Chaque Top 10 est l’occasion de retrouver une sélection de pièces conseillées par la communauté Borasification (et un peu la rédaction). Cette liste est non exhaustive et constitue une série de coups de cœur qui t’aiguilleront, pour toi aussi trouver les vêtements et chaussures qui te feront vibrer.
On continue aujourd’hui d’explorer les indispensables du vestiaire automnal et hivernal avec la chemise en flanelle. Comme d’habitude, je te propose un petit point culture sape avant de te laisser piocher dans la sélection au gré de tes propres inclinations stylistiques. Classique à carreaux (plaid shirt), parfois unie, à poches, en flanelle de coton ou de laine, légère et précieuse ou bien au contraire lourde et rustique comme une surchemise… Je te garantis que tu trouveras forcément quelque chose à ton goût ici. Et dans l’éventualité où je me tromperais, je t’encourage à faire un tour sur le forum dans le topic dédié au sujet pour continuer la discussion !
Trouvant ses origines dans le Pays de Galles du XVIIème siècle, la flanelle est un tissu duveteux traditionnellement fabriqué à partir de laine cardée (laine brute qui a été nettoyée, démêlée, aérée et directement filée sans étape supplémentaire).
Une dizaine de chemises en flanelle pour cet automne-hiver
Favorisée pour ses propriétés thermiques supérieures, sa douceur et sa résistance, la chemise en flanelle habillait les fermiers et les protégeait du climat rude d’Europe du Nord. Un savoir-faire importé par les premiers colons aux États-Unis et notamment employé dans les régions les plus froides du pays. L’exemple le plus célèbre étant celui du tisserand anglais John Rich qui s’installe en Pennsylvanie et fonde la marque Woolrich en 1830. Vingt ans plus tard, il crée le mythique motif buffalo check. La flanelle en tant que tissu workwear est alors rapidement adoptée par les travailleurs de plein-air à l’aube de la révolution industrielle.
Aujourd’hui, la flanelle est partout. Et si elle a gardé cette connotation rugged et plutôt « masculine », elle ne désigne plus exclusivement un tissu épais en laine cardée (woolen) un peu rustique. Laine et coton peignés (worsted) ou mélanges de matières synthétiques brossés sont utilisés pour créer des chemises en flanelle plus ou moins épaisses, légères et douces. Et bien qu’il est parfois difficile d’oublier le stéréotype du bucheron (ou du hipster des années 2010), la flanelle à carreaux a aussi bien été portée par les travailleurs, que les sportifs, les skateurs ou les fans de grunge et de hip-hop dans les années 90.
Une très grande diversité sociale et stylistique qui classe la chemise en flanelle dans la catégorie « basique polyvalent » du vestiaire contemporain, aux cotés du jean et du t-shirt. Pour faire honneur à cette pièce qui ne connait pas de frontières, je te propose une sélection éclectique qui retrace son histoire dans les grandes lignes.
1. La forme archétypale avec Woolrich et Thomas Farthing
Le travailleur et sa chemise en flanelle à carreaux rouges et noirs. Assurément la première image qui nous vient en tête. Car il n’est pas aisé de séparer la chemise en flanelle de ses origines workwear américaines et du motif à carreaux écossais. À tel point que « plaid shirt » est souvent synonyme de chemise en flanelle dans l’inconscient collectif. Pour ces modèles, je ne vais pas faire dans l’originalité et simplement te conseiller de regarder ce qui peut se trouver en vintage. Woolrich, Pendleton ou même Kidur en France sont des valeurs sûres.
Le problème qui se pose avec la production actuelle est simple. Faire une chemise épaisse en flanelle de laine, ça coûte très cher. Et c’est souvent trop chaud pour notre climat tempéré et nos intérieurs chauffés. Voilà pourquoi on trouve majoritairement des chemises en flanelle de coton assez fines qui réduisent les origines workwear de la pièce à un motif peu subtile et criard. Si tu cherches de la chemise « à l’ancienne », je te conseille de regarder du coté des marques anglaises. Thomas Farthing est par exemple une bonne piste à suivre pour des modèles en coton épais.
2. La chemise en flanelle heritage à la japonaise
Et si ce n’est pas assez, tu peux bien sûr compter sur les marques japonaises pour aller jusqu’au bout du propos. Flat Head, Iron Heart, Sugar Cane… Voilà quelques grands noms du milieu heritage qui font des chemises en flanelle haut de gamme dans un pur style japanese americana. Les motifs, couleurs et détails sont évidemment très « premier degré ». Ce n’est pas évident à porter si tu n’as pas toute la panoplie Visvim, le rêve américain et la dégaine qui va avec.
