Chaque Top 10 est l’occasion de retrouver une sélection de pièces conseillées par la communauté Borasification (et un peu la rédaction). Cette liste est non exhaustive et constitue une série de coups de cœur qui t’aiguilleront, pour toi aussi trouver les vêtements et chaussures qui te feront vibrer.
Le costume est mort, vive le costume. En dehors des rares occasions formelles où sa fonction symbolique est invoquée, ou de ces quelques jobs où la notion de représentation reste primordiale, porter au quotidien un complet qui répond aux codes de l’élégance « classique » n’est plus une chose banale, ni attendue. C’est au contraire souvent faire preuve d’un excès de formalisme (ou pire encore, d’excentricité) à une époque où le port de la chemise est déjà perçu comme un « effort » en soi. Adopter la norme d’hier créant inévitablement un décalage avec un environnement social qui ne voit dans l’interprétation stricte du costume qu’un carcan désuet.
Tout espoir n’est cependant pas perdu pour les amateurs, preuve par l’exemple avec la très compétitive sélection du jour ! Les belles marques, du soft-tailoring jusqu’au streetwear, continuent d’intégrer cette espèce en voie de disparition dans leurs vestiaires. Mais en pensant le costume différemment. En trahissant, plus ou moins, la promesse initiale au profit d’une décontraction contemporaine.
Une dizaines de marques qui réinventent le costume pour ce printemps
Si je n’ai pas la prétention de te donner la recette de l’élégance, les marques réunies dans ce top 10 devraient a minima t’aider à ne pas finir en cosplay Peaky Blinders ou « vieux mec de droite ». Oui, c’est cumulable. Le printemps étant à mon sens la saison parfaite pour dépoussiérer le costume. Des beaux jours à venir qui invitent à l’élargissement des coupes, à l’abandon de la structure et du padding (rembourrage), aux matières aérées et au port avec une paire de mocassins ou de sneakers en toile. Sans succomber aux sirènes du leisurewear américain, les mots d’ordre sont donc « pratique » et « confortable ».
En somme, le costume de printemps (et plus largement, le costume d’aujourd’hui) doit se faire oublier à l’usage. Être agréable à porter. Et c’est encore mieux s’il est facile à entretenir. En coton, de préférence. Dans un mélange avec du lin ou du chanvre . Ou dans une matière technique pour ne vraiment plus se prendre la tête avec le pressing. Reste enfin la question du budget. Il sera bien sûr difficile de trouver de l’abordable sans consentir à de lourds compromis. Je pense à Zara, certainement la marque de fast fashion la plus intéressante dans ce domaine. Faire un encart ponctuel et réfléchi n’est pas criminel, et je recommanderais aux étudiants invités à un mariage (comme moi, l’année dernière) de jeter un oeil à son offre avant de détourner son APL.
1. Le costume de printemps coupe relaxed par Beams Plus
Pour tous les autres, je n’ai malheureusement pas de référence « accessible » à proposer. À moins de considérer un costume à moins de mille euros comme une bonne affaire. Ce qui, en considérant les références de la sélection, n’est pas si loin de la réalité. Beams Plus, label americana japonais incontournable, est une première piste à suivre pour un costume classique casual à porter avec une paire de chaussures bateau montée sur semelle commando. Du très simple dans les cinq cents euros, ou un bel ensemble à carreaux en coton, laine et lin cette saison pour les budgets plus solides.
À l’instar d’Edifice 417, autre marque japonaise dans le même esprit, le principal est de ne pas être trop grand. Si tu dépasses les 1m80, je te conseille plutôt de regarder chez Officine Générale. Le nouvel ensemble avec la veste « Arthus » deux boutons est réussi, malgré un rembourrage regrettable à l’épaule.
2. Barena, le soft-tailoring à l’italienne
Si le soft-tailoring trouve bien ses origines dans la rue Savile Row du début du XXème siècle, s’aventurer en Italie reste la meilleure option pour du costume estival à la mollesse justement dosée. Et cela tombe bien car Suitsupply, la marque néerlandaise de tailoring italien fait en Chine (réputée pour ses tarifs en-dessous du marché, surprise), propose depuis peu des coupes moins étriquées qu’avant pour les petits budgets. En ce qui concerne Barena, vraie marque italienne cette fois, rien n’a changé ! Du blazer en maille en hiver. Des poches plaquées, une épaule naturelle et de la légèreté, avec régulièrement des ensembles en seersucker.
