Suite naturelle et logique au dossier sur le style minimaliste, on parle aujourd’hui vêtements et « style » oversize. Ce n’est pas une thématique nouvelle. J’espère que tu l’avais remarqué, mais les marques qui font dans le slim ne sont pas légions sur le média. Et si l’on te parle finalement d’ampleur tous les jours, il n’y avait pas encore de lieu dédié aux bases de cette esthétique particulière. C’est désormais chose faite ! Comme d’habitude, on commence par poser le contexte avant de rentrer dans le vif du sujet. Et pour te reposer les yeux, je te propose un concentré d’inspirations en fin d’article.
Une tendance de fond
Si les silhouettes oversize ne courent pas forcément les rues, on ne peut pas nier pour autant que les choses ont évolué dans un certain sens ces derniers temps. La tendance est à l’ampleur. Sans même parler d’adoption massive, nombreuses sont les marques à proposer maintenant des coupes (plus ou moins) droites ou « relaxed ». Le cycle de la mode, mais pas seulement !
La mode est cyclique
Car après deux décennies à base de taille basse, de skinny fit et d’Hedi Slimane, il n’est pas surprenant de voir les choses s’inverser depuis quelques années. Tailles hautes, volumes qui gagnent en ampleur, proportions exagérées, et ce jusqu’aux enseignes de fast fashion. Tout semble indiquer un retour en grâce d’esthétiques autrefois ringardisées. C’est le même phénomène qu’on observait entre minimalisme et maximalisme. Un extrême en appelle toujours un autre.
Il est ainsi maintenant plus facile qu’avant de trouver des fringues amples et oversize. Des pantalons larges à pinces, style années 50. Des costumes surdimensionnés à la power suits des années 80, mais dans une réinterprétation « molle » et déstructurée (antifit). Du dad jeans et des grosses sneakers, une mode qui ne fait que construire sur le streetwear américain des années 90. Et l’intérêt pour le vintage et la seconde-main chez les nouveaux consommateurs joue également un rôle. Les styles du passé refont alors surface, souvent mélangés à des réinterprétations contemporaines.
Mais plus vraiment non plus
Si le phénomène cyclique existe toujours dans une certaine mesure, on ne peut pas non plus caricaturer aussi facilement le paysage de la mode actuel. Le monde d’avant ne connaissait ni internet, ni réseaux sociaux. Il n’y avait pas Shein. Il n’y avait même pas H&M. On connaissait alors des tendances qui duraient dans le temps. C’est ce qui nous permet encore aujourd’hui de parler de courants stylistiques propres aux différentes décennies. De parler de pièces qui ont marqué leurs époques. Est-ce encore possible aujourd’hui ?
Tu pourrais me dire que l’esthétique 2010 se définit par la naissance du menswear. Me parler de casual-chic et de jeans selvedge. Mais aussi de minimalisme, ou d’explosion du streetwear et de la culture hypebeast. Peut être de normcore ou d’ugly fashion à une époque où créer un vêtement peut être comparable à la « pratique » du shitposting et du meme. Tu vois le problème dans cette tentative de définition. Et tout s’est accéléré. Les marques qui fonctionnaient le mieux sortaient déjà quarante collections par an. Maintenant, deux mille produits par jour. Il n’y a plus rien de choquant à acheter de l’ultra large comme du skinny au même endroit, et que tout soit disponible au même moment.
La « casualisation » de la société
Derrière tout ça, il est assez facile de relever un facteur commun. Quelque chose qui fait de l’oversize une esthétique parfaitement dans l’air du temps. Cette appétence grandissante pour la « décontraction ». Une recherche de confort à tous les niveaux. Je dirais même un rejet du formalisme ou plutôt de toutes les contraintes, stylistiques comme pratiques, associées aux styles « habillés ». Il ne faut plus être serré à la taille, ni nulle part ailleurs. Les règles classiques ont encore une valeur seulement quand elles sont détournées ou enfreintes. Chaque tenue, chaque pièce, ne doit pas venir entraver les mouvements du corps. Ne parlons même pas de structure.
Je ne veux pas faire ici dans le cliché ou te parler un peu trop de Covid, de confinement et de télétravail. Certes, ces deux dernières années de crise montrent une vraie montée en puissance, notamment aux États-Unis, du loungewear et du sporstwear. Mais comme pour tout le reste, le Covid n’a été en réalité que l’accélérateur de la tendance casual de fond. L’oversize et le slouchy ne sont que les évolutions naturelles de cette mouvance. Enfin je te rassure, tout le monde n’adhère pas non plus à l’athleisure à l’américaine.
