Un lundi sur deux, la rédaction te propose dans le format Revue de mode un condensé d’inspirations pour bien démarrer la semaine : des marques, des artistes, artisans, actualités ou événements… En bref, des gens et des choses que nous aimons et que nous partageons ici car nous pensons qu’elles méritent d’être découvertes.
Tu connais la formule, nouvelle semaine pour la Revue avec cinq sujets qui méritent quelques minutes de ton attention. Et un peu plus, si affinité.
Wythe pour un vestiaire contemporain aux racines westernwear
Débutons en « terrain connu » avec la jeune marque américaine Wythe. Car ce n’est étonnamment pas la première fois que je te présente ici des vêtements contemporains inspirés du style western. J’avais d’ailleurs choisi de commencer à explorer cette tendance de fond par un exemple très fort avec The Letters, un luxueux label japonais proposant un style cowboy « du futur ».
S’il est un peu plus sage et mesuré dans son approche, Peter Middleton, un ancien employé spécialisé dans les matières chez Ralph Lauren, fonde néanmoins Wythe en 2018 avec des ambitions similaires : « faire quelque chose de différent ». Non pas créer une énième marque heritage, mais bien chercher à instiller une fraicheur nouvelle au style americana classique. À l’instar de The Letters, le résultat n’est pas aisément réductible à des mots-clés. Du rodeowear et du workwear, certes. Mais aussi du preppy, du tailoring, du casual-chic.
Une chemise western en moleskine à boutons pression en nacre. Des chinos à pinces. De la chemise OCBD comme de la work shirt à carreaux. Du pull donegal bien rustique comme du shetland fait en Écosse pour une touche ivy… Un grand mélange des genres ! Car Wythe est à l’image de son fondateur, un homme qui grandit au Texas tout en vivant à New York. Là où le style western qu’il connait si bien (et qu’il associe à l’ancienne génération) se voit détourné, arraché de son contexte. Et in fine « mieux porté », loin des stéréotypes et des attendus.
Si l’idée d’une marque americana qui n’est ni japonaise ni tournée vers le passé t’enthousiasme, je te conseille donc de suivre Wythe avec attention. Elle est stockée chez No Man Walks Alone.
Une dixième collaboration entre Kaptain Sunshine et Goldwin pour ce printemps
Les marques à l’honneur pour cette parenthèse sont régulièrement citées sur le média. Le propos workwear-chic de Kaptain Sunshine lui octroie de nombreuses places de choix au sein de nos sélections. Quant à Goldwin, grand groupe japonais du milieu gorpcore et techwear, on ne peut pas parler de label de niche à découvrir.
Je souhaite donc moins te renseigner sur ces marques à l’occasion de leur dixième collaboration (!) que de mettre en avant une approche que je trouve particulièrement intéressante : l’introduction de matières techniques dans le monde du vêtement « formel ». Même s’il serait plutôt difficile de juger les cinq nouvelles pièces Kaptain Sunshine x Goldwin (dont deux outerwears et un short) selon les critères de l’élégance traditionnelle.
Il reste assez étonnant de tomber sur une veste croisée en PERTEX SHIELDAIR (matière nylon qui sèche très rapidement) composant un ensemble avec un pantalon ample à la taille élastiquée et aux poches en mesh. Des mots qui n’ont a priori rien à faire dans une même phrase. Une proposition hybride à rapprocher de ce que peut faire nanamica, autre marque spécialisée dans les costumes techniques et particulièrement adaptés à un climat japonais chaud et humide.
Des pièces réussies dans le genre, et qui pourraient peut-être convaincre certains de délaisser le fresco. Je te laisse aller voir tout ça sur le site de Kaptain Sunshine. Et de regarder le reste aussi, c’est vraiment une très belle marque.
Hender Scheme, de l’art ou des fringues ?
Du plagiat ou le meilleur des hommages ? Du luxe ou de l’artisanat ? Un tas de questions, aux réponses pas forcément contradictoires, peuvent légitimement se poser à la découverte de la singulière marque japonaise Hender Scheme, fondée en 2010 par Ryo Kashiwazaki. Un nom qui ne te dis surement rien, contrairement à ses produits les plus connus : ceux de la ligne « MIP » ou Manual Industrial Products. Des répliques haut de gamme en cuir au tannage végétal (sans traitement) des sneakers et souliers les plus reconnaissables du marché.
L’Air Jordan de Nike, la Chuck Taylor de Converse, la CVO de Vans, la GAT d’Adidas font parties de ces silhouettes si communes qui ont été retravaillées, et donc « copiées », par Hender Scheme. C’est à dire entièrement reconstruites à la main, à la manière de chaussures en cuir traditionnelles. Et ça, c’est assez fou. Car la sneaker est le modèle type du produit consommable et jetable par excellence, des chaussures qui se dégradent toutes seules dans leurs boites même quand elle ne sont pas portées. En faisant disparaitre le cheap en faveur du durable, chaque modèle est alors comme « sacralisé » et reconnu comme culturellement significatif.
