Pourquoi porter du velours est une bonne idée ?

Le velours est un tissage que l’on associe instinctivement à la baisse des températures, et plus particulièrement à l’automne. L’équivalent du lin quand il fait chaud, de la laine et du cachemire quand il fait très froid. Ce n’est donc pas une surprise s’il est sur-représenté sur le média à la même période chaque année, à la fois dans nos cahiers de styles et dans nos articles. Pourtant, résumer notre amour pour le velours à un principe de saisonnalité serait un peu réducteur. Après tout, l’ami Boras n’hésite pas une seule seconde à porter ses shorts de skate côtelés (ou de surf, selon l’école) en pleine canicule. Et il ne faudrait pas non plus oublier que le monde de la mode n’avait pas une opinion très positive sur le velours jusqu’à récemment. Cette mode qui, contrairement à nous, l’aime et le rejette selon des cycles intermittents.

short corduroy kestin & track jacket needles
Commencer un article sur le velours avec une tenue en short, c’est l’esprit Borasification. Look complet ici

Tantôt symbole du luxe et de l’élégance décontractée, tantôt summum du ringard et du kitsch, son histoire est ainsi ponctuée d’associations d’images plus ou moins flatteuses. Et après quelques décennies de désamour, le velours est aujourd’hui de nouveau adoré, reprenant sa place d’essentiel de l’hiver à une époque où le confort est roi. Des fluctuations qui nous importent finalement assez peu, mais qui nous donnent tout de même l’envie d’ancrer durablement le velours dans notre vision du vestiaire masculin. Ce petit article est ainsi l’occasion de parler plus en détail d’un tissage tout-terrain capable de mettre denim et flanelle au placard. Et de simplement te dire (et surtout te montrer) pourquoi, selon nous, porter le velours est une bonne idée pour allier confort et style.

Le velours en quelques lignes

Voici la traditionnelle partie culture G ! Pas d’inquiétude, je ne vais pas m’appesantir sur l’histoire du velours trop longtemps, ni te noyer sous un discours technique superflu. Ce n’est pas vraiment ce qui nous intéresse ici. Ce sera surtout l’occasion de remettre les choses au clair, de te montrer ce qu’il est possible de faire visuellement et te donner quelques références au passage.

Qu’est-ce que c’est ?

Le velours n’est donc pas une matière à proprement parler. Mais une méthode de fabrication qui peut ensuite impliquer un grand nombre de matières. Et c’est l’économique et le pratique coton qui domine le marché aujourd’hui. Il sert également de base à des mélanges, notamment avec de l’élasthanne (généralement moins de 3%) dans le cas du stretch corduroy. Les velours les plus luxueux sont quant à eux en coton et laine, coton et soie ou parfois même, très rarement, en 100% cachemire.

Si tu veux en savoir plus sur les détails techniques, je te conseille de faire une pause et de lire cet article sur le blog de Julien Scavini qui vient tout juste de sortir, heureux timing ! heddels.com

Les types de velours

Pour faire rapide et simple, deux types de velours nous intéressent. Le « lisse » (velvet), qui est celui du smoking brillant et des fauteuils. Et le plus répandu « côtelé » (corduroy), qui sacrifie quant à lui la douceur homogène sur l’autel de la texture. Avec des « cordons » (wales) qui viennent former des lignes verticales parallèles en relief, se définissant ainsi au nombre de ces dernières par pouce de tissu (2,54cm). Une grande concentration indiquant fatalement une plus grande finesse. On trouve donc des velours côtelés très différents, de la variante la moins discrète (par exemple un 5 wales corduroy, ce qui se traduit par 5 gros cordons par pouce) à la moins visible (milleraies ou needlecord, comme sur un 16 wales).

Pour des raisons évidentes, nous allons parler principalement de velours côtelé aujourd’hui. Mais j’essayerais quand même d’aborder le cas périlleux du velours lisse en fin d’article !

L’histoire du velours

Le velours n’est pas une technique nouvelle, bien au contraire. Elle serait même l’une des plus anciennes. Ses origines remonteraient en effet à l’Égypte antique, ayant pour ancêtre l’étoffe de coton tissé qu’on appelait « futaine ». Plus proche de ce que nous connaissons aujourd’hui, une méthode analogue utilisant exclusivement de la soie est découverte en Perse par les italiens à la Renaissance. Rapidement, ces derniers s’approprient ce savoir-faire et en font le commerce dans toute l’Europe. Complexité du tissage et préciosité de la matière obligent, le velours est à cette époque un symbole de luxe absolu réservé aux plus fortunés et aux autorités religieuses. Produit en France à Lyon à partir du XVIème siècle, ce n’est cependant qu’avec la révolution industrielle et la mise à l’échelle des moyens de production que le velours va enfin se démocratiser et endosser un rôle moins « noble ».