En alternative, un rapide tour dans la catégorie soft suiting chez Stoffa devrait te convertir définitivement au costume. Un label new-yorkais aux influences méditerranéennes passé dans la Revue de mode, pour en voir un peu plus.
3. L’indétrônable costume « Games » par Drake’s, au printemps et tout le reste de l’année
Dans le cas où tu aurais besoin d’un costume pour bosser et que tu serais un adepte du style ivy, inutile de t’embêter à parcourir le reste de la liste. Drake’s est la référence en la matière grâce à la coupe décontractée et unique de son costume « Games ». Veste 3 roll 2 (fausse trois boutons) dans la tradition américaine à la Brook Brothers, poches plaquées ou flap pockets selon la variante choisie (mk2 contre mk1), pas de structure ni de doublure, dos dépourvu de fente… Autant d’éléments qui situent la proposition de la marque britannique du coté très casual du spectre. L’équilibre parfait pour un costume qui passe à la machine.
Je n’ai pas mentionné le prix, je te laisse découvrir le monde merveilleux de Drake’s par toi même. Quand on aime on ne compte pas. Mais quand l’amour ne suffit pas, tu peux également te tourner vers J. Keydge et sa slack jacket. À surveiller sur Vinted, car c’est souvent vendu pour trois fois rien (et c’est validé par Michael Drake en personne).
4. Scott Fraser Collection pour un costume rétro
Je ne savais pas vraiment où placer les costumes made to order Scott Fraser Collection dans cette liste. Alors c’est pour maintenant. Une parenthèse, un entre-deux qui va nous faire doucement quitter le rassurant soft-tailoring pour nous emmener vers d’autres horizons moins conventionnels. En commençant paradoxalement par regarder en arrière et assumer complètement ses inspirations rétro. Taille maxi haute, ampleur maitrisée, chemisette camp collar à motifs qui déborde sur une partner jacket boxy (corta) ou à la coupe plus traditionnelle (lunga). Un mot qui ne veut pas dire grand chose chez SFC, marque qui plaira autant aux nostalgiques qu’aux modeux.
5. Le costume minimaliste chez Still by hand
Comment rebondir après ça ? En épurant les lignes, en simplifiant à l’extrême. Et difficile de faire encore moins que Still by hand dans son approche du costume, une marque au vestiaire sobre, modulaire, mais jamais ennuyeux. Ici la veste deux boutons s’apparenterait presque à un cardigan porté à la cool. Les épaules sont tombantes. La matière très légère. Un costume à la japonaise qui mise tout sur la silhouette, un propos peut-être un peu « fade » en l’état pour certains. Ou au contraire parfaitement adapté à un port quotidien pour d’autres.
Les marques dans ce créneau sont très nombreuses et tu auras l’embarras du choix si c’est ton truc. Markaware, Comoli et Document, par exemple. Le problème est plutôt d’ordre morphologique. En dehors des fringues loose et oversize, le tailoring asiatique n’est pas toujours adapté aux physiques occidentaux. L’atout de Still by hand est de produire ses pièces en version import : plus de longueur un peu partout et des épaules moins étroites.
6. Penser à Lemaire pour son costume croisé déstructuré
Lemaire est définitivement la marque que je laisse de coté sans trop m’en rendre compte, ayant tendance à oublier que ce que je recherche chez les japonais se trouve finalement sous mes yeux. Chaque lookbook est comme un rappel à l’ordre, comme une nouvelle bonne raison de s’intéresser au créateur français qui ne se résume pas à ses collections Uniqlo U. Le printemps été 2023 ne fait pas exception, avec une vision de l’élégance contemporaine tapant toujours juste. Ce que l’on décrit souvent avec l’adjectif effortless en anglais. Une qualité difficile à expliquer objectivement, ce quelque chose de faussement « naturel » qui fait oublier tout le travail derrière.
C’est encore ce que je perçois dans ce superbe croisé déstructuré en seersucker de laine froide (tropicale ou fresco. Une matière légère tissée en open weave qui laisse passer l’air tout en conservant les avantages d’une laine hivernale). L’ampleur déjoue la fonction première du costume. Le stacking est parfait. La palette de couleurs adoucit le coté « mode ». Si tu es de l’école britannique et des pantalons coupés très courts, c’est chez Studio Nicholson que cela se passe.
7. Adopter le costume technique ce printemps avec nanamica
Le mot « technique » employé pour décrire un costume à de quoi faire fuir le puriste. Surtout après avoir bave sur tout un tas de belles matières naturelles qui n’ont pas eu besoin de plastique ajouté pour convaincre. Immédiatement, on imagine un tissu ultra stretch. Un pantalon comme un lointain cousin du jogging. Un aspect global cheap un peu terne, ou au contraire trop brillant. Mais ça, c’est avant de tomber sur les fringues nanamica.
