qualité
Mais sans vouloir faire le snob, je ne peux pas te vanter les qualités du lin sans poser quelques conditions au préalable. C’est une matière où la montée en gamme va être déterminante. Un mauvais lin risque de cumuler les inconvénients et te faire regretter très vite ton achat, alors qu’une belle matière approchera le confort d’un bon coton.
Eviter la fast-fashion (si possible)
Qu’on s’entende bien, il vaut quand même toujours mieux porter un lin pas terrible qu’un bon coton quand il fait plus de 30 degrés. Si tu n’as pas trop de budget, je n’ai pas de problème à te conseiller d’aller faire tour chez Uniqlo ou Muji. Mais dans le cas où les températures seraient plus clémentes, je ne vois pas d’avantage particulier à t’habiller avec du lin « de base ». Du coton pas cher aura toujours une meilleure apparence et un meilleur confort qu’un lin de mauvaise qualité.
Et ne te fais pas avoir. Les lins bas de gamme sont souvent traités chimiquement et vont te sembler brillants et doux au toucher en magasin. Même piège que pour le cachemire ! Si ce n’est pas cher, méfie toi. Tu risques de te retrouver avec une matière très rêche et qui froisse après les premiers lavages, quand les adoucissants et traitements utilisés en usine auront été éliminés du tissus. Un bon lin va au contraire continuer à s’adoucir et à s’assouplir lavage après lavage.
Les labels et les fournisseurs
Pour mieux t’y retrouver, il existe quelques labels qui sont gages d’une certaine qualité. En effet, les marques peu scrupuleuses s’engagent rarement dans la quête d’obtention d’un label. Tu connais peut être de nom le « Masters of linen » qu’on retrouve parfois sur certains fiches produits. Pour faire simple, c’est une mention qui garantit que le lin a été cultivé selon des normes européennes strictes : traçabilité, conditions de travail, pas d’OGM…
Au-delà du label, un bon indicateur, tu peux également t’intéresser un minimum au fournisseur quand l’information est disponible. Le lin « Masters of linen » d’Albini est utilisé par beaucoup de marques moyen de gamme en France. C’est mieux que la fast fashion, mais on est encore loin des lins de Solbiati (Loro Piana) ou d’un Thomas Mason. Tu peux également regarder la provenance. Le lin lourd irlandais utilisé par une marque comme SEH Kelly est reconnu pour ses grandes qualités.
Mais concrètement, comment reconnaître un bon lin sans se fier à un label ou à un nom prestigieux de fournisseur ? C’est assez simple. Il ne froissera pas vraiment, ne sera pas rêche… Paradoxalement, il ne ressemblera pas à du lin dans l’idée générale qu’on peut se faire de cette matière (c’est dire si on aime ses caractéristiques…). Un mauvais lin te gratte et froisse, alors qu’un bon lin se fait oublier à l’usage et se porte presque comme n’importe quel coton.
Les alternatives au lin ?
Le lin est donc loin d’être une matière parfaite. Elle vient avec son lot d’inconvénients, et certains peuvent te décourager complétement à la longue. Surtout si tu n’as jamais connu de lin de vraie bonne qualité. Alors voici quelques alternatives à considérer !
Les mélanges
Avant même de parler de matières qui peuvent remplacer le lin, tu peux t’intéresser aux mélanges (blends) qui ouvrent le champ des possibles. Si s’habiller en 100% lin peut donner des résultats hasardeux (pas beaucoup de tenue, ça froisse de partout…), ajouter 30 à 50% de coton te permet de combiner les avantages (facilité d’entretien, froisse moins, touché sec) en réduisant les points négatifs au minimum. Les mélanges avec de la soie sont également très intéressants. Parfois, on trouve 1 à 2% d’élasthanne. Une bonne manière d’apporter de l’élasticité et du confort.
Le chanvre (hemp) et le reste
Et si tu veux que je te conseille vraiment autre chose, alors c’est assez simple. Le chanvre, c’est le lin en mieux. J’aurais peut-être du écrire un article sur le chanvre, mais c’est une matière qui reste méconnue (elle ne s’utilise qu’en mélange ou presque, et c’est la « pureté » d’une matière qui fait vendre). Tu retrouves les mêmes avantages que le lin. Un touché bien sec et agréable, mais avec moins de plis et une meilleure tenue.
Quant à tout ce qui est ramie ou ortie, ce ne sont pas vraiment des matières plus intéressantes que le lin. C’est sûr que c’est stylé et exotique dans une fiche produit d’une marque obscure japonaise, mais ça ne va pas beaucoup plus loin que ça.
Le typewriter japonais est une sorte de popeline dense et légère, avec une main un peu craquante. C’est à la fois plus intéressant visuellement et moins chaud que le coton basique (surtout dans des mélanges chanvre / coton à la Evan Kinori). Tu peux enfin tomber sur des vêtements en lyocell pour l’été, une matière artificielle fabriquée à partir de l’eucalyptus. C’est un choix qui peut être assez pertinent, plus sec qu’un coton et plus doux qu’un lin. Un bon entre-deux.
Comment bien porter le lin ?
La partie technique terminée, on peut maintenant s’attaquer aux questions purement stylistiques qui s’imposent à toi quand tu choisis le lin. Ou plutôt quand le lin te choisis et t’aide à survivre un été de plus. Tout ce que je vais te dire ici sur le lin sera complémentaire de notre gros dossier sur le style en été où sont traités en détail les grands principes. Je t’invite à aller le consulter, si tu as encore un peu de temps devant toi !