Mais si le jogging n’est pas encore le pantalon roi, nos envies et nos attentes ne sont peut être plus tout à fait les mêmes. Un environnement propice aux expérimentations !
Définir l’oversize dans les grandes lignes
Le contexte posé, on peut s’attaquer au sujet qui nous intéresse vraiment : l’oversize en tant que parti pris esthétique. Tu le sais, les termes dans le monde de la mode sont autant utilisés comme des notions techniques, descriptives, que comme des mots-clés marketing très pratiques. On va donc essayer d’y voir plus clair en considérant l’oversize non pas comme une catégorie de vêtements, mais bien comme un choix de design et par extension de stylisme.
Product oriented vs. Design oriented
Il y a quand même une notion qui englobe tout ce dont je te parle. Faire de l’oversize, c’est avant tout entrer dans une démarche de création. C’est à dire que tu n’agrandis pas ici telle ou telle proportion d’un vêtement pour répondre à un problème. Quand la marque Stein ajoute une deuxième manche à ta chemise blanche, ce n’est pas pour accommoder tes bras d’orang-outan. Et quand Rick Owens fait descendre ton t-shirt jusqu’a tes genoux, ce n’est pas non plus dans le but d’en faire un bavoir XL ou de reproduire le concept de la calchemise.
Ce que je veux dire, c’est qu’un vêtement oversize n’est jamais pensé comme un vêtement classique. Que tout ça, c’est quand même un truc de créateurs à la base. C’est la différence fondamentale entre ce que peut faire une marque qui veut simplement t’habiller, répondre à tes besoins, et une marque qui te propose un univers esthétique singulier, nécessairement clivant. L’ oversize n’est jamais utile. La visée est toujours esthétique, et parfois « philosophique ». C’est une certaine vision du vêtement et de son rapport au corps, en dehors des considérations pratiques habituelles.
L’oversize, ce n’est pas s’habiller trop grand
Et comme tu l’as peut-être remarqué, je ne t’ai pas encore parlé du dossier de Boras sur le size-up en abordant le sujet du jour. Car s’habiller oversize, ce n’est pas choisir le t-shirt standard de sa marque habituelle deux tailles au-dessus de la sienne. Bon, tu peux évidemment obtenir un rendu oversize si tu tombes sur la bonne coupe et que tu connais bien ta morphologie. Je ne dis pas le contraire. Mais dans la majorité des cas, cela revient à « forcer » les choses. Et selon la gradation en pratique, tu te retrouves avec un truc trop long, trop grand, ou les deux à la fois.
Une fringue oversize est pensée pour l’être aux bons endroits, c’est à dire que tu obtiens l’effet escompté en prenant simplement ta taille habituelle. Si tu ressembles à moi en primaire quand on m’achetait des fringues « pour l’année prochaine », ce n’est pas bon signe. Oversize ne veut pas non plus dire wide ou loose, ni même « relaxed ». C’est évidemment le cas la plupart du temps, car on utilise le terme pour décrire du large. Mais retiens quand même qu’un vêtement oversize, c’est une pièce dont seulement certaines proportions ont été modifiées et plus précisément exagérées.
Pourquoi porter des vêtements oversize ?
Après tout ce que je viens de dire, c’est peut être le moment de se questionner sur la démarche en elle-même. Je ne veux pas parler ici de corpulence (oversize n’est pas plus-size) ou d’avantage pratique comme le « confort » (c’est très subjectif). Ce qui m’intéresse, c’est ce quelque chose qui relève intrinsèquement de l’intention personnelle dans le fait de s’habiller oversize. C’est à dire qu’il faut assumer derrière, et que ce n’est paradoxalement pas forcément une position confortable.
Si tu passes outre les connotations ou la peur de te planter, porter des vêtements oversize peut te donner une autre perspective sur la mode, et sur ton propre corps. L’avantage, c’est que dans ce contexte de liberté et de normalisation de l’ampleur, l’oversize apparait quand même comme un parti pris esthétique assez peu subversif. C’est peut être aujourd’hui la manière la plus acceptée de s’habiller normalement, mais « différemment » (sauf si tu travailles dans une banque). Et grand sujet ici, je pense que c’est avant tout une bonne façon de s’amuser avec les vêtements !
