Chaque Top 10 est l’occasion de retrouver une sélection de pièces conseillées par la communauté Borasification (et par la rédaction). Cette liste est non exhaustive et constitue une série de coups de cœur qui t’aiguilleront, pour toi aussi trouver les vêtements et chaussures qui te feront vibrer. NB : sélection originellement publiée en 2023, mise à jour pour ce printemps 2025.
La chaussure bateau est au style preppy ce que le penny loafer est au style ivy, une paire incontournable à porter au printemps et en été sur le yacht de papa. Ou pour trainer entre frat bros sur le port de plaisance, pour les moins fortunés. Pas vraiment le summum du cool, donc. Et je dois admettre que cet univers WASP ne me rend pas la boat shoe particulièrement sympathique. En tout cas dans sa forme traditionnelle. Car comme toujours avec les fringues très connotées, notamment associées à la figure paternelle, ce qui compte est moins la pièce en elle-même que son porteur, qu’un style, qu’un contexte. Une collaboration avec Noah ou Kith peut aider pour la street cred, également.

Mais laissons tout ça de coté pour le moment, car cette sélection est un peu particulière et nécessite quelques clarifications. Nous n’allons pas seulement empiler les références de paires à lacets « 360 » plus ou moins identiques, mais plutôt explorer tout ce qui est historiquement englobé par les termes boat shoes et deck shoes. Bien qu’interchangeables, ils sont aujourd’hui utilisés pour différencier deux interprétations de la chaussure bateau : la sneaker « CVO » (pour circular vamp oxford) en simple toile de coton et l’Authentic Original en cuir traité. Deux archétypes révolutionnaires inventés dans les années 30 par un seul et même homme : Paul A. Sperry.
De la circular vamp oxford à la boat shoes preppy et streetwear : une dizaine de paires à porter dès maintenant. Et tout le reste de l’année
Un navigateur américain, et ancien employé d’Abercrombie & Fitch, qui n’avait plus tellement le coeur à risquer sa vie à chaque sortie en mer. C’est après avoir été projeté par-dessus bord à la suite d’une énième glissade sur le pont de son navire qu’il se met en quête d’une solution durable. Quelques tentatives infructueuses plus tard (à base d’enduits à appliquer sur le pont qui donnaient le droit à un « gommage » gratuit pour celui qui trébuchait) nous amènent à l’année 1935 et à la sortie de la « Top-sider » et sa fameuse semelle caoutchouc antidérapante à rainures « zigzag ». Un nom qui désigne d’abord la CVO, avant d’être durablement associée à sa petite soeur en cuir qui voit le jour deux ans plus tard.
Les deux paires vont connaitre des trajectoires différentes. La sneaker à semelle vulcanisée est adoptée en 1940 par l’US Navy à l’aube de la seconde guerre mondiale, avant de rencontrer un grand succès sur les campus universitaires dans les années 60. Puis dans le monde du tennis, du surf et du skate. Le destin de la Top-sider, paire moins polyvalente et difficile à dissocier des sports et loisirs nautiques, reste plus ou moins confiné aux limites de l’univers preppy. Timberland trouve cependant l’ingrédient miracle à la fin des années 70 en attachant une lug sole à sa désormais mythique 3-eye, contribuant directement à faire rentrer la chaussure bateau dans le canon du style streetwear new-yorkais des années 90.
1. Les classiques, c’est déjà très bien avec Vans
La boat shoe est donc un tout petit plus que la somme des préjugés qui l’affligent. Et une paire portée par tout le monde, ou presque, dans sa version en canvas si l’on considère les deck shoes comme les premières chaussures bateau de l’histoire. Un raccourci, certes, mais plutôt pratique pour étoffer une sélection de printemps ! Débutons alors par les petits enfants de la CVO Sperry, et sans chercher trop loin pour commencer avec Vans et son modèle « authentic ».

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Introduite dans les années 70, la sneaker en toile de la marque skatewear américaine avait pour principal argument son prix de lancement deux fois moins élevé que celui de la CVO à son époque ! Aujourd’hui, c’est surtout la forme qui est convaincante. Plus ronde et équilibrée que ses concurrentes, elle est particulièrement adaptée aux pantalons avec un peu de volume. Si tout ça est trop évident et que tu souhaites te compliquer la tâche, tu peux regarder chez Asahi, Doek, Moonstar ou Wakouwa (forme prétendument « anatomique », il faut aimer les bananes). Garde quand même en tête que ces options ne sont pas objectivement vraiment meilleures (en terme de durabilité) que les classiques de chez Vans.