velours renaissance
Velours d’un chasuble (gilet sans manches) de la Renaissance. Chose assez rare pour être soulignée, le velours est un tissu qui perd progressivement son interêt purement esthétique et ostentatoire au profit de sa fonction utilitaire.
nelson-atkins.org

Étoffe précieuse, tissu du peuple

Car l’étoffe des souverains se voit alors fabriquée en coton ou en laine, habillant la nouvelle classe ouvrière, les fermiers et les soldats. Les années 50, 60 et 70 marqueront ensuite l’apogée du velours dans la mode comme véritable symbole de l’anti-establishment, porté par les artistes et les intellectuels aux cotés du denim. Le temps des fameuses vestes de blazer en corduroy marron à gros revers et aux coudes à patch !

corduroy peach march 1968
gloverall.com

Une popularité suivie de l’inévitable fin de l’état de grâce et qui annonce des décennies de connotations négatives. L’invention du stretch corduroy dans les années 90, mentionné plus haut, va finalement permettre d’utiliser le velours pour des coupes ajustées et contemporaines. Mais c’est seulement au cours des années 2000 et 2010 que le velours est vraiment réinvestit par le luxe et que les marques grand public se décident à en proposer de nouveau.

Se retrouver dans le marché du velours aujourd’hui

Il y a donc peu de chance pour que tu ne saches pas où acheter du velours à l’heure où je te parle (à moins que tu ne lises ces mots dix ans plus tard). Car la réponse la plus rapide, et la moins utile, serait « partout ». Les tailleurs et le monde du luxe ne sont en effet plus les seuls à expérimenter avec ce tissage. Ce qui est surtout vrai pour le velours côtelé, qu’on trouve aussi bien en fast fashion que chez de très belles marques. Néanmoins, l’offre pléthorique complique un peu les choses. Alors avant de passer à la suite, voici quelques recommandations personnelles.

brisbane moss cutting room
Cutting room chez Brisbane Moss. En France, tu connais surement Velcorex. Une entreprise datant du début XIXème siècle qui fournit notamment les marques de milieu de gamme. brisbanemoss.co

Marques et fournisseurs

Si l’on aborde la question sous l’angle des usines textiles, Brisbane Moss est peut-être le premier nom qui te vient en tête. L’entreprise historique vieille de plus de cent quarante ans est, assez tristement, la dernière à fournir du corduroy au Royaume-Uni, subsistant sur un marché hautement concurrentiel investi par les acteurs asiatiques aux velours bon marché.

velours cachemire stoffa fw22 collection
Un pantalon en corduroy 100% cachemire deadstock chez Stoffa. stoffa.co

Je ne vais pas faire dans l’originalité en te disant de commencer à regarder ce nom dans les fiches produits. Une très bonne piste, tant Brisbane Moss excelle notamment dans le corduroy aux côtes épaisses. De tête, je pense à De Bonne Facture, Athi Éditions ou encore Document, ma préférée de la liste. Plus généralement, tu peux te tourner vers le made in Italy pour du velours de qualité avec les expérimentations d’ ABCL Garments, le flair de Barena ou bien sûr les matières folles chez Stoffa.

pantalon velours shizu bernard zins
Le pantalonnier français Bernard Zins propose un corduroy japonais exclusif en provenance de Shizuoka, berceau de la production nationale. Les coupes sont malheureusement bien slim. zins.com

Pourquoi (et comment) porter le velours ? Conseils et inspirations

Après ce tour d’horizon express, intéressons nous maintenant aux raisons et aux manières de porter le velours. Car si opter pour ce tissage plutôt que pour une flanelle de laine est évidemment une question de préférence personnelle, je pense qu’on peut aller plus loin et défendre ce choix stylistiquement et rationnellement à la fois ! Pour allier les mots à la mise en pratique, j’ai inclus des moodboards à mes conseils qui, je l’espère, t’inspireront et te donneront quelques pistes supplémentaires.

Le velours est chaud, confortable, résistant et pratique

Je me suis un peu tiré une balle dans le pied avec ce titre, car tout vient d’être dit ou presque ! C’est au moins une bonne nouvelle pour ceux qui lisent en diagonale. Contrairement aux autres matières de l’hiver, à l’exception de la moleskine, le velours est en effet très certainement un choix bien plus polyvalent et pratique. Même en coton, le velours côtelé reste un tissu serré et lourd, plus chaud qu’un denim par exemple. Avec de l’élasthanne dans la composition ou une coupe un peu ample, il est de même difficile de rivaliser avec son confort. Enfin, la nature du tissage le rend naturellement très résistant et facile d’entretien.

pantalon en velours ovversize
Des fringues d’hiver qui n’ont pas besoin de pressing, ça n’a pas de prix. Look complet ici