Quelques conseils pour bien porter des vêtements oversize
On l’a vu ensemble, créer un vêtement oversize n’est jamais une chose anodine. Ce n’est pas une taille en plus qu’on rajoute dans la gradation classique d’un t-shirt. Alors porter ce même vêtement, c’est s’inscrire dans le prolongement cette démarche. On va donc se mettre dans le bon état d’esprit. Ensuite, je te donnerai quelques astuces concrètes « basiques » pour bien intégrer des pièces oversize et du volume à tes tenues !
Principes de base
Si le but n’est pas de trop se prendre la tête, ne te laisse quand même pas avoir par la fausse idée que s’habiller avec des pièces amples serait bien plus facile que de porter du slim. Ou bien qu’il suffirait d’acheter tout en « plus grand » pour que cela fonctionne à la fin… Comme toujours, il faut faire un minimum « d’efforts » pour avoir l’air de ne pas en faire du tout.
Penser « silhouette » et pas « ça me va »
Et on en revient toujours à la même notion sous-jacente dans nos articles : apprendre à penser en termes de silhouette. C’est pour moi à la fois s’émanciper de l’idée du vêtement comme objet utilitaire (comprendre : s’habiller pour ne pas être nu, le rapport qualité-prix…) et mieux comprendre ce qui fonctionne vraiment dans une tenue. Car le mauvais réflexe serait ici de se dire « c’est plus confortable, et tout est plus large et permissif ». C’est vrai dans un sens. Mais s’habiller oversize ne signifie pas se cacher derrière des couches informes, bien au contraire.
C’est d’ailleurs souvent une manière de rendre bien plus visible ce rapport qu’entretient le vêtement avec le corps. Car on ne questionne pas le banal. On ne te remarque pas si tu t’habilles selon les standards du moment. En choisissant l’oversize, c’est toi qui vient questionner la norme, ou au moins proposer quelque chose de différent. Et si tu veux que cela fonctionne facilement, il faut que l’alternative soit compréhensible. Même aux yeux de ceux qui ne s’intéressent pas du tout à ça ! Et tout passe par une silhouette réussie, par de bonnes proportions, par une cohérence globale.
Les genres stylistiques et les différents degrés d’oversize
Évidemment, il est étrange de dire « j’ai un style oversize ». Cela ne donne absolument aucune information sur ce que tu portes. L’interprétation varie radicalement d’une marque à une autre, d’un style à un autre. Porter du streetwear oversize, ce n’est pas la même chose que de rajouter quatre centimètres au torse et de descendre les coutures d’épaules de sa chemise casual. Pourtant, c’est théoriquement le même concept à l’œuvre. Je ne vais donc pas te faire ici une liste de styles, ni même des pièces qui se prêtent bien au jeu. Car en réalité, c’est un principe qui peut s’appliquer à absolument tout.
Ce n’est alors seulement qu’une question de degrés et de mesure. L’oversize sied forcément à ce qui est déjà casual par nature : du workwear, un hoodie, un chino skatewear… C’est dont je te parlais tout à l’heure en suggérant que le large est aujourd’hui plus facilement accepté. Avec des pièces et des styles qui admettent déjà une certaine ampleur, l’évolution est très naturelle. Si tu pars au contraire d’une base « formelle » ou d’un style très classique, comme pour un costume, une chemise en popeline ou un manteau bleu marine, le résultat surdimensionné sera forcément connoté plus « mode » et un peu plus difficile à porter.
Quatre conseils simples pour intégrer des vêtements oversize à ton style
La chose intéressante avec le fait d’intégrer des vêtements oversize à un style déjà établi, c’est que tu agis dans une sorte d’environnement controlé. Tu connais tes goûts et tu sais (à peu près) vers quoi tu souhaites tendre. Pour poursuivre la réflexion, mon premier conseil serait donc d’expérimenter avec des choses faciles et qui font sens : un t-shirt ample, une veste à poches casual qui se sépare de son cintrage, une chemise à manches courtes…
Le ratio épaules / hanches
Et pour bien intégrer et porter cette nouvelle pièce oversize, tu peux t’aider de pas mal de choses. La première qui me vient en tête, c’est de jouer avec les attentes et le canon esthétique. Je ne pense pas t’apprendre grand chose en te disant ici que la largeur des épaules est importante chez un homme, et qu’il vaut mieux avoir une silhouette en « v » qu’en « poire ». À partir de ce constat, tu as deux manières d’envisager la chose.