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2. Une deck shoe par la valeur sûre de la repro’ japonaise
Si tu as bien suivi mon petit « cours d’histoire » en introduction, tu as peut-être retenu une information assez importante : à l’instar de la GAT de chez Adidas (ou Puma) et de la Converse « Chuck Taylor », la CVO a équipé les forces armées américaines. Un histoire qui implique d’abord une offre en surplus pour les collectionneurs, mais surtout des reproductions plus ou moins fidèles par des marques spécialisées en la matière. Reproduction of Found étant l’une des plus accessibles et qualitatives du lot.

La marque japonaise développe sa vision de la deck shoe avec un modèle en nylon Cordura (une matière inventée à la fin des années 20 qui est réputée pour sa grande résistance à l’abrasion et ses propriétés hydrophobes) et semelle noire contrastante en caoutchouc. Le détail typique qui fait passer la sneaker preppy dans une dimension military assumée. Une paire à porter toute l’année et qui devrait survivre plus d’une saison sans problème. À éviter dans un esprit soft-tailoring, néanmoins.
3. Une paire de sneakers en cuir type deck shoe
Si tu n’es pas un grand amateur du coté parfois un peu cheap et « jetable » des baskets type CVO proposées sur le marché, tu peux choisir de te tourner plutôt vers une forme de sneaker contemporaine. C’est à dire en cuir et avec une semelle Margom, pour le dire rapidement. On s’éloigne forcément un peu de ce qui fait le charme et toute le coté pratique de la forme originelle. Et ce n’est bien sûr pas conseillé sur un bateau, à moins de vouloir ruiner ses Fear of God « 101 » dès la première vague.

Si la forme un peu mastoc ne te parle pas, je conseille à nouveau Reproduction of Found qui garde la base classique de la deck shoe en anoblissant les matières. Pour une option abordable en daim, regarde chez Max Sauveur.
4. Penser la deck shoe autrement avec Niceness, Goral x Garmsville et Morjas
On peut toujours en faire plus. Notamment en éloignant la deck shoe de l’univers sneakers. Quitte à faire dans le trompe-l’œil, comme chez Niceness — marque japonaise jusqu’au-boutiste qui continue de me passionner, saisons après saisons. Je t’en parlais ici, et là. Cette sélection est donc une nouvelle excuse pour citer la « Georgia » : incroyable paire déguisée en deck shoe, mais construite comme une belle chaussure classique. Que du cuir. Oui, même la semelle, peinte en blanc cassé. Les finitions damaged (traces de colle, plis marqués, jaunissement…) sont superbement réalisées.

Bon, c’est peut être aller trop loin pour le « commun des mortels » (je m’inclus volontiers dans cette majorité) qui n’a pas un demi-SMIC à mettre dans une paire qui ressemble de loin à des Vans un peu flinguées. Pas de panique, je peux te conseiller deux autres marques qui font de la deck shoe qui survivra à l’été : Goral (en collab’ avec Garmsville) et la marque suédoise Morjas.
5. Les chaussures bateau classiques par Sebago
Toutes les bonnes choses ont une fin, il est temps de passer aux marques qui font de la chaussure bateau en cuir à partir de l’archétype Sperry Top-sider. Blague à part, j’aurais quand même tendance à déconseiller les quelques paires qui vont suivre si tu n’as pas le style ou l’attitude qui va avec. Je pense que c’est beaucoup plus casse-gueule que de porter de simples sneakers polyvalentes en toile dont personne ne connait vraiment l’histoire, et ceci en dépit d’un statut de « chaussures classiques » dans la mode masculine !

