« Le pantalon est la pièce qui conditionne la réussite d’une tenue estivale ». Voilà maintenant une poignée d’articles où je m’efforce à faire passer le message, sans pour autant montrer l’exemple. Il était donc grand temps de bricoler un shooting maison et d’en profiter pour approfondir un peu. Et c’est avec l’aide d’Aïdama, jeune marque française freesize que nous accompagnons depuis ses débuts, que je vais me prêter aujourd’hui à l’exercice.
NB: Aïdama est une marque amie du média. Les deux pièces portées dans cet article ont été envoyées à ma demande. Merci !
Deux valent mieux qu’un
Pourquoi Aïdama ? Car l’idée même d’écrire ce petit sujet m’est venue en découvrant la collection printemps / été 2024 de l’ami Joachim, le fondateur. Le pantalon droit, nouvelle pièce au catalogue (retravaillée, pour être exact) m’a immédiatement accroché l’oeil. Si tu es familier du travail de la marque peut-être devines-tu déjà les raisons de mon intérêt renouvelé. Car on ne peut pas vraiment dire que je sois le « client type ». Mon vestiaire laisse une grande place à l’ampleur, certes. Mais rien qui ne s’approcherait d’une vision pleinement cohérente avec la coupe la plus représentative de ce que propose Aïdama. Le pantalon « circulaire » et sa rondeur qui invite à ne plus jamais compter les centimètres. Celui que j’avais essayé de dompter à l’occasion de mon premier article sur la marque.
Mais voilà, tout a changé ! D’accord, c’est un poil sensationnaliste. Je veux simplement que les plus réfractaires au style freesize comprennent qu’un petit pas a été effectué dans leur direction générale. On ne parle absolument pas d’une proposition de pantalon classique, soyons clairs. Mais les signes d’une ouverture à un plus grand public sont là. La nouvelle version du pantalon droit gagne une pince qui fait la différence. Et même deux ! Il faut cependant être assez mince pour tirer pleinement profit du système d’attache (des lanières qui coulissent et viennent resserrer la taille via deux boutons de chaque coté, pinçant le tissus et formant la seconde pince) se substituant à la controversée ceinture « gurkha », signature de la marque. Un deuxième argument de poids. Le dernier ? Ces pantalons sont noirs. Une couleur (réclamée) qui a connu une apparition relativement tardive dans les collections d’Aïdama.
La coupe et la matière avant tout le reste
Porter du noir en été n’est pas une évidence. C’est même contre-intuitif. Avec cette idée, jamais remise en question, qu’un vêtement de couleur sombre donnerait plus chaud qu’un vêtement clair ou blanc. Mon avis est qu’il est paresseux de se focaliser sur une couleur plutôt que sur une matière, un tissage, un grammage. Et qu’il serait bien dommage de se priver par ignorance d’une teinte qui prend toute sa force sous un soleil de plomb. Les matières choisies par Joachim pour ces deux pantalons sont belles et estivales à la fois. Un coton / washi (le papier japonais) très dense, sec, léger et qui froisse étonnamment peu. Et un mélange de laine et lin fluide, texturé et lourd, qui laisse toutefois passer l’air. Deux matières italiennes de qualité, qui ont quelque chose à raconter, une nouvelle fois piochées chez Nona Source. La plateforme lancée par le groupe LVMH qui permet à n’importe qui, ou presque, de se fournir dans les stocks de tissus non utilisés par les acteurs du luxe.
La volonté avec ce pantalon à la forme moins « exotique » était de créer une pièce plus accessible, plus immédiate. C’est pour moi une grande réussite qui pourrait convertir beaucoup d’incertains. Enfin, le choix habituel de décliner la coupe en deux matières (et une troisième pour le modèle beige qui ne nous intéresse pas aujourd’hui) permet de démultiplier les possibilités stylistiques à partir d’une seule et même base. Et il ne s’agit pas simplement de le dire, mais de le prouver.
Deux pantalons noirs pour deux approches du style oversize
J’ai choisi pour le bien de ma démonstration de favoriser deux grandes approches. Avec bien sûr une idée commune : partir du pantalon comme fondation. Chacun son truc, mais je suis de ce coté là un fervent partisan de l’école borassienne. Accorder l’ensemble aux volumes du pantalon est une recette éprouvée. Deux approches donc. Celle de la structure, de la netteté. Et celle qui s’embarrasse moins des sacro-saints points d’ancrage.
Cerner les volumes
Mais respectons les règles, avant de les bafouer. L’idée avec les fringues oversize est généralement de faire en sorte que tout reste « maitrisé », du début à la fin. Car la frontière entre le trop grand, le débraillé et l’harmonieux est mince. Je peux déjà affirmer que la déclinaison coton / washi est un allié de poids dans cette entreprise de « dressage » de l’ampleur. J’ai rarement vu un pantalon léger tomber aussi net, aussi droit. Une solide structure qui réclame des pièces de la même trempe. MHL, Studio Nicholson, Tricker’s. Voilà trois noms qui rassurent, qui ne laissent que peu de place à l’improvisation.