Soit tu optes pour une construction assez structurée, style année 80 en moins radical. Soit tu pars au contraire sur une épaule tombante (drop shoulder) ou une manche raglan. Cela dépendra de tes gouts, mais aussi de ta carrure. Le plus important, c’est de vérifier que tes épaules apparaissent toujours visuellement plus larges que tes hanches. Si le ratio est bon, tu restes en terrain connu. Et c’est alors beaucoup plus simple d’expérimenter avec du volume au sein de ce cadre.
Marquer la taille et étager les longueurs
Une autre astuce pour ne pas se laisser « noyer » dans ses vêtements oversize, et dans du wide en général, c’est de créer des délimitations visuelles. C’est quelque chose de très classique. Par exemple, rentrer un t-shirt ample dans un pantalon taille haute. En marquant la taille, tu gardes l’ampleur au corps et aux manches, mais tu évites de te faire bouffer par le volume. Et quand le layering est possible, tu peux appliquer la même logique en organisant les différentes couches en « étages ». Si ton tee est oversize en longueur et non pas en largeur, tu peux ainsi complètement modifier ta silhouette.
Attention à la longueur des jambes
Ce passage concerne surtout ceux qui n’ont pas forcément des longues jambes. Je ne parle pas de « petite taille», mais bien uniquement de longueur de jambe ! La logique est simple, c’est beaucoup plus difficile de jouer avec de l’ampleur en haut si tu as les jambes courtes. Bonne nouvelle, la taille haute est à la mode. Rajoute une veste ou un tee oversize boxy (plus de largeur, mais plus court ou d’une longueur standard), et c’est tout de suite plus facile.
Si tu es grand, je te conseillerai au contraire d’éviter d’allonger encore plus tes jambes. C’est une esthétique qu’on voit partout en ce moment, des tailles très hautes et des mini-torses. Je trouve qu’on arrive vite à un trop grand déséquilibre. Pour parler de mon cas personnel, j’aime bien allonger un peu mon torse en descendant (un peu) le pantalon. Le mieux reste de privilégier les fourches longues, afin de pouvoir moduler la hauteur selon l’ensemble.
Ne surtout pas négliger le pantalon
Dernier conseil, et surement l’un des plus importants. Je vais en parler rapidement, parce que c’est l’un des grands combats de l’ami Boras. Comme lui, je pense que le pantalon est l’élément qui va faire la différence entre une silhouette réussie, équilibrée et cohérente, et quelque chose de raté. Pour les coupes, le tapered (plus ou moins prononcé) est toujours ton ami.
Quant au point crucial, la longueur, mon conseil serait de couper court dans la majorité des cas. En laissant un espace entre ta chaussure et ton pantalon, non seulement tu évites un stacking qui peut vite ruiner ta tenue, mais tu crées également un autre étage qui rend plus lisible ta silhouette. C’est notamment très utile quand tu portes un manteau oversize bien long. Ce repère fait toute la différence, et c’est encore plus important si cherches à allonger visuellement tes jambes.
S’habiller qu’avec des vêtements style oversize ?
Voilà pour les conseils de base, je pense que j’ai couvert le plus important ! Maintenant, supposons que tu souhaites t’habiller entièrement en oversize.
Dans ce cas, tout ce que je viens te dire s’applique toujours. Je dirais même que c’est encore plus important. Enfin, tout dépend encore une fois de quoi on parle. Tu peux choisir de t’habiller dans de l’oversize « relax », c’est à dire une silhouette qui reste traditionnelle malgré l’ampleur. Ou bien te fournir chez Sillage et partir dans tout autre chose. Si c’est ton but à terme, je ne peux en tout cas que te conseiller d’expérimenter doucement, d’apprendre à connaître ta morphologie. Le reste suivra. Ce qui fait la différence, ce ne sont pas des règles à appliquer, mais plutôt ta sensibilité personnelle, tes goûts, tes influences.
Moodboard, quelques marques et comptes à suivre
C’est bon, on arrive au moment où j’arrête mes phrases à rallonge ! Je t’ai concocté un petit moodboard pour cet article, en plus des autres photos choisies pour illiustrer mes propos. Si tu cliques sur les images, tu trouveras des comptes instagram pour aller plus loin. Quelques pistes et surtout de l’inspiration !
Le mot de la fin
Je ne vais pas terminer par de grands discours, j’en ai assez dit. Je te laisse avec ces images en tête. J’espère en tout cas avoir réussi à te transmettre mon intérêt et mon amour pour le sujet !