La veste en denim Levi’s: de la méconnue « triple pleat blouse » à l’iconique trucker jacket

Quoi de plus emblématique que la veste en jean, second coup d’éclat historique de Levi’s, dans le paysage du vêtement américain après le blue jeans ? La veste en denim de son vrai nom est une pièce iconique qui traverse les époques et les modes depuis plus de 140 ans. Le temps est alors venu de lui donner la place qu’elle mérite sur le média et de compléter l’uniforme, je dirais même le canadian tuxedo, en remontant aux origines de la trucker jacket. D’achever le diptyque ouvert, il y a quelques mois déjà, avec l’histoire de Levi’s et du mythique « 501 ». Et peut-être d’essayer de comprendre un peu mieux pourquoi la trucker s’est imposée comme la plus populaire itération d’un trio parfois méconnu : celui des bien nommées type I, II et III.

Pour parler de la veste en denim, prendre à nouveau Levi’s comme point de départ était une évidence. Mais comme je ne souhaitais pas te conter une énième fois la naissance de la marque historique américaine, des rivets brevetés et du Two horse patch, j’ai choisi un angle un peu différent. Dans le cas où tu serais également à la recherche de recommandations, j’ai évidemment tout ce qu’il te faut à la suite de la partie culture G !

L’histoire de la veste en denim : uniforme, contreculture et objet de mode

Cent quarante ans d’histoire, ce n’est finalement que dix ans de moins que le 501. Autant le dire tout de suite, je ne vais pas prétendre à une forme d’exhaustivité. Mais plutôt modestement essayer de retracer dans les grandes lignes le chemin qui a conduit la veste du mineur et du cowboy à se retrouver dans nos vestiaires casual-chic et streetwear du quotidien.

Le timing (tout réfléchi) fait que je te parlais la semaine dernière du « bleu de travail » dans notre sélection sur les work jackets. Ce que je vais te dire sur l’origine de la veste en denim à travers l’histoire de Levi’s va rejoindre en partie ce que j’ai déjà pu écrire à ce sujet. Tu peux aller lire ça ici ! (Et avoir d’autres idées pour te trouver une veste bien cool, au passage)

Le denim est d’abord l’uniforme du travailleur

Originellement une pièce à visée purement utilitaire, workwear au sens premier du terme, la veste en denim voit le jour aux États-Unis à la fin du XIXème siècle. À une époque où les conditions de travail de la classe ouvrière naissante demandent des vêtements résistants, mais surtout plus faciles à entretenir et à réparer.

C’est donc une dizaine d’années après avoir révolutionné l’uniforme de travail avec l’invention du rivet, et par conséquent du blue jeans en 1873, que Jacob Davis et Levi Strauss décident de réitérer l’expérimentation avec leur triple pleat blouse. Ce premier modèle de veste en denim introduit dans les années 1880 est le plus ancien connu aujourd’hui. Ni chore coat, ni coverall, sa forme unique pensée pour être portée en ensemble avec le jean annonce déjà son succès à venir.

1905 est cependant la date retenue par l’histoire quand on parle de la « véritable » première veste Levi’s produite en masse. Baptisée « 506XX » (pour indiquer une toile en provenance d’Amoskeag Mills), sa coupe courte et ample ainsi que son unique poche poitrine marquent la création d’un nouvel archétype. Si Levi’s commence à axer sa communication sur l’image du cowboy à partir des années 30 et que la blouse devient jacket en 1938, la veste en denim tout comme le jean restent des vêtements informels réservés aux marginaux, aux classes les plus populaires et aux travaux manuels.

Le jean dans les années 50 à 80 : the youth « blank canvas »

Il faudra donc attendre le brassage culturel de la seconde guerre mondiale pour que l’image de la veste en jean évolue significativement. La raison est simple : l’armée américaine adopte le denim comme standard pour ses uniformes, c’est à dire en tant que « bleu de travail ». Ce qui était le propre de l’ouvrier ou du paysan devient la réalité commune à tous les soldats. D’un conformisme à un autre ! Mais la guerre qui ne fait que peu de distinction entre les classes sociales va donner au jean ce pouvoir « égalisateur ». Alors même qu’il était quelques années auparavant le marqueur singulier des masses laborieuses.