La philosophie d’Eiichora Homma, l’homme derrière The North Face Purple Label, fait toute la différence avec du techwear qui ne ressemble pas à du tout à du techwear. Pas de gros logo Gore-tex bien criard. Pas de signe trahissant l’hybridité des pièces. Mais des choses simples. Une marinière, une chemise à manches courtes, un costume bleu. Adapté aux climats chauds et humides, il sèche très rapidement, ne froisse pas et passe en machine. Du pratique et du beau.
8. Le casual brut chez Universal Works
Mon idée avec cette sélection était à l’origine de ne pas simplement m’en tenir au costume tel qu’on le conçoit traditionnellement. C’est à dire d’inclure tout ce qui relève de l’ « ensemble », une veste et un pantalon accordés. Si j’ai finalement préféré garder ce sujet pour plus tard, je pense que cette fin de sélection doit déjà ouvrir vers une définition plus large du « costume ». Les univers military et workwear, hauts lieux de l’uniforme, sont des prolongements naturels. Ne voulant pas attaquer trop fort, j’ai choisi la marque britannique Universal Works pour son accessibilité. C’est souvent en soldes, et facile à chopper en Europe. Bon, ce n’est évidemment pas très raffiné et peu recommandable pour un mariage. Mais c’est aussi beaucoup plus facile à porter avec une paire de Yuketen.
Regarde chez Engineered Garments et 1st PAT-RN pour des propositions plus abouties.
9. Kaptain Sunshine et le workwear chic
Les deux dernières catégories partagent une approche commune : des inspirations classiques viennent bouleverser et « élever » une conception à l’origine très casual. Le pendant du soft-tailoring pour des styles qui réclament davantage une codification qu’un relâchement généralisé. C’est le cas du courant workwear-chic, toutes ces marques qui font de belles choses en s’inspirant du vêtement de travail. MHL, Toast, Old Joe… Chacune mériterait une mise en lumière ici. J’ai néanmoins privilégié mon coup de coeur de ce printemps, une costume de la marque japonaise Kaptain Sunshine. Et oui, c’est encore une fois une veste croisée…
Un ensemble garment dyed sans doublure, une veste drop shoulders, un pantalon droit avec une très belle taille haute, le tout dans un luxueux coton égyptien « finx ». J’admets tout de même que l’inspiration workwear sur ce modèle en particulier est moins évidente que chez un Evan Kinori par exemple. Je pense notamment à son nouveau blazer, à la sack suit américaine, qui assume ses trois boutons et son coté « couvrant » comme une veste de travail.
10. Un costume streetwear pour ce printemps ?
Terminer avec Aimé Leon Dore et Noah était une évidence à l’écriture des premiers mots de cet article. Enfin, j’aurais presque pu commencer en te montrant tout ça. Car il me semble que l’interprétation new-yorkaise du costume à la streetwear-chic, à base de sneakers et de Timberland, représente un petit espoir pour le vieux monde du tailoring. Cette philosophie de la débrouille, du mélange des genres, héritée du streetwear des années 80 et 90 alors obsédé par Ralph Lauren et Tommy Hilfiger. Cette approche style qui fait qu’une marque comme ALD peut aujourd’hui vendre du costume aux « hypebeasts à la retraite ». C’est très cool à voir. Et si acheter ton costume chez ces marques n’est peut-être pas une bonne idée, s’abreuver de leurs lookbooks est au contraire une habitude à prendre
Exprimant une joie de vivre moins communicative, les pages produits de la catégorie suiting du shop de la marque danoise mfpen restent assez amusantes à parcourir. Du costume qu’on imaginait autrefois porté par un banquier, ici avec un très classique motif pinstripes, qui se retrouve sur un mannequin désabusé, cafféiné, et très certainement désinvolte. Je ne pousserais pas l’ironie jusqu’a porter une paire de New Balance avec une cravate et un ensemble ringard, mais je salue la démarche.
Le mot de la fin
Voilà pour cette (passionnante) incartade dans le monde du costume peu conventionnel. J’espère t’avoir aidé un peu dans ta quête pour ce printemps. Et si ton choix est fait et que tu souhaites compléter la panoplie, je peux te donner encore un peu de lecture. La chemise blanche classique ou en crochet, la chemise à manches courtes pour la jouer Scott Fraser, la casquette pour la touche ivy. Et tout le reste !