La matière de la décontraction
Je ne t’apprends pas grande chose, le lin est unanimement reconnu comme une matière qui évoque la décontraction. C’est une connotation qui explique en partie l’absence d’une offre de vêtements en lin pour l’hiver, malgré toutes les bonnes raisons vues un peu plus haut (on y reviendra avant de conclure). C’est donc une matière qu’il faut porter avec un certain état d’esprit. Tes tenues doivent prendre en compte et intégrer ce coté assez nonchalant.
Du lin pour des pièces casual
Et le lin est un choix plus ou moins pertinent selon la typologie de la pièce. Je pense qu’il est à considérer si tu souhaites ajouter une touche encore plus décontractée à des pièces casual par nature. Un costume en lin oversize et déstructuré par exemple (si tu travailles dans un milieu type finance, il vaut mieux opter pour la laine froide ou un mélange laine / lin / soie).
Ou encore pour une veste type workwear ou une chemise ample. Quant au pantalon en lin, quelques détails soft-tailoring (pli marqué, pinces…) peuvent vraiment faire la différence dans une tenue d’été, surtout si tu ne peux pas porter le short au quotidien. Dernier conseil : va t’acheter des chaussettes en lin (Bresciani, Mazarin…), ça change la vie.
Ne pas en mettre partout non plus
Pour te donner quelques contre-exemples, je voudrais parler de pièces où le lin n’est pas forcément un bon choix. J’avais évoqué le jean en lin dans mon guide sur le denim, un concept qui était intéressant à citer dans le cadre de cet article. Mais concrètement, ce n’est pas une très bonne idée. Un jean doit être assez épais et lourd pour avoir un beau tombé. Le lin à épaisseur égale ne sera pas « moins chaud », mais froissera et surtout aura une brillance un peu hors-sujet. Idem pour la popover ou le smock en lin. Alors oui c’est peut-être très cool visuellement, mais bonne chance pour l’enfiler !
Savoir aimer le lin pour ce qu’il est
En dehors du choix des pièces, porter du lin implique de devoir composer avec ses caractéristiques, visuelles comme techniques.
La texture
Certaines lins ont un aspect assez « brut », avec des petits accrocs ou des marques qui peuvent être perçues comme des défauts. Ces lins d’apparence rustique peuvent donner une autre dimension à une tenue d’été simple ou minimaliste. Et c’est évidemment très bien aussi pour un style un peu rugged, workwear ou military par exemple, qui réclame de la texture.
Les plis
Surement le « défaut » qui peut en déranger beaucoup, surtout quand on parle style ! Le lin est une matière excessivement peu élastique. Tu ne peux donc pas échapper aux plis, même avec un lin de la meilleure qualité (il marquera cependant d’une manière plus subtile, moins vite et moins nettement). Ce n’est clairement pas une matière qui plait aux psychorigides. Si les plis te dérangent, je te dirais simplement d’éviter d’en porter ou te diriger vers les compositions mélangées. Personnellement, je trouve que cela apporte beaucoup de charme à une tenue. Surtout dans un esprit oversize et un peu « mou ».
La transparence
On y pense pas forcément tout de suite, mais le lin est une matière qui peut vite montrer beaucoup de transparence. Sur cette question, tout dépend du confort de chacun. L’avantage, c’est que tu ne risques pas de détonner en ce moment. La tendance va clairement dans ce sens, avec tous ces vêtements en crochet, ajourés ou brodés (voire en dentelle) dans les collections printemps-été. Pour éviter l’effet chemise de plage, tu peux choisir un lin plus foncé et plus lourd !
Peut-on porter le lin « hors-saison » ?
Dernier point avant de conclure ce petit guide sur le lin. Avec tout ce que j’ai pu te dire sur le sujet, il est légitime de se demander pourquoi on ne porterait pas plus de lin en dehors de l’été. Après tout, les draps en lin sont un bon exemple. Les propriétés isolantes de la matière en font une alternative à la laine plus intéressante visuellement que le coton. Mais nombre des vêtements en lin sont réalisés avec des tissages ouverts (open weave, interstices de vide dans le tissus), qui laissent passer la fraicheur et qui ne sont pas vraiment adaptés aux temps froids. Il y aussi toutes ces connotations dont on parlait tout à l’heure. Les plis en été, d’accord. En hiver, ce n’est plus vraiment la décontraction qui fait sens…
Porter du lin quand il fait froid, c’est donc presque faire une faute de goût par rapport au contexte dans l’imaginaire collectif. Le problème du confort se pose aussi. Pourquoi porter un lin un peu rêche quand tu peux simplement porter un velours ou un coton lourd ? Si le lin est une nécessité pour affronter les chaleurs, il est malheureusement vite oublié quand on ne juge plus avoir besoin de lui. D’un point de vue style, il est quand même dommage de se priver de tout ça. Alors je te conseille de faire un tour dans les collections des marques qui font du lin plus épais. SEH Kelly évidemment, mais aussi Lane45 ou encore Kestin. Cela te donnera peut-être envie de voir le lin autrement !
Le mot de la fin
Voila qui conclut cette petite « fiche matière » à la sauce Borasification. J’ai essayé de rendre cet article un peu plus utile pour toi que tout ce que l’on peut trouver sur internet, alors n’hésite pas à laisser un commentaire juste en-dessous si le concept, très novateur, te plais !
Pour plus d’articles et d’inspirations estivales, tu peux consulter notre rubrique sélection ainsi que nos cahiers de style.