La paix revenue et les restrictions levées, la veste en denim va connaître une première démocratisation avec l’introduction de la Levi’s type II en 1953, moins connotée workwear. Pourtant, l’adoption du jean par la famille américaine modèle n’était pas une évidence ! Car si Hollywood avait fait du denim la matière des héros du western, les années 50 et 60 sont placées sous le signe de la délinquance (Marlon Brando, James Dean) et du rock subversif (Elvis Presley et son denim noir). Sans parler des gangs de bikers et de la culture « Hot Rod » qui s’approprie à son compte la type II en dépit de sa faible longévité sur le marché.

Mais c’est avec l’introduction de la trucker jacket (ou type III) en 1962 et de sa coupe plus contemporaine (simplifiée, ajustée et plus longue), que Levi’s permet à sa veste en denim de devenir le vêtement qui touche une jeunesse avide de liberté et d’expression personnelle. Adaptée à tous les styles, on la retrouve alors aussi bien chez les rockers (face aux mods en costumes) que les hippies de la fin des années 60. Mais aussi chez les skinheads, puis les punks et leur culture du DIY, jusqu’aux metalheads qui personnalisent leurs battle jackets. Pas un seul mouvement de rébellion ou de contreculture de la deuxième moitié du XXème siècle ne se passe de la veste en denim.

La veste en denim des années 90 à aujourd’hui : hip hop, streetwear, création et résurgence du workwear

Car si la charge symbolique et politique endossée par le port du jean est aujourd’hui bien émoussée, diluée dans l’imaginaire collectif, la veste en denim a été de fait une toile vierge servant à l’expression des rébellions et revendications de cultures « jeune » alternatives. Il en sera de même avec les années 90 qui voient se démocratiser le hip hop américain et toute la composante « mode » qui va avec.

Indémodable, la veste en denim ne cesse de s’adapter aux mouvances des époques traversées sans jamais perdre ses lignes directrices. Quand au début des années 2000 prédomine ce qu’on appelait le baggy (de l’oversize sans la maitrise), on trouve chez Levi’s des versions relaxed de la type III (qui était déjà portée deux à trois tailles plus grande).

Une période qui sera également caractérisée par ce qu’on pourrait appeler le « denim de designer ». Dior, Versace Tom Ford, Martin Margiela… La trucker se voit finalement consacrée bien loin de ses racines populaires. Le streetwear contemporain n’oubliera pas non plus dans son envol le jean ni la veste en denim ! Car derrière des noms comme Supreme, A Bathing Ape et Off White, il y a d’abord des passionnés de fringues qui ont grandi et rêvé avec ces pièces iconiques.

Alors que les créateurs, le monde du luxe et des hypebeasts s’emparent du sujet, difficile de ne pas observer la résurgence d’un intérêt pour le denim haut de gamme en parallèle. Big « E », selvedge, redline et Cone Mills passent dans le langage courant des communautés de denimheads. On redécouvre alors des modèles oubliés, magnifiés au préalable par des marques de niche japonaises qui commencent à être distribuées plus largement en Europe et aux États-Unis. Un retour en force aux racines du workwear qui redonne à la vieille jean jacket ses lettres de noblesse.

Type I, type II, type III ? Les vestes en jean Levi’s par le détail

Si j’ai pu évoquer en filigrane les créations emblématiques de Levi’s à travers ce résumé lacunaire de la trop riche histoire de la veste en denim, tu ne te sens peut-être pas encore tout à fait à même de les différencier concrètement. Alors c’est ce que nous allons faire maintenant ! Et on verra ensuite quelle veste est, potentiellement, la meilleure pour toi.