Si je n’arrive pas à penser à de meilleurs objets de collection, ce n’est pourtant pas ce qui m’attire le plus chez Hender Scheme. Même si j’apprécie beaucoup le minimalisme des palettes de couleurs nude des paires encore « brutes », c’est l’évolution dans le temps vers un coloris caramel (après exposition au soleil et ports successifs) qui me déplait. Je trouve que le résultat est parfois un peu grossier, et finit ironiquement par ressembler de loin à ces paires imitation cuir qui pullulent dans les magasins bas de gammes.
Mais Hender Scheme c’est également des paires colorées et noires bien plus faciles à accorder. Ainsi que des fringues, et surtout de la maroquinerie qui porte à mon sens beaucoup mieux la patine. Je trouve en tout cas que la démarche de s’approprier les icônes du streetwear pour vendre de la très qualité tout à fait louable, et brillante. Une marque à absolument suivre, si ce n’est pas encore déjà fait.
Layering militaire pour la première collaboration Sacai x WTAPS
Justement, restons encore instant dans le monde du streetwear, et dans cette thématique sous-jacente de l’hybridité, avec une collaboration entre deux marques japonaises emblématiques qui se rencontrent pour une toute première fois : Sacai et WTAPS. Au programme : de l’esprit street-military et beaucoup (beaucoup) de layering.
Quatre pièces, deux chemises et deux pantalons, qui se basent sur la collection « MILL » de WTAPS. Une ligne qui réinvente le vêtement militaire en pensant jungle jackets, fatigue et cargo pants comme les pièces d’un uniforme épuré, utilitaire et oversize. Le terrain de jeu idéal pour Chitose Abe, designeuse de Sacai et ancienne pattern-maker pour Comme des Garçons. Tout se joue dans les détails : poche à la manche à la manière d’un bomber, col en velours comme sur une veste de travail, démultiplication des poches sur le cargo, étiquette cousue au fil blanc.
Si la collection capsule Sacai x WTAPS est exclusivement distribuée à Hello Sacai à Tokyo, le magasin ambulant de la marque de luxe, et qu’il fallait de toute manière participer à un tirage au sort pour avoir le droit de chopper une pièce, je pense qu’elle mérite le coup d’oeil. Mention spéciale pour le travail de stylisme d’Akio Hasegawa, passé par les magazines MONOCLE et Popeye.
Stein, minimalisme créatif intemporel
Et voilà le meilleur pour la fin ! Sans vouloir dénigrer les précédents sujets du jour, j’avoue avoir un penchant prononcé pour ce que propose Stein depuis quelques temps déjà. Un label japonais lancé en 2016 par Kiichirō Asakawa, gérant de la boutique Carol à Shibuya, qui s’inspire du minimalisme sans jamais faire du « simple ». Ce qui n’est honnêtement pas si facile à trouver, surtout au Japon où il devient difficile de dénombrer (et de différencier) toutes les marques qui se contentent de s’inspirer des vêtements les plus classiques du vestiaire masculin.
Stein est au contraire une marque expérimentale, se rapprochant par certains aspects d’un Yoke ou d’un Lownn pour prendre un exemple français. Les coupes sont oversize, volontairement « non-genrées ». Les coutures sont déplacées pour « arrondir » et casser les lignes, alors que l’ampleur générale gomme les distinctions. Les pièces les plus connotées masculines, comme la chemise formelle, « noient » leurs porteurs. Le trench-coat se dédouble, surchargé de boucles et de boutons, et vient masquer encore davantage les lignes originelles du corps.
Le layering se charge enfin de créer une silhouette alternative qu’il s’agit ensuite de modeler, de restructurer. Et c’est ici que la palette de couleurs entre en jeu, très réduite et maitrisée. Sans surprise, le noir et le gris prédominent, inscrivant paradoxalement les vêtements « modeux » de Stein dans une certaine forme d’intemporalité.
Si tu es en phase avec cette approche, je ne peux que te conseiller de t’intéresser aux défilés. En commençant par le dernier en date avec la collection automne-hiver 2023. Enfin, petite recommandation de compte instagram à suivre pour voir tout ça « en vrai » avec @drownedinreverb !
C’EST TOUT POUR AUJOURD’HUI…
Voila qui conclut cette salve d’inspirations de la semaine. Si tu apprécies le format et qu’il t’a donné envie d’en savoir plus, alors je te dis à lundi prochain !