Chaque Top 10 est l’occasion de retrouver une sélection de pièces conseillées par la communauté Borasification (et un peu la rédaction). Cette liste est non exhaustive et constitue une série de coups de cœur qui t’aiguilleront, pour toi aussi trouver les vêtements et chaussures qui te feront vibrer.
Il est rare qu’un vêtement de sport soit intégré au vestiaire masculin au point de devenir un archétype autonome, non dérivatif. On pourrait bien sûr passer la journée à citer toutes les fringues military et sporstwear qui sont portées aujourd’hui dans la rue. Mais c’est encore différent. Même un maillot de foot reste « seulement » une variante sur le t-shirt. Le polo de rugby joue dans une catégorie à part. Matière épaisse, lourde et résistante (traditionnellement du jersey de coton), col (court et rigide) et patte de boutonnage (sans boutons ou dans une matière molle) contrastés qui sont fabriqués séparément avant d’être cousus à l’ensemble et esprit joueur (par le choix des couleurs, des rayures, des logos et motifs…) sont ses principales caractéristiques particulières.
Qui peuvent t’aider à immédiatement mesurer l’écart avec son homologue, parfois un peu chiant (#quietluxury), en maille de coton piquée. Après une sélection qui portait justement sur ce polo « générique », je te propose de réunir ici quelques belles marques qui s’intéressent spécifiquement au polo de rugby. Et oui, la coupe du monde qui a lieu en ce moment n’est pas pour rien dans ce choix de sujet.
Une dizaine de polo de rugby pour les amateurs de preppy, d’ivy et de streetwear
Le rugby nait à la Rugby School en Angleterre dans la ville de Rugby. Pratique. Vers les années 1820-1830 plus exactement, quand certaines parties de football (soccer, précisons-le) dégénèrent et qu’on se dit que courir en portant la balle jusqu’au but adverse plutôt que de tirer dedans est une possibilité à envisager sérieusement. Qui implique de fait une opposition un peu plus musclée de l’équipe d’en face. Et, fatalement, de devoir porter des fringues qui ne partent pas en lambeaux au premier tacle bien placé. L’invention du jersey de rugby permet de remplacer la classique chemise en flanelle trop longue (et trop facile à attraper au passage). Blanc aux larges rayures rouges horizontales et doté d’un symbole (crâne humain surmontant deux os placés en croix) qui vient déjà signifier l’avénement d’un sport un chouia plus violent.
On est encore assez loin de l’esprit bourgeois du col boutonné jusqu’en haut des joueurs de tennis, de polo ou de golf. Une histoire ancrée dans la culture hooligan qui a peut-être favorisé l’adoption rapide du rugby shirt dans un registre plus casual. Et surtout en dehors du sport à partir des années 50, d’abord via les tribunes. Aux États-Unis, un pays peu concerné par la pratique du rugby, tout se passe sur les campus des facs privées de l’Ivy League.
Étonnamment, les décennies qui suivent vont intégrer ce vêtement très anglais au canon de l’americana. GANT et Patagonia vendent du polo qui servent finalement à la pratique de l’escalade. L.L.Bean et Columbia Knit font du 100% made in USA. Ralph Lauren s’empare à son tour du sujet dans les années 90. Puis le streetwear s’en mêle et achève le travail. Le rugby shirt a traversé toutes les frontières, s’est installé confortablement et durablement dans le paysage de la mode masculine.
1. Le polo de rugby « traditionnel » chez Barbarian
Il est donc assez logique d’avoir perdu de vu ce qu’est un polo de rugby dans sa forme « originelle ». Surtout quand les premiers concernés, les joueurs, l’ont depuis longtemps délaissé au profit de maillots techniques qui pourraient très bien servir pour le football ou n’importe quel autre sport. L’image d’Épinal du polo de rugby est entre les mains de marques qui s’attachent à produire du jersey à l’ancienne. Barbarian, déjà citée dans notre sélection sur les polos, reste un nom à connaitre. Des modèles made in Canada produits dans deux poids différents : « Classic » (12 oz) et « Casual » (8 oz). Et évidemment des rayures, du patchwork, des blasons.