Trois modèles, des centaines de variantes

Parmi les trois modèles « archétypaux » de veste en denim Levi’s, deux d’entre eux affichent plusieurs décennies aux compteurs. Presque une cinquantaine d’année pour la type I, tandis que la type III créée en 1962 est encore produite et déclinée aujourd’hui. Si les designs ont alors naturellement évolué avec leur temps, les changements restent dans les faits assez subtiles. Sans trop rentrer dans les détails, voici ce que tu dois retenir pour chaque typologie de veste.

D’abord, la veste en denim originelle « 506XX » ou type I pour les intimes. Produite de 1905 à 1953, elle est facilement reconnaissable à son unique poche poitrine :

• Une poche à rabat. Sans rabat avant 1928 et entre 1941 et 1947 (à cause de la guerre).
• Parfois des boutons donut, c’est à dire non-pleins (restrictions également dues à la guerre)
• Martingale à l’arrière
• Plis français ou knife pleats qui peuvent s’étendre et donner plus de volume
• Coutures latérales (qui pouvaient se découdre et se recoudre selon les besoins)
• Coupe très courte et ample au buste
  

Produite entre 1953 et 1962, la veste Levi’s en denim type II ou 507XX est une évolution mesurée du design original, reconnaissable à la fois par sa coupe et ses deux poches poitrine.

• Deux poches à rabat, les rivets sont remplacés par des coutures d’arrêt.
• La martingale arrière laisse place à des boutons de serrages sur chaque coté.
• Toujours boxy, le corps est néanmoins plus long (les manches aussi).
  

Enfin, la Levi’s 557XX dite type III ou trucker jacket est l’évolution la plus radicale de la ligne ! Produite de 1962 à nos jours, elle a également connu un bien plus grand nombre de variantes que ses ainées. Facilement reconnaissables aux coutures en « v » qui traversent les deux poches poitrines en pointe.

• Le design global est simplifié (plus de plis français ni de coutures latérales à l’avant. Pinces dans le dos qui disparaissent).
• La coupe est bien plus longue et également plus ajustée.
• Un bouton en plus, et parfois des poches sur les cotés (milieu des années 80).
• Il existe également des versions sherpa, doublées avec de la fourrure pour l’hiver.

Quelle veste en jean choisir et pourquoi ?

Les fiches techniques, les rivets en moins et les martingales c’est bien beau, mais concrètement, laquelle choisir ? Je ne veux pas te décevoir, mais il est évident qu’il n’y a objectivement pas de meilleure option qu’une autre. Il faut simplement prendre en compte que les coupes varient subtilement selon les modèles et qu’elles sont le produit d’époques qui ne partagent pas un canon esthétique commun. Je pense à la type I par exemple, la plus boxy. Sa forme peut paraitre surprenante pour un vêtement de travail. Mais dans un contexte où les jeans étaient dotés d’une taille très haute, une veste plus longue n’aurait pas eu tellement de sens.

La type III ou trucker jacket est de son coté la veste en denim la plus adaptée aux standards d’aujourd’hui. Plus slim et un peu plus longue que les deux autres, elle sera le choix évident pour la majorité qui s’habille ajusté. La type II est selon moi ici un bon compromis. Légèrement plus longue que la type I et aussi moins boxy, elle perd un peu du coté trop vintage de son ainée pour adopter des boutons de serrage et une deuxième poche symétrique qui vient harmoniser le design. Peu importe celle que tu choisis, garde tout de même en tête que les types I et II sont résolument plus workwear dans l’âme et qu’elles réclament un style plus affirmé que la type III passe partout !

Où trouver sa veste en denim ?

Maintenant que tu sais faire la différence entre les modèles et que tu as une idée plus ou moins précise de celui que tu préfèrerais porter, je ne peux néanmoins pas t’abandonner comme ça dans la jungle des marques qui s’inspirent des créations Levi’s. Alors si ton but en ouvrant cet article était de savoir quoi acheter, tu peux te réjouir. On termine avec l’obligatoire partie recommandations qui tombe à pic en ce début d’automne (et si tu lis ces lignes plus tard, ne désespère pas. L’occasion de porter une veste en denim revient toujours un jour ou l’autre).