Pour quelque chose de plus « créatif », je pense naturellement à Daiki Suzuki. Sa ancien rôle en tant que directeur créatif chez Woolrich est d’ailleurs assez parlant quant à sa légitimité sur le sujet. Avec la work shirt en flanelle de chez Engineered Garments, il rend hommage à l’histoire de la pièce sans tomber dans une interprétation trop scolaire.
3. La (sur)chemise militaire en flanelle
On l’a vu avec le denim ou la toile cirée chez Barbour, ce qui est utile pour les travailleurs l’est tout autant pour les militaires. Adoptée pour ses propriétés thermiques en tant que sous-couche pour le layering, la chemise en flanelle était une solution économique qui a équipé les soldats américains dès la Guerre de Sécession (1861 à 1865). Un tissu amélioré au cours du temps et que l’on retrouve logiquement dans les uniformes des soldats des deux guerres mondiales, avec la fameuse chemise CPO (Chief Petty Officer).
Plusieurs approches différentes sont possibles, mais tu peux retenir qu’une chemise militaire en flanelle est souvent pensée comme un outerwear. Ce n’est pas le cas de la Belafonte Ragtime Clothing juste au-dessus, mais les modèles de chez Buzz Ricksons et The North Face Purple Label (ligne japonaise exclusive, voir également nanamica) se portent comme une surchemise ou une veste.
4. La fatigue shirt par Fujito, du military et du grunge à la fois
Pour clore cette parenthèse military, je voulais te montrer un modèle que j’aime beaucoup chez Fujito. Une marque japonaise de niche qui propose, comme bien d’autres, sa réinterprétation du style et des vêtements américains. À la différence près que la période qui inspire son designer, Go Fujito, n’est pas celle du vintage americana. Mais plutôt des années 80 et 90, et des vêtements portés par une jeunesse qui se définit par le skate, le grunge et le hip-hop naissant.
À cela s’ajoute un goût prononcé pour le workwear et le military. Autant d’ingrédients qui annoncent la couleur. Avec son col cubain, ses poches minimalistes et son motif à carreaux fondus, cette (sur)chemise en flanelle de coton, polyvalente, et inclassable, est une synthèse réussie. Dans le même univers, tu peux regarder ce que fait Takuji Suzuki au sein de ts(s).
5. La chemise en flanelle et le skatewear
Maintenant que j’ai ouvert la voie, il est temps de s’affranchir définitivement de ces registres « cloisonnés ». Car à la suite des travailleurs, des militaires et enfin des surfeurs dans les années 50, ce sont les skateurs à la fin des années 70 qui s’approprient la chemise en flanelle. Toujours à carreaux, évidemment, elle est portée oversize et ouverte avec un pantalon cargo ou un short. Un style qui a connu un retour en force récemment, alors qu’acheter en fripes n’a jamais été aussi répandu. Il reste difficile de parler de « tendance » pour une esthétique qui n’a jamais été ringardisée, même si une marque comme Fear of God a largement contribué à ce revival des 70s et des 90s au début des années 2010.
Pour du streetwear, j’irais donc chez les marques de skate (Supreme, Stüssy…) ou tout simplement en fripes. Je ne pense pas que l’approche soit la même que pour un style heritage où la qualité est primordiale. Où le made in USA a une vraie valeur ajoutée. Les chemises en flanelle cheap ayant inondé le marché de la fast fashion et du luxe de mauvais goût (pense aux designs Off-White), il est d’autant plus judicieux de les acheter pas trop chères en seconde-main ou chez les spécialistes.
6. La chemise en flanelle street-heritage par Needles
Pour aller un peu plus loin, je me dois de mentionner ici la collection « REBUILD » par Needles. Des chemises en flanelle très particulières qui, à l’instar du track suit en velours, ont propulsé ce petit label de connaisseurs dans la sphère mainstream.
À la croisée des inspirations streetwear, vintage et grunge, ces nouvelles pièces sont créées à partir d’un processus d’upcycling de plusieurs chemises dépareillées, d’époques différentes, dont des pans de tissus sont cousus ensembles. Le résultat est original, unique et cristallise parfaitement l’esprit japanese americana. Ou même street-heritage, si j’ose le dire.