C’est notamment distribué chez Beige et Edgar à Bordeaux. Pour du polo pensé en collaboration avec l’équipementier historique Gilbert, regarde ce qui vient de sortir chez Rodd and Gunn.
2. GANT, Ralph Lauren, Façonnable, Rowing Blazers… Pour du prep et de l’ivy
Avant que les marques françaises s’engouffrent sur le marché du polo de rugby dans les années 2000, souviens toi d’Eden Park et de Serge Blanco, il y avait les indéthronables modèles américains. Des marques déjà citées plus haut (Ralph Lauren et compagnie…) qui sont encore aujourd’hui incontournables, notamment en seconde-main. Les styles casual-chic et soft tailoring contemporains se nourrissant très largement de ces représentants des styles ivy et prep. Je pense aussi au « french ivy » promu par le magazine l’Étiquette qui fait du polo de rugby une marque de fabrique. Le label orienté streetwear-prep Rowing Blazers, fondé à NYC en 2017, est une référence dans le genre.
3. Une option pas chère avec Uniqlo
Trouver son polo de rugby à la sauce ivy chez Uniqlo, une marque renommée pour ses basiques, en dit long sur le statut de ce vêtement pourtant peu discret (quoiqu’un peu plus que les supporters en bas de chez moi qui ont fait le déplacement à Lyon à l’heure où j’écris ces lignes). C’est une option à considérer si ton budget est limité et que tu souhaites essayer avant d’acheter, ce qui n’est pas toujours possible avec les fringues d’occasion. Les collaborations régulières avec le créateur britannique JW Anderson sont à surveiller de près.
4. Beams Plus pour un polo de rugby japanese americana
Je l’ai rapidement évoqué dans l’introduction, le polo de rugby a connu une très forte américanisation au cours de son histoire. Alors même qu’il est tributaire d’une pratique peu répandue, d’un sport mineur qui compte moins de 100 000 licenciés aux USA. Un destin inattendu pour le rugby shirt, notamment photographié par la fine équipe de Shōsuke Ishizu sur les épaules de l’élite des étudiants américains dans « Take Ivy » en 1965. L’obsession japonaise pour le style vestimentaire ivy va naturellement intégrer le polo de rugby au concept de l’americana. Toutes ces petites choses censées incarner le mode de vie américain. Fantasmé ou non, l’influence sur la mode japonaise est palpable. Et une marque comme Beams Plus se retrouve aujourd’hui à nous vendre des polos de rugby rétro. C’est cool et abordable.
5. Toucher avec les yeux chez Drake’s
Ce dernier adjectif que je ne pourrais malheureusement pas utiliser une seconde fois en abordant le cas Drake’s. Oui, je recycle probablement cette transition avec ces deux mêmes marques à la suite. Ou upcycle, comme tu veux. Toutes mes excuses, mais parler du prix pour la marque britannique est une étape obligatoire. Il faudra compter trois cent dollars pour un modèle en coton fait au Portugal, six cent pour la laine mérinos et le précieux made in Italy. Si c’est absurdement cher, je tenais quand même à intégrer la marque pour l’influence qu’elle exerce dans le style soft-tailoring. Si tu ne sais pas comment porter un polo de rugby, il n’y a peut-être pas de meilleur endroit pour apprendre. À toucher avec les yeux, donc.
6. Le renouveau du streetwear-chic avec le polo de rugby chez Noah et Aimé Leon Dore
Influence sur le menswear, lookbook à dévorer, fringues qui ne doivent pas toujours finir dans le panier… Tout cela me rappelle étrangement quelque chose. Sans chercher à immédiatement à me contredire, voici d’autres lieux virtuels à fréquenter si tu as soif de stylisme et d’inspiration en dehors des carcans du classicisme. Mais cette fois dans la droite lignée du Ralph Lo’ détourné par le hip hop des 90s. Tu l’avais vu venir de très loin, la mouvance streetwear-chic. Aimé Leon Dore, Noah et Kith sont trois enseignes à considérer. Attention quand même au produit concret derrière les belles images.
