Des années que je repousse la rédaction de cet article sur le style street heritage, une expression que tu as pu croiser maintes fois ici. Il est vrai que j’ai une fâcheuse tendance à repousser les travaux de fond: définir, lister…. Pourtant, s’il y a bien quelque chose qui appartient au média Borasification, c’est cette idée. Oui, plus qu’un style « cadré », le street heritage est un état d’esprit, une philosophie stylistique qui guide mes pas depuis des années. Et maintenant que des marques, instagramers et même des médias l’utilisent, il est temps de poser des mots et développer ce qu’il y a derrière. D’une expression lancée à l’instinct en interview à une philosophie vestimentaire ADN d’un média, voyons un peu ce que veut dire street heritage.
Style Street Heritage, à défaut d’avoir une case où rentrer
Avant de développer la philosophie, il est intéressant de remettre les choses dans leur contexte. En effet, j’ai toujours trouvé un peu présomptueux l’idée de s’auto-proclamer « inventeur » ou « créateur » d’un style. Et c’est vrai qu’en parlant de street heritage à tout va depuis des années, un lecteur qui prend le train en marche pourrait se dire « mais il s’est pris pour le Jésus du style le chevelu« .
En fait, il faut repartir au début de l’aventure Borasification, quand ça n’était encore qu’un micro-blog où les articles étaient avant tout du streetstyle. Autrement dit un max de photos, et peu de texte.
Nous sommes en 2014, Instagram n’a pas le visage actuel et les forums de mode de l’époque tombaient en désuétude. La création de ce blog n’avait pour seule vocation que de garder en vie un rapport aux vêtements que je n’avais trouvé que sur ces plateformes d’échange en fin de vie.
En effet, il suffit de regarder ce que faisaient les gros blogs médias de l’époque. Le style roi est avant tout bien slim, adepte de la chemise cintrée et du petit blazer. C’est une époque où le menswear « moderne » se développe.
On voit de plus en plus utilisés des clusters marketing de style comme casual chic, hipster, workwear, citadin & co… Ils posent des bases bien utiles pour un paquet de mecs qui se cherchent un style. À une époque où il n’y a pas grand chose.
Ni mieux ni moins bien, je suis à des années lumières de tout ça, tant dans l’approche du vêtement que dans l’exécution.
Alors quand arrive ma première interview pour une marketplace dont le nom ne me revient pas, je suis un peu perdu. Au fil des questions, je réalise que je suis étranger à ce petit monde qu’est la blogosphère mode francophone.
Mais une question va faire que toi et moi sommes là aujourd’hui:
Boras, comment définirais-tu ton style?
C’est au téléphone, je bégaie un peu. Je parle de mon amour du streetwear d’avant, quand il n’était pas cloisonné par le marketing, de mon attrait pour le workwear, les pièces militaires, les trucs d’avant, le Japon et le volume…Et là, bim, je sors de je ne sais où :
Street heritage, ouais mon style peut se définir comme street heritage
Longue introduction, on va maintenant voir ce qu’il y a derrière cette philosophie et pourquoi chacun peut s’y retrouver.
Street Heritage: un mix des styles workwear, military, streetwear, techwear, Ivy…
En fait, plus que mille mots, je vais utiliser un parallèle avec un mouvement culturel qui m’est cher: le hip hop.
Et plus particulièrement du rap, au travers du beatmaking et de ce que l’on appelle le sampling.
Produire quelque chose d’actuel en se servant d’un bout du passé.
Autrement dit, utiliser un vieux morceau de jazz, garder une rythmique, un instrument, mélanger le tout à d’autres bouts et créer quelque chose de nouveau. Un peu comme le fait Dj Premier, un style bien à lui qui reste inscrit dans les époques qu’il traverse.
Alors si je ne t’ai pas perdu avec cette comparaison musicale ciblée, je vais maintenant étayer en parlant uniquement chiffons.
La philosophie street heritage va être de piocher dans le passé et dans tous les styles pour accoucher de sa propre esthétique. Avec en fil rouge le confort. En gros le volume.
Heritage pour aller chercher dans les vestiaires workwear, military, outdoor mais aussi Ivy, preppy, ou parfois sarto…
Street pour streetwear, quand il était encore synonyme de style de rue, au sens des « gens qui arpentent le bitume, vivent ». Autrement dit des sous-cultures multiples, du hip hop au skate. On y retrouve un dénominateur commun: de la créativité et de la débrouille. Le vêtement est au service du lifestyle, pas l’inverse.
Pour le volume, c’est juste la continuité de ces approches relax / chill du vêtement, mélangé à un attrait pour le japon qui a commencé avec les mangas gamin pour se perpétuer avec les designers japonais et la notion de Ma.
Plus qu’un style, on peut parler de philosophie street heritage
Au final, je préfère parler de philosophie street heritage.
En effet, c’est moins réducteur et surtout cela traduit mieux la notion de mouvement de cette approche.
Un style « classique » est comme une langue morte, il n’évolue plus ou peu (juste ce qu’il faut pour vendre des nouveautés aux amateurs).
Prenons le style workwear. L’inspiration s’arrête à la moitié du siècle dernier. Les pièces restent les mêmes, les amateurs du genre, quand tu dézoomes, portent tous à peu près la même chose de la même façon.
