« C’est quand même un peu tôt pour nous parler de cachemire ». Si c’est ce que tu viens de penser à l’instant, sache que cela me vexe un peu. Borasification, ce n’est pas cette grande surface dans la zone industrielle la plus proche de chez toi. On ne passe pas de la rentrée des classes aux sapins de Noël, option foire aux vins. D’ailleurs notre marque de fabrique c’est plutôt d’être en retard… Mais tu lis quand même ces lignes. Alors, tu es d’emblée pardonné. Et peu importe si tu as oublié les mots de mon premier article consacré au cachemire. Deux ans plus tard mon avis n’a pas changé. Je t’en conseille donc la (re)lecture, notamment pour les marques qui sont citées. Pour tous les autres, voici l’essentiel à retenir : rien ne vaut un pull en cachemire, trois saisons sur quatre. Confortable en intérieur surchauffé comme sous les assauts répétés d’un vent hivernal.
Si mes mots ne suffisent pas à te convaincre, chose naturellement difficile à concevoir, tu trouveras ci-dessous quelques arguments supplémentaires pour t’encourager à essayer de ton coté. Puis à revenir me dire merci.
Quelques pulls en cachemire pour déjà se réjouir du froid à venir
Et sans jamais tomber dans l’excès de classicisme, comme d’habitude. Ou se retrouver avec des pulls mal coupés, inintéressants ou simplement moches qui n’ont que comme seul mérite de voir figurer « cachemire » sur la fiche produit. Ce n’est pas notre domaine. Dépenser beaucoup, certes avoir chaud, mais ne ressembler à rien (ou dans le meilleur des cas à un mannequin Atlas for Men) n’est pas un projet de vie auquel nous adhérons.
Malheureusement le marché du pull en cachemire accessible fait peine à voir. Et pourrait laisser penser que les mailles qui n’ont pas grand chose à raconter ont du mérite. Du cachemire à peine plus doux que du mérinos. Des pulls fins, superwashed (pour que le quidam moyen ne jette pas son argent par la fenêtre à la première machine) ou qui se font passer pour ce qu’ils ne sont pas. Parfaits, par exemple, en dépit de l’utilisation de fibres recyclées qui ne convaincront que les anciens amateurs d’acrylique et de laine d’agneau bas de gamme.
COS, une référence pour des mailles originales et abordables
Alors où chercher un pull en cachemire de qualité, si possible avec une coupe travaillée, et qui ne soit pas trop cher ? COS est à mon avis l’une des adresses à surveiller de près. Je le disais déjà il y a deux ans et je pense que c’est encore plus vrai aujourd’hui. Les collections automne / hiver laissent toujours une grande place au cachemire. Oui les prix sont plus élevés que chez les acteurs de l’entrée de gamme. Mais c’est une bonne chose. Un cachemire pas cher est une aberration. Autant du point de vue de la qualité et du style que du bien-être animal. COS, qui utilise du cachemire sous le label « The Good Cashmere Standard », fait preuve d’un effort de transparence bienvenue dans un secteur où la course aux prix fait souvent oublier tout le reste.
Et surtout d’une créativité rafraichissante dans cette gamme de prix. Par exemple, ci-dessus, ce pull oversize en maille « pointelle » dans un coloris beige polyvalent. Lourd et épais, parfait pour faire mentir ceux qui trouvent que les mailles ne sont pas des pièces très intéressantes visuellement en hiver. Avec ce point de tricot ajouré qu’on retrouve le plus souvent dans le vestiaire féminin. Un vestiaire qu’il serait dommage d’ignorer, justement. Si tu n’es pas trop grand ou imposant je pense que s’intéresser à la collection COS femme est la seconde très bonne idée du jour. J’ai sélectionné pour toi deux modèles prometteurs, mais je te conseille d’aller jeter un oeil aux rayons homme et femme par toi-même !
Le cachemire brossé comme alternative au mohair
Crochet, résille, dentelle, mailles et tissages « ouverts », transparence, textures « velues »… Il est difficile de passer à coté de l’ouverture progressive du vestiaire masculin à des techniques et matières autrefois « réservées » à la création de pièces féminines. Du coté de la maille c’est le mohair, poil de la chèvre angora, qui s’est imposé. Ami, Acne Studios, Our Legacy, Auralee, Sefr… la liste est longue. Car les avantages sont multiples. Le propos visuel, évidemment. Immédiatement plus proche de l’animal, assez pour faire d’un pull à la coupe banale une pièce forte. D’autant plus que le mohair est très facile à teindre. Ce qui démultiplie les possibilités stylistiques, comme chez Stein avec la série « Gradation Knit » pour prendre un exemple qui me tient à coeur. Enfin c’est une laine très légère, douce, chaude et résistante (en dépit des idées reçues, et du plastique ainsi justifié dans la compo une fois sur deux).
