À l’instar des lunettes de soleil et du tote bag, nos récents (et passionnants) sujets de l’été, la casquette est un accessoire fonctionnel à même d’améliorer ton quotidien et ton style à la fois. Et ce, point important, sans attirer des regards qui seraient certainement interrogateurs s’il venaient plutôt à se poser sur un Fedora ou un Trilby. La casquette « contemporaine », remarquable comme discrète, étant de fait un objet de mode incarnant concrètement l’évolution du vestiaire masculin vers une casualisation générale au cours des dernières décennies.
En complément aux bonnes recommandations shopping données par Boras dans notre sélection, je te propose aujourd’hui de revenir un instant à l’histoire de la casquette. Et à toutes les choses qui ont le mérite d’exister aux cotés de l’évidente ballcap.
« Sortir en cheveux »
L’expression « être en cheveux », autrefois utilisée pour décrire (et condamner) les femmes qui avaient l’impudeur de sortir sans coiffe et cheveux relâchés, témoigne des moeurs d’une époque révolue. Celle ayant vu les hommes porter un couvre-chef au quotidien (sauf le dimanche). Si l’on peut parler de « modes » avec l’introduction de nouvelles formes qui en ringardisent d’autres au cours du XIXème siècle et dans la première moitié du XXème, il s’agit d’abord de simplement protéger sa tête. Du froid, du chaud, de la pluie, du vent. Puis de signifier sa condition. Le type et la qualité de son couvre-chef en disent long sur sa classe sociale, son travail. Le haut-de-forme est le signe distinctif du bourgeois, la flat cap en tweed le propre de l’ouvrier.
Le couvre-chef des sportifs
Il est tentant de penser la casquette comme un vêtement à l’histoire récente. On imagine assez mal le chapeau melon cohabiter avec une fitted New Era. Elle est pourtant portée bien avant le Fedora, adopté par les hommes dans les années 20. Un nom indifféremment attribué à tous les chapeaux censés symboliser de près ou de loin « l’élégance d’avant », le péché mignon des gentlemen en jean trop long et t-shirt informe. C’est la pratique du baseball, sport qui apparait début 1800 aux États-Unis, qui va doucement nous amener à la casquette telle qu’on la connait aujourd’hui. Car il n’existe au départ pas d’équipement standardisé. Chacun est libre de porter ce qu’il veut, comme un chapeau canotier (chapeau de paille) par exemple.
Ces solutions de fortune ne sont cependant pas tout à fait satisfaisantes. Les raisons de penser un équipement spécifiquement adapté à la pratique du sport sont pragmatiques. Le soleil qui éblouit. Pouvoir courir sans perdre son couvre-chef. Le besoin d’une construction plus robuste et confortable. Les itérations se succèdent. Modèle en laine à la flat cap avec une visière courte, « Pillbox » à la calotte ronde et plate… Il faut attendre la fin du XIXème, la National League est fondée en 1876, pour que l’on se mette d’accord sur une base commune : la Brooklyn Style portée par l’équipe des Excelsiors à partir de 1860. Une couronne profonde et surmontée d’un bouton et une visière plus longue. C’est ce prototype de la baseball cap qui sera définitivement inscrit dans le paysage sportif par New Era dans les années 30.
La casquette dans le casualwear
Sans revenir en détail sur toutes les améliorations apportées au design new-yorkais, il est intéressant de les mettre en parallèle avec la professionnalisation du sport. Les modifications purement fonctionnelles disparaissant face aux considérations cosmétiques. Les premiers logos ne se font pas attendre : dès 1901 chez les Detroit Tigers. La casquette va alors gagner dramatiquement en verticalité jusqu’aux années 40, ses pans centraux servant de bannière aux différentes équipes. L’explosion de la popularité du baseball advient par les premières retransmissions télévisées. Les casquettes sont vendues comme du merch. Contrairement à la Converse « All Star », l’idée n’est donc pas d’acheter un produit performant adoubé par les sportifs. Mais un visuel. L’appartenance à un groupe.
Alors que le port du chapeau se fait de plus en plus rare dans la deuxième moitié du XXème siècle, la casquette de baseball perd son image de vêtement réservé à la pratique sportive ou à la sortie au stade. L’introduction de modèles à taille réglable (snapback) aide à démocratiser la ballcap. Sans oublier le Trucker hat des 60s, variante cheap souvent distribuée gratuitement par des entreprises. Les marques adhérant sans surprise à l’idée que des gens portent de leur plein gré logos et slogans dans l’espace public. Le monde du cinéma et les musiciens sont les suivants à s’emparer de la casquette.