(simple constat, il n’y aucune critique négative, c’est un style que j’apprécie)
Le street heritage, lui, se nourrit de tous les autres, de différents courants et le mélange à ce qui se fait à une époque donnée. Il est évolutif et laisse une grande liberté d’interprétation à chacun.
Il n’a pas de codes.
On va bien sûr retrouver des pièces et des façons de les porter qui symbolisent ce style. Je pense forcément au size-up ou à l’oversize, deux constantes de l’approche en matière de silhouette. Et pourtant, j’ai envie de te dire que l’on peut jouer les street héritiers même avec des coupes plus ajustées. Le layering est lui aussi au centre de l’esthétique.
Le socle reste le travail de la silhouette, elle doit être dynamique, agressive. On ne tombe ni dans le baggy ni la camisole de force.
En conclusion, ce qu’il faut retenir du style street heritage: c’est une philosophie qui te laisse libre.
Libre de jouer avec les vêtements et les accessoires, les couleurs et matières. Le mantra, c’est prendre du plaisir et vraiment s’amuser. Jouer avec le passé sans tomber dans le cosplay ni la dystopie stylistique.
Si en plongeant dans cette esthétique qui m’est chère, la frustration te gagne, c’est que tu te perds.
Ici, tu n’auras pas besoin d’un double décimètre pour voir où tombe l’épaule et le poignet de ta chemise. Ou encore de te sentir mal dans un jean neuf ni à l’étroit dans une veste.
Le street heritage, c’est la liberté de mouvement et d’esprit avec ses fringues. Mélanger les styles, les époques ou encore les influences géographiques et inscrire le résultat dans son époque.
Le tout avec une sorte de nonchalance maitrisée, apprécier le beau dans l’imparfait.
Les essentiels du style street heritage
Définir le style street heritage n’était pas chose aisée, lister les essentiels devient un casse-tête. Tu l’as compris, pouvoir piocher un peu partout démultiplie le champs des possibles.
On va retrouver des pièces classiques comme le jean, le t-shirt blanc, la chemise & le pantalon militaires, la veste de travail et tout ce qui pourrait composer un vestiaire plutôt casual en 2022.
La différence va se jouer sur le choix des coupes avec volume et dynamisme, mais aussi la façon de porter ou la recherche de détails. D’époque et fidèle à un original ou au contraire, une matière qui ramène la pièce dans notre quotidien. Ce sont aussi les nuances de couleurs et des savoir-faire singuliers qui vont amener une pièce ailleurs.
Essentiel ne veut pas dire basique, c’est aussi là que l’on va sortir les gilets de chasse, les chemises à motifs un peu fous ou les liners d’inspiration militaire. Vintage ou non d’ailleurs. Ici tu es libre, c’est aussi aller chercher des motifs osés et des couleurs comme le rose ou le violet.
Aux pieds, cela va de la work boots classique à la Paraboot Michael, de la sneakers OG à celle qui est inspirée des amérindiens. Et comment oublier la Clarks Wallabees?
Mais tout cela peut aussi se teinter de blazers en tweed et de mocassins ou beaux souliers pour jouer sur le coté Ivy.
La finalité, c’est qu’une fois que l’on a mélangé un peu de tout ça, on obtient un truc un peu unique. Chacun pourra le teinter de ses inspirations. Moi j’aime par exemple porter des noragi (kimono japonais de fermier) comme des motifs batik.
Une chose à ne pas oublier, les accessoires bien sûr. Cela va de la casquette de baseball, street ou artisanale au bonnet et au bob.
Enfin, les bijoux font partie intégrante de cette philosophie street heritage.
Tu n’es pas obligé d’en porter des tonnes comme j’aime le faire, bien sûr! En revanche, un bracelet vintage en argent bien senti, un bijoutier actuel qui nous parle, une geekerie venue du Japon, des bouts de tissus magnifiés, et bien d’autres… C’est le vrai plus d’un look. Les associations les plus simples prennent une autre ampleur une fois habillées de bijoux.
Retiens que tu peux piocher dans le vintage comme dans les marques classiques, de reproduction ou de créateurs, c’est toi qui donnera le sens que tu veux à chaque pièce avec tes looks.
Le style Street heritage en quelques looks
Cette présentation du style street heritage touche à sa fin et je ne vais pas te laisser vaquer à des occupations sans te proposer des tenues typiques du genre.
J’ai partagé des centaines de looks ces dernières années, l’écrasante majorité symbolise cette philosophie. Je t’invite donc bien sûr à jeter un œil sur Instagram ou encore nos analyses de look et notre Cahier de styles.
J’ai tenté de « résumer » en quelques tenues le style street heritage (malgré tout non exhaustif):
En résumé
Parce que j’ai beaucoup écrit et que le concept est au final simple, voici ce que l’on peut retenir de la définition de street heritage:
- plus qu’un style, une philosophie
- qui puise son esthétique dans les vêtements du passé
- avec une silhouette actuelle en volume et dynamique
- le socle reste le vestiaire workwear et military
- mixé à du sportswear, outdoor, Ivy/preppy, techwear et même sartorial
- une liberté créative propre au streetwear des années 80/90
- avec une influence japonaise (volume, artisanat, bijoux…)
Cet article est une base de ce que peut être le style street heritage. Simplement, garde à l’esprit que ta lecture et ton interprétation ne mèneront pas forcément à des tenues similaires à ce que tu peux voir sur notre site.
Le but est justement de te donner les clés pour faire ton propre chemin.
#streetheritage
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