Et pour du streetwear tout court, pense à Supreme, à Palace et Carhartt WIP. Des labels qui font vivre le polo de rugby dans le monde du skatewear.
7. « Climber’s shirt », le regard heavy duty ivy du Japon sur le polo de rugby
Uniquement citer Beams Plus comme référence japanese americana aurait été une quasi faute professionnelle. D’autant plus que les meilleures marques japonaises spécialisées dans la repro se sont également penchées sur le polo de rugby. Pas celui qui a connu les ballons et les pelouses ravagées. Mais qui a été porté par les californiens des 70s qui s’attaquent aux falaises quand les marques d’outdoor se mettent à produire des vêtements en coton bien épais pour l’escalade. Un sport qui connait un essor considérable aux USA dès la fin des années 50. C’est le « Climbers’ Shirt » de The Real McCoy’s, un label qui n’est plus à présenter ici.
En parlant de valeurs sûres, tu peux évidemment compter sur Hiroki Nakamura et Visvim pour proposer une vision très aboutie du polo de rugby. Le « Rugger », référence directe à la collection GANT de 1974, a été comme scrupuleusement patiné par le soleil.
8. Le polo de rugby en laine pour l’hiver par Studio Nicholson et You Must Create
Comme d’habitude, les dernières propositions retenues pour cette sélection s’éloignent volontairement de la pièce dans sa forme la plus traditionnelle et codifiée. En commençant par quelques références qui seront à porter cet hiver, bien que l’automne que nous connaissons en ce moment ressemble encore un peu trop à l’été à mon goût. Studio Nicholson et You Must Create sont deux marques qui font du polo de rugby avec de la laine mérino. Les approches ne sont évidemment pas les mêmes. Un certain sens de l’épure d’un coté, une pièce plus proche de l’idée que l’on peut se faire d’un polo de rugby de l’autre. Peu importe ce que tu préfères, c’est en tout cas une option à considérer si ton envie de rugby shirt se prolonge dans la saison.
9. Ou en velours lisse chez A Kind of Guise
La seconde est de ne pas abandonner le fidèle et pratique coton en choisissant le velours. Pas du côtelé comme chez Kith un peu plus haut, mais du lisse. Une offre rare sur le marché qui fonctionne à mon sens très bien ici chez A Kind of Guise avec le modèle « Rayk » de sa collection automne / hiver 2023. La coupe est un peu loose, le violet uni est parfait pour évoquer l’univers du sport et la texture du velours apporte ce coté un peu précieux qui lie le tout. Les boutons en nacre naturelle donnent une dernière petite touche d’élégance bienvenue. C’est très beau et surement aussi doux et confortable que ça en a l’air.
10. Le polo de rugby qui n’a vraiment rien à faire sur un terrain : Story MFG, 18East, Karu
Ce dernier sous-titre est un peu trompeur, les autres polos de rugby présentés ici n’ont de toute façon pas vocation à finir sur le pitch. Un Barbarian s’il fallait en choisir un, peut-être. Bref, j’ai voulu marquer le coup en finissant avec des modèles singuliers à ne pas détruire au match amateur du premier dimanche du mois. Story MFG et son approche toujours à base de coton bio et de teintures naturelles livre un polo ample aux rayures superposées et aux poignets tricotés. 18East , les rois du sold out éclair et des textures originales, proposent un polo blanc en coton khadi à ne surtout pas salir. Et enfin Karu, marque indienne très prometteuse aux pièces souvent magnifiques, et son polo en laine façon patchwork qui rappelle forcément BODE. Peut-on encore parler de rugby shirt ? À toi de voir !
Le mot de la fin
Voilà pour la dose d’inspiration et culture sape du jour. Si tu apprécies le format et que tu es à la recherche d’autres pièces cool à ajouter à ton vestiaire, tu peux retrouver toutes nos sélections publiées sur le site en cliquant juste ici ! Petite recommandation perso : celle sur les vestes et blouson de mi-saison. Pas une mauvaise piste à suivre si l’automne se décide un jour à venir.