Le velours côtelé épais comme pièce forte

Et comme « « confort » et « style » sont les mots qui ont été utilisés en introduction de cet article, il me semble que te montrer quelques tenues qui appliquent ce concept si cher à nos coeurs n’est pas une mauvaise idée. En choisissant un velours côtelé aux côtes épaisses (à partir 8 wales et en dessous) sur des pièces loose, tu convoques directement un univers workwear, ou « vieillot » pour les mauvaises langues. L’occasion de rester dans le thème et d’apporter de la texture qui pourra répondre à un gros pull en laine rustique ou des chaussures à la semelle un peu imposante. Ou au contraire de justement jouer avec l’image des fringues de papy pour mieux la détourner. Ce que peut faire une marque comme Barena avec ses costumes informels, ou encore des labels skatewear.

Le juste degré de formalisme

Reprenons la comparaison entre le velours et les autres matières de l’automne et de l’hiver, cette fois par la notion de « formalisme ». C’est un tissage qui, à l’instar du denim ou de la toile cirée, me semble en effet taillé pour notre époque, se situant dans un « entre-deux » très intéressant. Une option casual et polyvalente qui ne détonne ni dans un style brut, ni dans un registre cousin du sartorial comme le soft tailoring. Là où le tweed peut faire un peu trop « campagne » ou classique, là où la flanelle lisse peut faire trop précieuse et habillée, le velours trouve naturellement sa place. À l’heure où le leisurewear devient la norme, miser sur le corduroy est l’assurance de ne jamais finir « un peu trop habillé ».

athi edition pantalon velours cotelé comment porter velours homme
Pantalon Athi Éditions
instagram.com/athi_editions

La discrète élégance du velours côtelé fin

Et c’est exactement le rôle du velours côtelé fin. De venir décoincer un peu des tenues qui pourraient verser dans un excès de formalisme. Par exemple, marquer le plis sur un beau pantalon en velours est une manière de se retrouver dans une ambiance un peu preppy sans trop en faire. Ce truc que l’on retrouve chez Drake’s, ce sartorial qui se veut cool. Et comme on utilise traditionnellement du velours côtelé fin pour des pièces classiques et près du corps et du velours côtelé à grosses raies pour l’outerwear, il devient très facile de jouer avec les attentes. La collection corduroy de Sillage est un bon exemple, avec du velours côtelé plutôt discret sur des fringues très amples et très peu conventionnelles qui vient « ennoblir » le tout.

Ou pourquoi ne pas porter le velours ?

Maintenant que nous avons vu tout ça, terminons par deux stéréotypes qui entourent le velours. Une manière pour moi, certes un peu contre-intuitive, de clôturer le sujet en démontant les derniers arguments qui pourraient t’empêcher encore d’en porter. D’abord avec le cliché le plus tenace, celui de « l’effet prof d’histoire en pré-retraite » (ou notaire de province).

de bonne facture fw21 collection
debonnefacture.fr

Si tu as vu passer mon article sur les couleurs « terre », tu sais déjà comment éviter ça ! Sinon, je t’en conseille évidemment la lecture. Plus généralement, je ne crois pas trop à des associations qui seraient impossibles ou trop connotées. Par exemple le costume en velours avec une paire de Paraboot, ou équivalent. Le problème viendra surement plus d’un pantalon mal coupé, d’une veste trop vintage ou de couleurs un peu trop ternes, que de l’ensemble en lui même.

Comment porter le velours lisse ?

L’effet « Austin Powers » est la deuxième chose qui m’intéresse ici. Parlons enfin du velours lisse, le plus difficile à défendre et le plus mal aimé de tous. Mais comme pour toute pièce ou toute matière, l’important est moins la fiche technique, l’histoire ou les connotations, que la mise en pratique. Enfin, ce qui fonctionne le mieux reste quand même de prendre en compte tous les paramètres à la fois. Comme venir dépoussiérer une image de noblesse par du streetwear bien senti ! Needles le fait à merveille avec ses ensembles de jogging esprit rétro. Tout comme Comoli qui reprend ce concept du track suit, cette fois de manière plus luxueuse et minimaliste. Important, le minimalisme quand on s’essaye au velours. Evan Kinori l’a également bien compris, trouvant dans le brillant velvet une manière de faire parler les teintures naturelles.

Le mot de la fin

Voilà pour le velours ! Si j’ai plongé dans les univers de quelques marques qui me parlent particulièrement pour illustrer cet article, il est tout à fait possible que tu n’y trouves pas ton compte selon tes goûts. Heureusement, les choses sont bien faites. J’ai justement écrit une sélection sur le pantalon en velours pour cet automne. Tu peux aller lire tout ça si tu as envie de creuser et encore un peu de temps devant toi.

Par Nicolas

Fatigue pour les intimes.

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