lesrhabilleurs.com
Si tu sais ce que tu fais (ou que tu n’as simplement pas peur du dad fit), je te conseille de regarder chez Sebago et Quoddy pour des chaussures bateau vraiment très classiques. Semelle en caoutchouc à talon, blanche pour ne pas salir le pont, et cuir sombre traité contre l’humidité pour éviter les tâches. À porter avec des chaussettes invisibles, c’est la moindre des choses.
6. Un peu de tout chez Paraboot
Montons en gamme avec la marque française historique Paraboot, qui ne me semble pas nécessiter d’introduction à rallonge en ces lieux. La seule chose à retenir est qu’elle produit un grand nombre de chaussures bateau, une forme casual par excellence qui sied particulièrement bien à l’approche du chausseur. Tu trouveras forcément ton bonheur dans son catalogue si tu cherches du classique, par exemple avec la « Barth » (-10 sur la facture avec le code « boras« , au passage).
J’ai personnellement un petit faible pour les paires sur semelle type « commando » à la Timberland. Ici la « Malo / Raid ». On en parle davantage en fin de sélection.
7. Les semelles c’est vulgaire : Morjas et Saman Amel
Car l’heure est, pour l’instant, à l’élégance et à la finesse. Aux semelles à peine visibles. À ces toebox écrasées sous un pantalon ample et fluide — préférablement de chez Stoffa. Même logique que pour cette vague actuelle de sneakers sous Ozempic : l’épaisseur, c’est vulgaire. Morjas pour l’option abordable. Saman Amel pour le deerskin.
8. J.M. Weston « 4×4 », chaussures bateau et semelle commando
Voici une paire « hybride » pour une transition en douceur vers la toute dernière partie de la sélection consacrée aux chaussures bateau « tous-terrains » et moins estivales. Celles qui nous plaisent le plus, si le doute était encore permis. Car il n’y a rien de plus efficace pour oublier les clichés du preppy et les boat shoes informes qu’une paire montée sur semelle commando. Semelle inventée dans les années 30 et utilisée lors de la seconde guerre mondiale sur les army boots anglaises qui vient ici avantageusement remplacer l’invention breveté de Paul A. Sperry.
Et qui de mieux placer qu’une marque française pour imposer sa vision du casual-chic ? À l’instar de Paraboot et de la « Thiers » dans les années 60, J.M. Weston introduit la bien nommée « 4×4 » à la fin des années 80 comme une expérimentation sur la base de la forme bateau. Une franche réussite pour le style soft tailoring, malheureusement quelque peu entachée (c’est un euphémisme) par la présence d’un logo hors sujet. Seule la collaboration avec le magasin parisien Beige Habilleur en est dépourvue. En alternative moins « crantée », j’ai vu passer un modèle assez cool cette saison printemps / été 2025 chez Margaret Howell.
9. Timberland et l’indispensable 3-eye lug sole
Déjà mentionnée une poignée de fois dans cet article, la Timberland 3-eye lug sole est sans aucune doute la deuxième chaussure bateau la plus influente de l’histoire après la Top-sider. Et peut-être celle qui est responsable du comeback actuel de cette paire en premier lieu, inspirant toutes les marques qui désirent s’éloigner de l’archétype. La recette est à la fois très simple et osée : prendre la semelle de la workboots « 6 inch » pour la monter sur une empeigne de boat shoe. Le résultat est le parfait mariage entre les esthétiques preppy et workwear.
Une combinaison particulièrement bien sentie qui tombe entre les mains des rappeurs de l’East Coast dans les années 80 et 90, au même titre que la « Yellow boot ». Porter des chaussures bateau n’est alors plus seulement une affaire de classe sociale aisée aux enfants fréquentant les universités de l’Ivy league. Preuve en images avec les collaborations Aimé Leon Dore et Supreme.
10. La chaussure bateau chunky abordable par Max Sauveur
J’aimerais mentionner rapidement Max Sauveur une nouvelle fois avant de passer à la dernière marque. Sa paire de bateaux sur commando est réussie et c’est une option abordable dans ce genre-là. Ce n’est pas une nouveauté, mais elle est toujours disponible. Boras en a parlé dans un article dédié à l’époque de la précommande. Tu peux aussi regarder du coté de la Paraboot « Chimey », si la forme effilée ne te dérange pas.
11. Revenir aux origines avec Yuketen
Ultime catégorie avec de la chaussure bateau qui assume complètement ses lointaines origines amérindiennes. Une proposition qui parlera bien plus aux amateurs de style japanese americana que de soirées blanches avec l’« Angler Moc » de Yuketen. Probablement la paire à considérer si tu es allergique à la Top-sider et pas entièrement convaincu non plus par le coté hybride de la Timberland.

Dispo chez Graduate
Pas de compromis ici avec un style très marqué qui devrait définitivement t’interdire toute fréquentation du yatch club ! Tu auras peut-être un peu plus de chance de t’intégrer avec les Visvim « Wallace Deck Folk ». Je te souhaite tout de même bon courage pour justifier la semelle.


Le mot de la fin
Voilà pour cette sélection éclectique. Si tu en veux encore plus, j’en ai deux autres à proposer. Notre top 10 des marques pour des sneakers en toile si tu es un adepte de la CVO. Ou bien celui sur les mocassins, si tu es au contraire un partisan de la boat shoe. Je te conseille personnellement de ne pas choisir et de tout lire, parce que c’était quand même long à écrire.