Le grunge, le punk, les premiers rappeurs des 90s. Une pièce unisexe qui anonymise (bas de gamme, normcore, quiet luxury) ou démarque (streetwear, luxe ostentatoire…). Et qui prend effectivement la place de tout ce qui a pu exister avant, gommant les vieilles distinctions. Porter un chapeau revient alors plus ou moins à porter un costume classique à l’ère du leisurewear. Ce n’est pas le sens de l’histoire.
Le guide (non exhaustif) des casquettes pour homme
L’obligatoire d’hier étant devenu l’accessoire d’aujourd’hui, même porter une casquette de baseball n’a rien d’une évidence. Et je pourrais dire, sans vouloir casser l’ambiance, que c’est un choix purement stylistique. Une ballcap vissée sur la tête en été, contrairement à un bucket hat ou un panama, ne protège pas de la vraie chaleur. Bonne nouvelle, toutes les variantes listées ci-dessous non plus. On oublie donc la fiche technique. Et on retient l’histoire et le visuel.
L’indétronable casquette de baseball (ballcap)
Du logo de ta marque préférée au Make America Great Again (ou toute autre phrase aléatoire moins chargée politiquement), la baseball cap contemporaine est par de nombreux aspects proche du tote bag. Fonctionnelle, facile à produire en masse et faisant office de support publicitaire idéal. Voire outil de propagande, dans le cas cité.
Mais pire encore, elle n’a parfois vraiment rien à dire. Bleu marine, grise, noire. Modérément souple, couronne à six pans standard (6 panel). De l’uni un peu terne et sans logo. Un coton bien lisse. Ou le cauchemar de la casquette. Le meilleur accessoire si tu aspires à vivre dans un lookbook Uniqlo et faire des rappels de couleur avec tes chaussettes.La saturation du marché entraine néanmoins des conséquences positives. Toutes les combinaisons existent. Couronnes low profile ou high profile (plus ou moins profondes et hautes), visière souple ou cartonnée, à taille unique (fitted) ou réglable…
Impossible de ne pas trouver une ballcap adaptée à ta morphologie ou à ton style. Jouer sur le nombre de pans est aussi une option. La 6 panel étant de très loin la plus répandue et la plus facile à porter. La 5 panel, avec son large pan sur l’avant sans couture centrale, est la plus adaptée pour du gros logo. New Era et Ebbets Field Flannel sont deux références incontournables. Poten, du coté du Japon, est la seule marque pouvant faire produire ses casquettes 8 panel dans l’usine qui fournit les accessoires officiels de la Major League. Et elle ne fait pas les choses à moitié.
La « dad cap » ou la casquette du soft-tailoring
Dad jeans, dad sneakers, dad cap. La sainte trinité. Une casquette « de daron », traduction approximative, est une ballcap molle de type 6 panel. Idéalement piquée à ton père (ou à ton grand-père) et usée juste comme il faut. En général : du 100% coton et un traitement washed pour faire illusion. C’est sur ce genre de casquette que l’on retrouve des logos brodés un peu marrants. Enfin, selon ton sens de l’humour. Un style privilégié par les marques aux influences ivy. Ralph Lauren, Brook Brothers et tous les autres. À poser sur un costume qui a oublié son padding.
Le Trucker hat, la casquette option ironie
Produit publicitaire déclinable à l’infini, le Trucker hat est certainement le condensé du pire de la baseball cap. Une forme haute à cinq ou sept pans pour accommoder le logo kitsch de la boite locale de pressure wash, un filet en mesh pour le confort thermique (et malheureusement pas oculaire) et évidemment une taille adaptable afin que toute la famille puisse en profiter. Très populaire dans les 70s et 80s, le Trucker hat est parfait si tu es un adepte de l’ugly fashion. Plus le message promotionnel (ou le design) est ringard et plus les couleurs sont improbables, mieux c’est.
La casquette de cycliste, cycling cap, et la visière
Si le baseball est le sport le plus évident à traiter quand il s’agit de revenir sur l’histoire de la casquette contemporaine, tous les sports d’extérieur sont concernés. L’éblouissement et la pluie dans les yeux n’étant en général jamais des choses foncièrement désirables. Les mondes du tennis, du golf, du volleyball, du cricket, du cyclisme et des sports nautiques (aviron…) ont également adoptés la casquette.