7. Portuguese Flannel pour du casual chic
Difficile d’enchainer sur du casual chic après la folie créative de Needles, mais on ne peut pas non plus porter une chemise en flanelle « 7-en-1 » tous les jours. La simplicité sera le maître mot de la fin de cette sélection, en commençant par dire une évidence. Oui, Portuguese Flannel est une marque particulièrement indiquée quand tu cherches une chemise en flanelle. Ou même une chemise accessible et bien faite, tout simplement.
Épaisseur moyenne, matière douce et texturée, coloris variés et bien sentis, finitions très correctes pour le prix avec des boutons en corozo, cols qui ne sont pas trop petits… C’est une marque que l’on conseille régulièrement en début de milieu de gamme, aux cotés d’un Beams Plus ou d’un Muji pour les plus petits budgets. Des noms qui ont encore une fois leur place ici et qui devraient faire l’affaire pour un style décontracté classique.
8. Du très beau made in Italy par G. Inglese
L’autre nom récurrent, certes un peu moins, est celui de G. Inglese. J’avais mentionné cette très belle marque italienne dans la sélection qui portait sur les chemises blanches. Si l’on monte d’un cran dans la formalité et qu’on touche au monde sartorial (surtout dans l’attention portée aux finitions), ces chemises en flanelle restent faciles à porter dans un esprit soft tailoring. Et si je te parlais de cols trop petits à l’instant, ici ils ne sont heureusement pas trop grands, ni trop rigides ni trop imposants. On est également loin de la chemise toute lisse, avec du twill, du chevron et l’aspect duveteux de la flanelle de coton peigné en prime.
Je ne vais pas m’étendre sur son sujet plus que nécessaire, mais seulement te rappeler qu’elle est distribuée chez No Man Walks Alone. L’un des meilleurs shops au monde. Le même qui vient tout juste d’ouvrir un site dédié au marché européen, avec une livraison gratuite… (et c’est expédié depuis la France !). Cela reste cher, mais ce que je te montre ici n’est donc plus totalement hors de portée !
9. Livid Jeans, l’interprétation nordique
Nous avions quitté le monde de la flanelle classique à carreaux workwear, on y revient un instant avec la marque norvégienne Livid Jeans. Enfin, pas tout à fait. Les coupes oversized et les motifs rappellent plutôt l’esprit grunge convoqué par Saint Laurent au début des années 2010, quand Hedi Slimane était aux commandes. Une esthétique souvent représentée chez les marques « minimalistes » et créa nordiques.
Si c’est ton truc, pense également à surveiller les collections chez Our Legacy et Mfpen. Ces deux marques utilisent des matières aux mélanges parfois aléatoires et les modèles sont à étudier au cas par cas. Surtout en ce qui concerne Mfpen qui ne se sert que de tissus deadstock.
10. La chemise en flanelle minimaliste
Du workwear brut au military, puis au streetwear en passant par le grunge, et enfin au casual chic et au soft tailoring contemporain…Si tu as suivi la sélection avec attention tu as certainement pu remarquer qu’on se dirigeait lentement, mais sûrement, vers une certaine forme de préciosité. La dernière « étape » de ce parcours stylistique me semble toute naturelle. La flanelle utilisé en tant que tissu luxueux dans des registres qui ne se veulent pas formels pour autant.
Je dois admettre que je suis un peu biaisé sur la question, ayant notamment écrit un article sur le style minimaliste, et que ça ne plaira surement pas à tout le monde. Mais si comme moi tu aimes la simplicité (et les choses trop chères), tu devrais apprécier ce que peuvent proposer des marques telles qu’Auralee, Stein et Markaware. Des vestiaires qui voient leurs inspirations military, workwear et tailoring diluées et épurées pour ne conserver que l’essentiel : une silhouette, une coupe, une matière, un drapé.
Pour terminer, je pense enfin à Lownn et à Evan Kinori. Deux marques qui expriment par leurs approches du design un amour du vêtement utilitaire. Une vision de la chemise en flanelle qui n’a plus rien de rustique, mais qui nous ramène en quelque sorte à notre point de départ !
Le mot de la fin
Avec cette grande boucle, j’espère avoir réussi à te montrer parmi ce qui se fait de mieux en chemise en flanelle. Et surtout que tu as maintenant une idée un peu plus précise de ce que tu veux !
Si tu cherches plus de sélections pour cet automne – hiver, tu peux aller consulter nos top 10 sur le pantalon en velours, les vestes de mi-saison et le pull à col roulé.