Le moyen le plus simple de faire la différence entre un mac(kintosh raincoat) et un trench (coat) est par le choix du boutonnage. Simple pour le mac (single breasted), double pour le trench (double breasted). On considère généralement le boutonnage croisé comme très formel. Et donc le port du trench plus adéquat aux tenues tailoring ou soft-tailoring. Ceci expliquant l’omniprésence du mac sur le marché. Et la quasi-absence du trench classique, notamment dans le vestiaire masculin, victime collatérale d’un monde où le costume est maintenant à la marge. Où n’importe quel ensemble (veste et pantalon) coupé dans le même tissu est acceptable en guise d’ersatz. Où finir « trop habillé » pour l’occasion peut se pressentir dès le port de la chemise.
Le mac ou le manteau de pluie originel
Le mac hérite du nom de son inventeur, le chimiste Charles Macintosh. Car il s’agit d’une proposition technique en premier lieu, avant de désigner un modèle de manteau en particulier. Macintosh est l’un des premiers à élaborer un procédé industriel d’imperméabilisation via l’ajout de caoutchouc liquide (dissolu dans du naphta, mélange d’hydrocarbures) entre deux couches de tissu. Le brevet est déposé en 1823, bien avant l’invention de la vulcanisation en 1844 et de la démocratisation des vêtements en coton ciré par Barbour au début du 20ème siècle. Mackintosh, au bord de la faillite à la fin des années 90, est sauvée par le rachat de l’entreprise japonaise Yagi Tsusho en 2007. Aujourd’hui la matière signature, toujours du coton caoutchouté (ou bonded cotton), est produite au japon puis envoyée à l’usine écossaise de la marque, à Cumbernauld, où les imperméables sont montés, cousus, collés.
L’imperméable de tous les styles casual
Le mac coat d’aujourd’hui ressemble à un balmacaan léger. Ample, long, avec une épaule « raglan » ou « marteau ». Et préférablement dans un beau coton tissé serré (comme le Ventile). L’utilisation de matières plastiques (membranes) de qualité permet, dans le meilleur des cas, d’obtenir une plus grande résistance aux éléments (vent, pluie) sans trop sacrifier la respirabilité. C’est notamment le choix de la marque japonaise nanamica qui propose un mac en 100% polyester sur une base de 2L GORE-TEX. Une réinvention du manteau de pluie classique, autrefois à la pointe de la technologie, avec les matériaux avant-gardistes d’aujourd’hui. Les macs coats qui optent pour les plus belles matières naturelles n’échappent pas non plus aux traitements DWR (Durable Water Repellent).
Quelques boutons, un col classique, une couleur neutre. La simplicité du mac est un atout indéniable pour les marques peu créatives qui peuvent l’ajouter facilement au catalogue et le proposer au consommateur lambda sans toucher à grand chose. Souvent raccourci, à la manière du car coat (car conduire avec un manteau long, c’est chiant), et adapté aux volumes les plus conventionnels. Bien sûr c’est également vrai pour les marques qui ont une vision plus en phase avec la nôtre. Jouer sur les quelques paramètres à disposition pouvant transformer radicalement le propos. Une capuche et surtout une belle teinte chez De Bonne Facture. L’ajout de fentes latérales, d’un bavolet (sorte de cape dans le dos pour dévier la pluie) et d’une ceinture chez Coltesse. Un volume streetwear compatible chez mfpen.
Laisser une chance au trench ?
Le trench coat n’était à l’origine qu’un Mackintosh comme les autres. Ou plutôt, il était le mac « originel ». Pas de guerre de tranchées avant la première guerre mondiale, après tout. L’invention imparfaite de Charles Macintosh (les premiers imperméables sont des étuves qui ne sentent pas très bon et ont fâcheuse tendance à fondre au soleil) est reprise et améliorée dès les premières années par des marques qui sévissent encore aujourd’hui en friperie. Aquascutum (ou « bouclier d’eau », pour les latinistes) en 1853 par John Emary qui invente à son tour une matière imperméable réputée comme plus respirante. Et évidemment Thomas Burberry en 1856 avec la création de la gabardine des trench coats iconiques Burberry, un tissu d’armure sergé où chaque fil est ici enduit individuellement de latex. Une énième solution au grand problème qui nous obsède encore aujourd’hui : comment ne pas laisser passer l’eau sans soi-même se liquéfier.
Puis vient l’image d’Épinal du soldat et son trench. Un manteau maximaliste par nature, modèle d’inspiration formelle façonné par les besoins bien concrets du front. Boutonnage croisé, bavolet, storm flap sur la poitrine (empiècement de tissu superposé), épaulettes, ceinture, col à grands revers… Il peut ainsi sembler quelque peu « hors-sujet » dans le paysage de la mode actuelle. Connoté « élégance masculine pour les nuls », desservi par une décennie de marques casu-chic (à la Melinda Gloss) qui organisent sa domestication à l’ère du skinny et des silhouettes de l’impossible. Quelques marques font encore les choses bien, pourtant. S.E.H Kelly au Royaume-Uni et Cohérence au Japon sont deux dignes représentants du trench contemporain. Et pourraient convaincre ceux qui ont le vestiaire permettant d’assumer un tel manteau sans venir ternir encore davantage sa fragile réputation.
Maximalisme et tielocken
S’il fallait « sauver » le trench j’irais personnellement chercher des marques qui ne s’attachent pas aux traditions ou simplement qui proposent autre chose. Stein et Yoke par exemple, qui prennent le maximalisme non pas comme une tare, mais comme point de départ pour pousser le curseur encore plus loin. Et puis Comoli et Lemaire, pour les partisans de l’épure (relative). Deux marques qui reviennent aux origines pour nous débarrasser du superflu. Au tielocken, manteau militaire qui est l’ancêtre (et le contemporain) du trench de la première guerre mondiale. De quoi poser un regard nouveau sur une pièce tombée en désuétude, à l’instar du dufflecoat.