Quel rapport avec notre sujet ? Bonne question. Il se trouve qu’il est tout à fait possible d’obtenir un résultat quasi similaire au mohair en brossant les fibres du cachemire. Et que mon pull de la marque italienne President’s, dans un très beau cachemire brossé à la main, a été une petite révélation. La mauvaise nouvelle : les pulls de ce genre sont beaucoup plus rares et souvent beaucoup plus chers que les modèles analogues en mohair. Et il y aussi ce sacrifice de la douceur (car un cachemire particulièrement poilu comme le mien n’est pas très doux) qui doit décourager plus d’une marque. Tu peux néanmoins en trouver des moins sauvages chez Massimo Alba et parfois chez Bompard (rayon femme). Mention à Auralee pour un effet un peu différent (en mélange avec de la laine et de la soie).
Le pull en cachemire, mais made in Japan
La maille n’est historiquement pas une spécialité japonaise, mais une affaire européenne. C’est pourquoi on retrouve une prédominance de pulls en coton au Japon. Et aussi de choses assez perchées (qui sont d’ailleurs en partie permises par l’utilisation du coton…). Peut-être que les marques qui s’emparent du sujet n’ont pas les mêmes contraintes « mentales » que nous. Il n’y a pas d’héritage à respecter et plutôt tout à inventer. Une maille traditionnelle « Aran » revisitée à la japonaise peut par exemple se traduire en un improbable et modeux pull patchwork en coton chez une marque comme Yashiki. Quid du pull en cachemire ?
Il se fait rare ! Et cher, sans surprise. Pas de DNVB pour venir disrupter le marché, mais des labels qui poussent les choses jusqu’au bout. Qui utilisent le cachemire sans faire de compromis, quitte à en faire un « produit d’appel » d’exception. Comme chez Batoner, l’une des marques de pull made in Japan les plus intéressantes, qui propose un modèle en baby cachemire nommé « 10g » en référence à quantité de laine prélevée sur chaque chèvre. Pour un pull de 600 grammes, le calcul est rapide. C’est évidemment hors de prix, équivalent à un loyer à Tokyo, et pourtant vendu sans faire de marge (selon la marque). Regarde aussi chez Aton et Heugn, si tu as envie de profiter du yen faible en tant que parfait occidental sans vergogne.
Un pull en cachemire mélangé ?
On considère généralement que du cachemire ajouté à un mélange en laine majoritaire est de moins bonne qualité qu’un cachemire utilisé seul. Comme le cachemire tissé dans un pantalon ou un manteau, pas assez beau pour être tricoté. Qu’il est donc là uniquement pour faire joli. Ou pour faire vendre, si tu préfères le point de vue cynique. Et qu’il est donc plus raisonnable d’acheter un pull dans un doux mérinos haut de gamme que de surpayer du cachemire aux fibres courtes. Surtout quand la proportion de cachemire dans le mix est ridicule, stratégie marketing éprouvée chez les enseignes les moins scrupuleuses qui aiment inscrire, dès le premier pourcentage, « cachemire mélangé » sur la page produit.
Voilà, ça c’est le discours pour les gens sages qui veulent en avoir pour leur argent. Pour les autres, je pense qu’il serait quand même dommage de se priver de beaucoup de belles mailles chez des marques qui n’ont pas l’habitude de décevoir. Evan Kinori par exemple, qui vient de sortir sa très réussie collection automne / hiver 2024. Beaucoup de pull en laine d’apparence « rustiques » sont au programme, mais qui bénéficient d’un pourcentage respectable de cachemire (30%). Le style sans les démangeaisons. On retrouve aussi ce genre de compositions chez des marques moins « mode » comme Inis Meain ou Okochi Meriyasu, marque atelier japonaise fondée en 1973 et nouvellement distribuée par le shop américain No Man Walks Alone.
Et pour aller plus loin…
Je te laisse avec quelques articles complémentaires, bonne lecture !