Pour le cyclisme l’usage était de porter la flat cap européenne en grosse laine bien rustique, faute de mieux. La cycling cap, très proche du crâne et à la visière courte et ajustable, est la norme dans les années 50. Avant le port du casque obligatoire qui limitera son intérêt. Pour rester dans la « casquette de niche », j’avoue avoir un petit faible pour la visière ou sports visor qui sent bon les années 80. Cette casquette baseball ayant perdu sa couronne. Probablement à éviter, même en cuir d’agneau.
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La casquette workwear avec la railroad engineer cap
Très populaire parmi les ouvriers américains du début XXème siècle, la pratique du baseball amateur s’est répandue notamment chez les travailleurs du rail de l’Est des États-Unis. La légende raconte que l’un d’entre eux, George Kromer, avait pour habitude de garder sa casquette de baseball au travail. Insatisfait par le couvre-chef peu adapté à des conditions difficiles, il aurait demandé à sa femme Ida une nouvelle casquette. Réalisée avec les moyens du bord (que du tissus à matelas à rayures sous la main), la railroad engineer cap est née. Souple, mais le plus souvent conçue dans des matières solides comme du duck canvas ou du denim épais. Ambiance workwear vintage. La marque Kromer est toujours active aujourd’hui.
La casquette militaire avec la mechanics cap / utility cap
Terminons ce tour « rapide » de la casquette par le monde militaire, le chainon manquant du menswear contemporain après le sportswear et le workwear. Un univers où le couvre-chef occupe naturellement une place très importante. Si les premières casquettes peuvent faire penser à des chapeaux militaires, c’est bien souvent la ballcap qui va exercer une influence sur le développement des uniformes. Par exemple, la M1951 Field cap ou Patrol cap US ressemble à un képi, mais est en réalité construit comme une casquette souple à visière rigide. Difficile à assumer stylistiquement sans tomber dans du déguisement douteux.
La casquette A-3 de l’armée de l’air américaine, donnée aux ingénieurs et mécanos pendant la seconde guerre mondiale, correspond mieux à l’idée contemporaine de la casquette. Seule la visière courte et flexible trahit ses origines. Et le herringbone twill ou le ripstop pour les amateurs de reproduction militaria. Si le lien de parenté n’est pas établi, les casquettes souples « Marina » de la marque française Arpenteur s’approchent philosophiquement de la forme A-3. Binly Project et The Real McCoys optent pour l’approche puriste.
La casquette de marin ou mariner’s cap
Si porter une casquette réglementaire de la marine nationale françaises ferait un peu tache dans sa tenue du quotidien, s’inspirer n’est pas forcément une mauvaise idée. Le parti pris de Kevis Manzi pour mener à bien son projet tourné vers la mer, Manzi and Co. La couronne pentagonale de la casquette Captain cap rend hommage à la coiffe de l’uniforme tout en rappelant une casquette de baseball high profile. Plus proche du matériau originel, la superbe marque japonaise spécialisée dans le headwear Kijima Takayuki (qui fabrique notamment pour Kaptain Sunshine) réinterprète la casquette de marin (skipper’s cap, sailor’s hat…) en privilégiant les lignes épurées et les belles matières.
Une casquette en hiver, c’est cool aussi
Il aurait été peut-être malvenu de ne pas glisser un mot sur la flat cap, la grande oubliée de ce « guide ». Cela tombe bien, la question de la casquette en hiver se pose. Malheureusement (ou pas), ce style de casquette type newsboy cap n’est pas une pièce qui conviendra à tout le monde. Les connotations cosplay Peaky Blinders ou « bourgeois anglais à la campagne » sont difficiles à porter. À mon sens, seules les belles marques japonaises workwear vintage parviennent à construire autour de la casquette traditionnelle européenne. Je pense à Old Joe et Belafonte Ragtime Clothing, pour n’en citer que deux.
oldjoe.jp
Une fois encore, la ballcap américaine est reine en hiver. Seules les matières changent. Laine, cachemire, tweed, velours côtelé, cuir, moleskine… Il faut simplement veiller à ne pas tomber une nouvelle fois dans le même écueil. Une casquette ne protège pas mieux du froid que du chaud !