Acheter sa trucker Levi’s en vintage et seconde-main ?

Si tu as lu mon guide d’achat sur le 501 vintage, tu sais que se lancer dans la chasse au modèle rare ou prisé ne se fait pas sans être armé de quelques connaissances bien précises. C’est évidemment exactement la même chose pour les vestes en denim Levi’s ! Je ne peux donc que t’encourager à aller lire tout ce que j’ai déjà écrit à ce sujet dans le cas où tu l’aurais raté, car certains conseils sont de nouveau applicables ici.

Tu apprendras par exemple à faire la différence entre une veste en jean Big « E » et une production plus moderne. À repérer les fakes qui empoisonnent le marché de l’occasion. Ou à faire la différence entre une reproduction par Levi’s Vintage Clothing et une véritable veste vintage…

Sans réécrire un article entier sur le sujet, ce qui serait un peu redondant, je tiens à te donner quelques astuces pratiques ici. Si tu as bien suivi, tu sais déjà que les type I et type II vintage seront logiquement quasi introuvables en occasion (ou vendues pour quelques milliers de dollars…). Et qu’il ne reste donc que la type III à se mettre sous la dent. À partir de ce constat, dater une veste vintage devient finalement assez facile.

• Des poches sur les cotés indiquent une production post-1984.
• Une veste sans poches latérales avec red tab Levi’s Small « e » indique une production entre 1971 et 1984. À l’exception du modèle 70500 (années 90-2000) qui peut également présenter ces caractéristiques.
• En cas de Big « E », la production est antérieure à 1971. Et ça peut commencer à valoir un peu cher.
  

Acheter une « reproduction » (ou une grosse inspiration)

Sans grande surprise, acheter du neuf reste quand même la meilleure solution quand tu veux choisir ta veste facilement. Pas besoin d’être un collectionneur de vintage ou un gérant de fripes pour trouver ce que tu veux. Et comme pour le 501, plusieurs options s’offrent à toi. Pour le dire simplement : Levi’s Vintage Clothing pour se fournir directement à la source, et les autres ! C’est à dire les japonais. Voilà, rien de compliqué finalement !

Blague à part, je ne peux encore une fois que te rediriger vers TCB pour des vestes en denim de puriste qui reproduiront à la teinte d’indigo prêt les modèles d’époque. C’est très bien fait, et c’est une bonne alternative à LVC quand on regarde les tarifs pratiqués ailleurs. Ensuite, tu commences à connaitre les grands noms conseillés régulièrement ici. Ce sont les mêmes qui font les meilleurs jeans à l’heure actuelle. Oni, Warehouse, Studio D’Artisan, Iron Heart… Tu ne peux pas te tromper avec ce début de liste !

Les alternatives qui ne reproduisent pas fidèlement les classiques de Levi’s

Voilà une dernière petite catégorie qui pourrait se développer à terme en un véritable article indépendant. Car Levi’s n’a évidemment pas le monopole de la veste en denim. Lee et Wrangler par exemple. Deux grands noms qui ont eux aussi imposé leurs propres codes de design et sont aujourd’hui des sources d’inspirations pour tous ceux qui s’essayent à la trucker. Mais ce qui m’intéresse ici, c’est plutôt de terminer avec des choses qui changent vraiment de ce qu’on a pu voir tout au long de cet article. Et comme l’offre est légion, je préfère te montrer des vestes qui détournent habilement les codes en attendant de te proposer une sélection un peu moins personnelle !

Le mot de la fin

Voilà pour ce tour d’horizon de la veste en jean par Levi’s ! Si tu veux en lire plus sur le denim, n’hésites pas à faire un tour sur notre guide pour tout savoir de cette toile singulière. Et si tu ne comprends rien à ces mots barbares, sache que j’ai écrit un lexique avec les termes les plus courants juste pour toi ici.