Je commence par marquer ma taille avec mon épais t-shirt oversize MHL. Sa ligne horizontale peinte en noire accentue visuellement la largeur de mes épaules, comme un clin d’oeil a cette silhouette déjà coupée au scalpel. Le pantalon Aïdama, légèrement cropped, me permet de laisser respirer mes chevilles. Un deuxième point de repère qui arrête brusquement le volume dans sa course, lui-même domestiqué par ces pinces qui dynamisent la ligne de jambe. Ma paire de derbies joue son rôle habituel. Tout en rondeur elle apaise un impressionnant leg opening qui jamais ne vient brouiller les lignes.
Éloge de la fausse modestie
C’est déjà pas mal, non ? Pas besoin d’en faire trop, après tout il fait chaud. Quelques accessoires, peut-être. J’ai quand même une idée, pour aller plus loin. J’ajoute à cette bonne base ma veste de costume Studio Nicholson « Conde », dont les lignes ont été travaillées pour accommoder le très ample pantalon « Sorte » de la même marque. Ses manches plus courtes, d’ordinaire utiles pour laisser dépasser sa chemise, sont parfaites ici pour dévoiler mes poignets. Ainsi la silhouette, inhabituelle, est pourtant lisible immédiatement. C’est la force de la rigueur, celle de conformer l’étrange. De fondre le modeux dans le décor.
Embrasser l’imperfection
Si le modèle en coton / washi m’évoque des contours à la Studio Nicholson ou à la Evan Kinori, son faux jumeau est moins sage. Ce dernier n’invitant certainement pas à lisser son rapport au monde. Avec ce quelque chose d’opulent, de joueur dans ce drapé, dans cette matière dansante qui semble agir à sa guise. On ne pourrait contraindre ce luxueux tissu, parcouru de charmantes irrégularités, à s’entendre avec d’austères marques anglaises : Officine Générale, Cale et Dries Van Noten sont les invités privilégiés à ce festin de textures.
Car il faut bien répondre à ce pantalon qui donne le ton. L’erreur serait certainement d’en faire moins, de ne pas assumer jusqu’au bout. Si ma première tenue fonctionnait par une logique d’ensemble, j’ai ainsi voulu pour ce deuxième essai que chaque pièce raconte quelque chose individuellement. Que ce qui est d’ordinaire lisse et sans histoire vienne ici chatouiller la rétine. Une chemise blanche à manches courtes de chez Officine Générale, mais arpentée de fines broderies. Des mocassins souples et ronds de chez Dries Van Noten, mais dans un cuir grainé qui ne permet pas au pantalon de les assimiler tout à fait. Et puis ma veste Cale, superbe marque japonaise de niche, et son lin craquant qui retravaille de manière artisanale, rugueuse, le micro-motif vichy.
Réinventer sa silhouette
Chaque pièce se détache alors de l’ensemble, créant une silhouette alternative aux points de repères trompeurs. Tout est un peu grand, tout favorise l’imprécision. Une autre verticalité est à l’oeuvre. Les épaules tombantes amènent aux coudes. Les pinces, qui cadraient pourtant un peu plus tôt une silhouette structurée, nous précipitent maintenant vers des chaussures qui se laissent, de temps à autre, lascivement dévorer. La veste-chemise Cale, ample, longue et couvrante, d’un seul bouton vient diviser la silhouette en deux. Avec ce petit truc désuet à la Adret, une anomalie à l’heure des pantalons portés très hauts et de l’hégémonie des bustes courts.
Le mot de la fin
Mon petit exercice de style touche à sa fin. Et c’est peut-être pour le mieux, maintenant que l’été lyonnais commence véritablement et qu’empiler les couches, même chez soi, est une épreuve quotidienne. J’aimerais tout de même exprimer un petit regret, avant de conclure. Les passants de ceinture traditionnels manquent à l’appel sur ces nouveaux pantalons. Ce n’est pas grand chose, mais c’est à garder en tête. Je pense que la version lin / laine aurait pu encore gagner en polyvalence dans le registre modeux un peu habillé que j’affectionne.
J’espère en tout cas t’avoir apporté un peu d’inspiration. Et t’avoir convaincu de l’importance du pantalon, même en été. Tu peux retrouver les pantalons droits et l’ensemble de la collection Aïdama printemps / été 2024 sur le site officiel de la marque. Et si mes expérimentations t’ont donné envie d’essayer à ton tour, n’hésite pas à envoyer un petit message à Joachim sur insta. Je suis sûr qu’il sera ravi de te recevoir.